Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, du strict point de vue budgétaire, je constate que la loi de programmation militaire est respectée et que, en effet, les crédits augmentent bien de 1, 7 milliard d’euros.
Mes collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées aborderont sans doute un certain nombre de sujets plus ponctuels.
Pour ma part, je souhaite, dans le cadre de la discussion du budget pour l’année 2021, faire un point rapide sur un projet qui vous tient à cœur : le plan famille. Je prends acte de la réforme de la rémunération qui a été engagée et qui semble porter ses fruits, puisque les recrutements, malgré un contexte sanitaire difficile, se sont plutôt bien effectués.
Je regrette simplement, madame la ministre, que l’amélioration de l’hébergement des militaires se fasse toujours attendre, même si les crédits sont bien au rendez-vous. Je crains que nous n’ayons un peu trop tendance à oublier qu’il s’agit d’un personnel particulier, qui doit être bien traité. Peut-être les normes en matière d’accessibilité et de mobilité pourraient-elles, pour un certain nombre d’entre elles, être appréciées de façon allégée – c’est un euphémisme.
Ce qui me préoccupe dans ce budget, madame la ministre, c’est non pas ce qui s’y trouve, mais ce qui ne s’y trouve pas.
Pour évoquer tout d’abord la fin de gestion de l’année 2020, je rappelle que le Sénat a voté le principe selon lequel le surcoût des opérations extérieures, les Opex, devait faire l’objet d’une solidarité interministérielle. L’an dernier, il n’en a pas été question, et cette année, cela recommence !
Vous me direz que, au fond, il ne s’agit que de 236 millions d’euros et que, après tout, avec le covid-19, l’effet de déport ne dépasse pas l’épaisseur du trait. Certes, mais la loi, c’est la loi ! Par conséquent, je ne vois pas comment le Gouvernement, d’une façon systématique, peut s’en affranchir.
Une autre de mes inquiétudes réside dans la vente des Rafale à la Grèce. Je me réjouis que ce pays ait fait le choix d’acheter du matériel français ; c’est une bonne nouvelle. Mais cette opération cache deux choses.
Premièrement, la loi de programmation repose, dans ses équilibres, sur une vente de Rafale qui tarde à se faire, ou qui ne se fait pas au niveau prévu. En sortant 12 avions opérationnels pour en acheter 12 neufs, on répond à un objectif non pas opérationnel, mais financier, à ceci près que le différentiel de coût – de 600 millions à un milliard d’euros – n’est pas assuré entre les avions d’occasion et les appareils neufs.
Deuxièmement, la loi de programmation affichait une capacité opérationnelle de 143 Rafale pour les armées, toutes armes confondues, à la fin de l’année 2023. De fait, dans l’attente de la livraison de nouveaux avions, elle se trouve revue à la baisse, avec toutes les conséquences qui en découlent, en matière non seulement d’interventions, mais aussi de préparation des forces et d’entraînement. Rappelons qu’il s’agit d’un prélèvement de près de 10 %, ce qui correspond à 12 Rafale sur les 102 que possède l’armée de l’air.
Le ministère fait valoir que l’impact serait atténué par une meilleure disponibilité des appareils, liée à une refonte du maintien en condition opérationnelle, le MCO. Pardonnez-moi, mais nous n’avions pas noté que l’amélioration de ce dernier et l’effort budgétaire qui l’accompagnait avaient pour objectif de compenser une perte de matériels ! L’objectif annoncé et voté était bien d’améliorer le contrat opérationnel, ainsi que la disponibilité.
Enfin, on nous annonce qu’il est possible d’acquérir, non plus 12 Rafale, mais moins, au motif que, appartenant à une nouvelle génération, ces appareils seraient plus performants. Ces questions devraient trouver une réponse à la faveur de l’actualisation de la loi de programmation, mais nous ne disposons toujours pas de calendrier la concernant.
S’agissant du choix de la propulsion du futur porte-avions, il y a urgence, si toutefois nous voulons être prêts en 2038, sans compter que, derrière ce choix, se trouve tout l’enjeu de nos savoir-faire nucléaires et, par voie de conséquence, de la dissuasion.
La décision est imminente, nous dit-on, mais elle tarde cependant à se manifester. Je ne puis croire qu’un enjeu aussi fondamental soit dépendant du calendrier de communication présidentiel ! Qu’en est-il ?
Enfin, je me suis toujours étonné, à titre personnel, que l’on se fixe un objectif militaire en pourcentage de produit intérieur brut, comme si c’était l’alpha et l’oméga, comme si la menace pouvait se calculer en PIB… Il s’agit simplement de mesurer un effort financier. Je m’inquiète que, avec une chute probable du PIB, nous n’atteignions malgré nous très vite les 2 %. Déjà, une petite musique se fait jour en ce sens à Bercy.
Vous l’avez compris, madame la ministre, nous ne demandons qu’à vous faire confiance. Les apparences sont sauves, mais derrière elles, nombre d’inquiétudes et de questions demeurent. Aussi, notre commission des finances a-t-elle souhaité conditionner son avis, qu’elle espère favorable, aux réponses et éclaircissements que vous voudrez bien apporter aux cinq questions suivantes.
Premièrement, y aura-t-il bien une actualisation de la loi de programmation en 2021, non pas confiée à je ne sais quel comité ou conseil de défense, mais soumise au Parlement ? Et dans quels délais ?
Deuxièmement, le produit de la vente des Rafale reviendra-t-il bien intégralement au ministère ?
Troisièmement, pouvez-vous vous engager sur le fait que la vente des Rafale ne se traduira pas par une révision à la baisse du contrat opérationnel ?
Quatrièmement, quand sera annoncé officiellement le choix de la propulsion du porte-avions ?
Cinquièmement, et enfin, la baisse probable du PIB est-elle de nature à remettre en cause l’enveloppe globale en valeur absolue de la loi de programmation ?