Intervention de Anne-Marie Payet

Réunion du 6 avril 2011 à 21h30
Bioéthique — Article 9

Photo de Anne-Marie PayetAnne-Marie Payet :

La définition législative du diagnostic prénatal ouvre un large champ d’application. La loi n’a pas établi de liste de maladies pour ne pas les stigmatiser, mais il faut savoir que 80 % des grossesses sont contrôlées par des tests biologiques de dépistage de la trisomie 21 ; cela représente environ 80 000 amniocentèses chaque année et cette technique peut provoquer des fausses couches dans 1 % des cas.

Près de 96 % des fœtus diagnostiqués porteurs de trisomie 21 donnent lieu à une interruption médicale de grossesse et 60 % des interruptions médicales de grossesse se font à la suite de diagnostics de malformation ou de handicap détectés par échographie.

Des questions éthiques se posent alors. La France, avec sa politique de dépistage très développée, détient le record mondial de dépistage anténatal.

Bérengère Poletti a précisé à l’Assemblée Nationale que « le prélèvement du liquide amniotique à travers l’abdomen provoque deux fausses couches d’enfants “normaux” pour une trisomie dépistée ».

Des voix commencent à s’élever pour dénoncer une nouvelle forme d’eugénisme ; nous ne sommes pas les seuls ! Je pense au professeur Sicard, ancien président du Comité consultatif national d’éthique, au professeur Mattei. Tous deux se sont alarmés lors des états généraux de la bioéthique en 2009. Ils sont aujourd’hui rejoints par un nombre grandissant de professionnels de la grossesse qui ressentent un malaise croissant dans l’exercice de leur métier.

Des personnes handicapées se sentent discriminées et marginalisées en constatant que des embryons porteurs du même handicap sont éliminés, souvent systématiquement.

S’ajoutent à tout cela des risques de judiciarisation de la naissance : des praticiens se trouvent mis en difficulté par des erreurs de dépistage qui leur sont reprochées et beaucoup d’entre eux, pour éviter de possibles procès, sont conduits à proposer et à pratiquer le dépistage prénatal de manière systématique, alors que cela leur pose des problèmes de conscience.

Aujourd’hui, les grossesses deviennent anxiogènes du fait de la multiplicité des propositions de dépistage. Les femmes commencent à témoigner de ce fait, ainsi que de leur souffrance après une interruption médicale de grossesse ou IMG.

En avril 2008, un juriste spécialisé en droit de la santé, Dominique Decamps-Mini, a souligné au collège de gynécologie du Centre-Val de Loire que le dépistage prénatal était fortement lié à la notion d’IMG et que cela a valu à la médecine prénatale le qualificatif de médecine « thanatophore », c’est-à-dire d’une médecine qui n’a pas d’autre solution à apporter que celle de la mort du fœtus atteint d’affection grave.

Mes chers collègues, je vous demande de prendre conscience des conséquences de la montée inédite de la sélection et de l’exclusion des êtres humains porteurs d’anomalies.

La France s’est engagée, à mon sens, sur une mauvaise voie. Elle détient le record mondial du dépistage anténatal du handicap, mais aussi celui de l’interruption médicale de grossesse. Nous devons changer de route. Développons plutôt une politique ambitieuse d’accompagnement des parents au moment de l’annonce du handicap et d’accueil des personnes handicapées !

C’est pourquoi je vous demande d’adopter cet amendement qui propose de laisser aux médecins la liberté de prescrire des tests de dépistage uniquement s’ils l’estiment nécessaire.

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