Intervention de Jérôme Durain

Réunion du 3 décembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Compte d'affectation spéciale : contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Photo de Jérôme DurainJérôme Durain :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il serait mesquin de nier les efforts engagés par le Gouvernement sur la mission « Sécurités », mais on peut regretter un défaut de transparence globale sur les crédits qui rend parfois difficile de bien comprendre la réalité des annonces faites.

Mon collègue Éric Jeansannetas avait dénoncé à cet égard un tour de passe-passe budgétaire. M. le rapporteur spécial a pour sa part indiqué que les crédits pour l’année 2021 étaient structurellement faibles et que la méthode était parfois un peu confuse. De fait, ces crédits peuvent se révéler moins ambitieux qu’annoncés.

J’ai déjà fait remarquer, en commission, qu’entre le plan de relance, le Livre blanc de la sécurité intérieure ou encore la loi de programmation des finances publiques, on ne sait plus ce qui relève des crédits sonnants et trébuchants et ce qui n’est qu’un effet d’annonce. Il est vrai que, sur le terrain, les policiers et les gendarmes sont globalement satisfaits des améliorations apportées à leurs conditions matérielles de travail, notamment en matière de véhicules, de gilets et d’armes. Cependant, des questions restent en suspens, comme le temps de travail ou l’utilisation des effectifs.

Le sujet de la sécurité est particulier et le contexte est des plus confus. Il est donc difficile d’aborder le débat sur cette mission sous le seul angle budgétaire. En traitant de ces crédits, nous aurons aussi à l’esprit les questions d’organisation de nos forces de sécurité, de commandement, d’encadrement, de déontologie et de doctrine d’emploi. Dès lors, madame la ministre, mes chers collègues, vous comprendrez que notre vote dépendra du sort qui sera fait à nos amendements. Mes collègues, notamment Marie-Pierre de la Gontrie, auront l’occasion de revenir sur ces divers sujets.

Je profite de cette discussion budgétaire pour aborder un point sensible du débat actuel sur les images. Madame la ministre, nous avons déposé un amendement qui vise à vous aider à acheter davantage de caméras-piétons de meilleure qualité. Je sais que le Gouvernement est mobilisé sur ce sujet et c’est heureux.

J’ai toutefois cru comprendre, lors des échanges que j’ai eus avec des policiers – M. Darmanin et vous-même avez d’ailleurs abordé ce sujet devant notre commission –, que la récupération des images enregistrées via les stations d’accueil posait problème. Pouvez-vous nous donner des indications sur les conséquences du choix d’une transmission dématérialisée, via un cloud que l’on espère souverain, des images enregistrées par les caméras-piétons ?

Par ailleurs, une question se pose quant à l’effectivité du droit des citoyens à avoir accès aux images qui sont enregistrées d’eux. Si je ne me trompe, pour les caméras fixes, l’accès est supposé être direct. Or on a vu, dans l’histoire du jeune homme agressé au bois de Boulogne, que ce droit pouvait se révéler virtuel. Qu’en sera-t-il des images enregistrées par les caméras-piétons, pour lesquelles, me semble-t-il, le droit d’accès est indirect, puisqu’il passe par le filtre des magistrats de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ? Je vous remercie par avance de vos éclairages sur ce sujet sensible.

On a beaucoup parlé de la nécessité d’améliorer la formation initiale et continue des forces de l’ordre pour contribuer à la nécessaire réconciliation de la police avec la population. Nous avons donc déposé des amendements dans ce sens. M. Darmanin a regretté que les amendements déposés par le groupe socialiste sur ce sujet à l’Assemblée nationale n’aient pas été adoptés : voilà donc de quoi vous sortir de cet inconfort, madame la ministre !

Enfin, beaucoup plaident pour que plus d’indépendance soit donnée à l’IGPN. Nous vous proposons de préparer dès aujourd’hui une telle réforme dans le budget.

J’en viens au programme 161, « Sécurité civile » que Hussein Bourgi suit pour notre groupe. Rappelons qu’il ne contient pas l’intégralité du budget de la sécurité civile, dont 90 % est financé par les collectivités locales. Cette année, un élément supplémentaire est venu s’ajouter : le financement de l’État en faveur de la sécurité civile devient de moins en moins lisible, sachant qu’il repose désormais sur dix programmes, pilotés par six ministères différents. Le programme 161 ne représentera plus en 2021 que 43 % de l’effort financier de l’État pour la sécurité civile, contre 50 % ces dernières années.

Notre attention doit aussi se porter sur la situation financière des associations agréées pendant une crise sanitaire qui met à mal leur trésorerie. Le soutien de l’État se révèle nécessaire, faute de quoi elles risquent de ne plus pouvoir poursuivre leurs actions, qui sont unanimement reconnues, aux côtés des sapeurs-pompiers. Acteurs essentiels de la sécurité civile, ces derniers ont, entre le mois de mars et le mois de mai 2020, effectué plus de 122 000 interventions de secours d’urgence afin de porter assistance à des personnes présentant des symptômes de la covid-19, le plus souvent pour les transporter vers un centre hospitalier.

La question des carences ambulancières est rapidement abordée quand on a l’occasion d’échanger avec un officier des SDIS. Ce sujet appelle, sur le terrain, une meilleure collaboration entre les SDIS et les services d’aide médicale urgente (SAMU).

En effet, les sapeurs-pompiers ne sont pas seulement les soldats du feu : ils jouent un rôle de plus en plus important en matière de santé, dans la prise en charge d’urgence et le secours aux personnes.

J’évoque enfin la reconnaissance professionnelle. Une bataille a été remportée au Sénat avec la suppression, dans le cadre des discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, de la part salariale de la surcotisation perçue par la CNRACL, alors que l’Assemblée nationale avait décidé de ne supprimer que la part employeur. Une dizaine d’amendements avaient été déposés en ce sens, dont l’un de notre groupe. C’est finalement l’amendement d’Hervé Maurey qui a été adopté, ce qui constitue une bonne nouvelle dans le cadre budgétaire pour 2021.

J’insiste en conclusion sur la nécessité de la réconciliation entre policiers, gendarmes et pompiers, d’une part, et le reste des citoyens, d’autre part. Nous sommes tous ici persuadés que l’immense majorité des Français et des Françaises qui ont choisi ces métiers remplissent leur mission correctement. Dès lors que le Gouvernement a reconnu l’existence de problèmes systémiques, nous devons tous travailler à pacifier les relations entre la police de la République et les citoyens.

Il ne faudrait pas que ces problèmes systémiques et les égarements de quelques-uns nous fassent oublier la vertu du plus grand nombre. Les réformes, les clarifications et les modernisations doivent désormais venir vite, madame la ministre. C’est le sens de nos apports à cette construction budgétaire.

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