Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’année 2020 qui s’achève et l’année 2021 qui vient sont très particulières du point de vue des relations, notamment financières, entre l’État et les collectivités territoriales.
La crise sanitaire et économique a provoqué un effet ciseaux qui continuera de se faire sentir en 2021 et qui a justifié que le Parlement et le Gouvernement s’accordent sur des mesures de compensation, lesquelles doivent très certainement être approfondies.
Je ne reviens pas davantage sur ces enjeux, que nous connaissons tous ici et dont Claude Raynal dira quelques mots.
Je rappelle toutefois l’attachement de notre commission, madame la ministre, à ce que les collectivités locales soient en mesure d’être au rendez-vous de la relance. Cela implique un certain volontarisme de la part du Gouvernement – je sais que vous-même n’en manquez pas – pour mieux compenser les pertes de recettes et les hausses de dépenses.
Je dirai à présent quelques mots sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT) stricto sensu.
Pour 2021, ceux-ci s’élèveraient à 3, 8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3, 9 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui ne représente qu’une très faible part des transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales, lesquels s’élèveraient à 104, 4 milliards d’euros en 2021.
La première caractéristique du budget qui nous est proposé est – une fois n’est pas coutume ! – sa stabilité. En effet, les hausses de crédits constatées tiennent, pour l’essentiel, à des mesures de périmètre.
La principale action de la mission concerne les dotations d’investissement au bloc communal, au premier rang desquelles la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et la dotation politique de la ville (DPV). Comme les années précédentes, les crédits alloués à ces dotations s’élèvent à 1, 8 milliard d’euros.
La mission RCT porte une partie du plan de relance puisqu’elle permet de couvrir, à hauteur de 100 millions d’euros, les crédits de paiement afférents au milliard d’euros d’autorisations d’engagement consommées en 2020 au titre de la DSIL exceptionnelle votée dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative. Cette dernière devait permettre de financer des projets relevant de trois priorités : la transition écologique, la résilience sanitaire et la rénovation du patrimoine. Au 15 octobre, 1 749 projets ont été programmés, pour un montant de 320 millions d’euros.
Je le rappelle, sur l’initiative du Sénat, il avait été prévu que, à titre exceptionnel, ces crédits puissent financer des projets éligibles à la DETR. Ces derniers représentent à date environ 14 % des projets subventionnés.
Nous regrettons néanmoins que, malgré son caractère présenté comme « exceptionnel », ce dispositif ne fasse l’objet d’aucun indicateur de performance dédié. Un tel indicateur aurait permis de mesurer la rapidité de consommation des crédits, d’établir la typologie des projets financés ou encore d’évaluer leur effet de levier sur l’investissement local, qui doit être un pilier de la réponse à la crise économique.
Mes chers collègues, comme les années précédentes, nous vous proposons d’adopter les crédits de la mission.
Nous examinons également le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », qui voit notamment transiter le produit des impositions locales versées mensuellement par l’État aux collectivités territoriales : 111, 5 milliards d’euros sont prévus à ce titre pour 2021.
On constate une baisse de 1, 3 % du montant de ces avances en 2021, cette baisse traduisant les effets de la crise sur les impôts locaux, après plusieurs années de dynamisme.
Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » comporte également en 2020 un nouveau programme retraçant les avances remboursables versées aux départements sur leurs recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO), en application de la troisième loi de finances rectificative pour 2020. Le montant provisionné pour 2020 et 2021, de 2, 7 milliards d’euros, pourrait être bien supérieur aux besoins. En effet, seuls quarante départements ont décidé de faire appel à ces avances à ce jour.
Je rappelle que, sur l’initiative du Sénat, une clause de retour à meilleure fortune a été introduite : la période de remboursement ne démarrera qu’à compter de l’année suivant celle au cours de laquelle le montant des recettes fiscales de DMTO sera égal ou supérieur à celui qui a été constaté en 2019.
Mes chers collègues, nous vous proposons également d’adopter les crédits de ce compte de concours financiers.
Je dirai à présent quelques mots du mécanisme, prévu à l’article 58, de neutralisation des effets de la suppression de la taxe d’habitation sur les indicateurs de péréquation.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, notre commission des finances avait alerté sur ce que nous avions qualifié de « réforme cachée » dans la réforme de la taxe d’habitation, anticipant par là d’importantes variations des indicateurs de péréquation, compte tenu de la suppression de la taxe d’habitation. Sur ce point, les travaux du Comité des finances locales nous ont donné raison.
Ce mécanisme de neutralisation, qui est une bonne nouvelle, fonctionne en deux étages.
D’une part, il introduit une nouvelle méthode pérenne pour le calcul du potentiel fiscal afférent à la taxe foncière.
D’autre part, il institue une fraction de correction du potentiel fiscal et des indicateurs financiers, laquelle permettra de neutraliser, par exemple, les effets du remplacement d’un produit potentiel par un produit réel. Cette fraction sera pérenne pour les départements et dégressive pour les autres collectivités.
Le mécanisme proposé est donc à la fois une première solution et une invitation à engager une réforme ambitieuse de la péréquation.
En conclusion, je rappelle que, compte tenu de la réforme de la taxe d’habitation et des impôts de production, ce sont 35 milliards d’euros d’impôts territorialisés qui pourraient être remplacés par des fractions d’impôts nationaux ou des dotations.
Ce montant représentant plus du tiers des impôts locaux, nous assistons à une sorte de tsunami pour les finances locales, qui impose une incontournable et urgente réflexion dans trois directions : la mise en œuvre d’une véritable correction du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) faisant appel à des charges réelles – j’y tiens – et préfigurant les critères d’une réforme nouvelle ; l’identification des impôts locaux reliant le contribuable et la cité, que nous souhaitons conserver – il sera difficile de la réinstaurer une fois qu’elle aura été supprimée ; la mise en place d’une nouvelle gouvernance du système réunissant l’État, les collectivités et le Parlement.
À défaut, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, il nous deviendra difficile d’évoquer encore ensemble la libre administration des collectivités territoriales et le rôle du Parlement en matière de finances locales…