Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à dire à Mme le rapporteur combien j’ai été convaincu par son exposé et son rapport, qui ont parfaitement éclairé notre assemblée sur cette question en vérité assez complexe.
Je crois que le Gouvernement a raison de venir devant le Parlement. Parfois, il cherche à l’éviter ; là, au contraire, il a ressenti le besoin de venir devant nous pour que nous traitions cette question très délicate du report des élections partielles et des modalités de ce report.
À vrai dire, il n’est pas si facile de prendre une telle décision. Tout d’abord, il est exact que le Gouvernement – il l’a fait une première fois pour l’élection législative du Pas-de-Calais – peut invoquer la théorie des circonstances exceptionnelles pour reporter, malgré les termes impératifs de la loi, une élection partielle, y compris une élection législative.
Toutefois, de nombreux scrutins sont en cause. D’une certaine façon, loin d’être anecdotiques, le scrutin du Pas-de-Calais et celui de Paris sont plus « spectaculaires » que d’autres en ce qu’ils tendent à compléter la représentation nationale. Il faut signaler que, au moment du dépôt de ces textes, 60 élections municipales avaient déjà été annulées. À ce jour – et ce chiffre a peut-être évolué –, 161 communes sont dans un pareil cas. Cela finit par faire beaucoup !
Bien sûr, on peut se dire que, dans une commune rurale d’un territoire qui ne serait que faiblement affecté par l’épidémie, il n’y aura pas d’inconvénient à ce que l’élection se tienne, cependant que, dans d’autres localités, en dépit de toutes les précautions qui seraient prises pour organiser le scrutin et la campagne électorale, cette opération sera plus risquée du point de vue sanitaire.
Au fond, les situations diffèrent donc d’un endroit à l’autre. De fait, si l’on décide de s’accorder un délai plus long pour organiser les élections partielles, c’est précisément pour permettre de différencier les réponses en fonction des situations locales.
Procéder ainsi me semble sage, même si je souscris aux propositions qui ont été retenues par la commission des lois, sur la recommandation de notre collègue Catherine Di Folco. Ainsi, elle a prévu un certain nombre de garde-fous de telle sorte que la fixation de la date des élections ne soit pas laissée à l’entière discrétion du Gouvernement ou de l’administration pendant une durée qui, à compter de ce mois de décembre, serait supérieure à six mois.
Le risque que la date soit choisie pour des raisons de convenance n’est pas considérable, mais il est trop important pour être accepté. Nous, parlementaires, sommes les gardiens de la sincérité du suffrage universel : notre rôle est d’aller plus loin encore que le Gouvernement dans l’encadrement du dispositif de report des élections partielles.
On aurait pu opter pour une mesure rigide, fondée sur une date précise, mais cela aurait été tout à fait excessif. À cet égard, le Gouvernement a raison de vouloir préserver des marges de manœuvre, car il doit pouvoir s’adapter localement à la situation de l’épidémie. Toutefois, je crois que l’on peut faire mieux que ce qu’il propose – j’en suis même persuadé –, et j’espère qu’il sera sensible aux améliorations introduites par la commission.
Premièrement, il s’agit de revenir plus vite au droit commun que ne le permet le texte du Gouvernement, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale.
Madame le rapporteur, votre choix me paraît tout à fait judicieux : au lieu du 13 mars, vous avez retenu le 16 février 2021, qui correspond à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Comme l’a relevé notre collègue Alain Richard, la différence n’est pas considérable, mais une telle mesure va dans le bon sens. En effet, il faut éviter que les délais d’organisation des scrutins partiels ne s’étirent exagérément.
Deuxièmement – ce point me paraît, lui aussi, essentiel –, il faut se fonder sur des informations sanitaires collectées dans les localités elles-mêmes, et non sur des données d’ordre national.
L’avis du conseil scientifique serait une procédure beaucoup trop lourde, d’autant que cette instance a bien d’autres choses à faire. De leur côté, les agences régionales de santé, les ARS, tiennent à jour presque quotidiennement la situation de l’épidémie dans les territoires, tout simplement pour pouvoir lutter contre elle.
Aussi, vous proposez de territorialiser l’expertise sanitaire pour prendre la bonne décision quant à l’organisation des élections partielles. À mon sens, il s’agit d’une excellente idée.
Si le Sénat suit la proposition de Mme le rapporteur, les ARS produiront un rapport tous les quinze jours et, surtout, ce document sera public. En conséquence, nos concitoyens pourront être sûrs que la date de l’élection partielle sera choisie de manière tout à fait impartiale et objective.
Bien sûr, personne parmi nous ne met en doute les intentions du Gouvernement et de l’administration, mais il faut s’assurer que personne ne puisse jeter le soupçon sur elles ! Or, vous le savez bien, on fait parfois feu de tout bois lors des campagnes électorales. Avec une telle disposition, nous serons à même de faire taire les polémiques : l’information sera localisée, territorialisée et tout à fait objective, ce dont je me réjouis d’avance.
Troisièmement, et enfin – cette idée me paraît, elle aussi, véritablement excellente –, Mme le rapporteur propose de créer une voie de recours pour nos concitoyens estimant que le refus d’organiser l’élection partielle à une certaine date n’est pas justifié.
En résumé, nous admettons le report des élections, mais dans la stricte mesure nécessaire à la prévention des risques de propagation du virus.
Si le scrutin peut être organisé dans de bonnes conditions sanitaires, alors il doit l’être. Ce n’est pas une simple faculté offerte au Gouvernement et à l’administration : c’est une obligation qui leur est faite et, si cette dernière n’est pas respectée, il existe des possibilités de recours, ces derniers étant traités par la voie de l’urgence. C’est une garantie supplémentaire pour les Français.
Étant donné la qualité des projets de loi qui nous ont été transmis et les nombreux apports de notre commission des lois, il me semble que, si ces dispositions sont adoptées conformément aux vœux de notre rapporteur, nous pourrons aboutir à un accord avec l’Assemblée nationale, pour la satisfaction de nos concitoyens. Les deux chambres du Parlement auront ainsi considéré que, pour la sincérité du vote, toutes les garanties sont réunies !