Intervention de Françoise Dumont

Réunion du 10 décembre 2020 à 14h30
Contribution exceptionnelle sur les assurances — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Françoise DumontFrançoise Dumont :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi instaure une contribution exceptionnelle pour les entreprises d’assurances – hors assurance vie – due au titre de tout exercice au cours duquel un état d’urgence sanitaire a été déclaré en France et si le résultat d’exploitation a augmenté par rapport à la moyenne des trois précédents exercices. Le taux de cette contribution serait de 80 % du montant de cette augmentation.

Si tous les secteurs doivent être mis à contribution, il ne faudrait pas tomber dans l’excès envers un secteur en particulier, avec un taux de contribution tout à fait prohibitif, comme celui proposé par nos collègues.

D’autant que le Sénat, comme il a été rappelé, a déjà adopté plusieurs dispositifs tout à fait adaptés, en particulier la proposition de loi de Jean-François Husson en juin dernier, et, cet automne, l’amendement à la première partie du projet de loi de finances pour 2021 que notre collègue a présenté en sa qualité de rapporteur général, visant à instaurer une contribution exceptionnelle pour la seule année 2020, assise sur les primes versées au titre des contrats d’assurance dommages, avec un taux de 2 %.

« La crise sanitaire n’a pas de coupable, mais l’assurance fait un bon bouc émissaire », titrait dans sa chronique la journaliste en charge de l’actualité des entreprises, Bertille Bayart, dans Le Figaro du 1er décembre dernier. En effet, dans chaque crise que nous traversons, personnelle ou collective, il nous faut un coupable que nous pouvons blâmer de tous les maux : l’assurance jouera donc ce rôle cette fois, comme d’autres institutions précédemment, dans d’autres crises…

Pourtant, il nous faut analyser la situation non pas dans la précipitation, à chaud de l’événement encore en cours, mais avec pragmatisme et justesse.

Ainsi, comme l’expliquait le 28 mai dernier Bernard Delas, vice-président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, « des améliorations en assurance automobile et une dégradation plus ou moins forte en prévoyance, assurance annulation d’événements, chômage, assurance crédit, pertes d’exploitation ou responsabilité civile sont prévisibles ». Et de conclure : « Au total, les résultats du secteur de l’assurance seront cette année fortement affectés, mais il est difficile d’apprécier aujourd’hui dans quelles proportions, sachant que tous les effets de cette crise sur la sinistralité comme sur l’activité n’apparaîtront que progressivement au cours des prochains mois. »

Dans ce contexte, mes chers collègues, il serait précipité d’adopter ce type de mesures avant même de connaître les effets réels et chiffrés de la crise sur ce secteur en particulier.

Au reste, ce secteur est le seul à avoir contribué au Fonds de solidarité, à hauteur de 400 millions d’euros, au côté de l’État et à s’être engagé à investir 1, 5 milliard d’euros dans les fonds propres des entreprises – sans même parler du 1, 6 milliard d’euros de mesures individuelles prévues par les assureurs en faveur des entreprises, des particuliers et d’initiatives citoyennes.

De plus, lundi dernier, les assureurs ont pris, sous la pression de Bercy, l’engagement de geler en 2021 les cotisations d’assurance multirisque professionnelle pour toutes les TPE et PME employant jusqu’à 250 salariés dans les secteurs de l’hôtellerie-restauration, de l’événementiel, du tourisme, du sport et de la culture.

Il faut prendre en compte dans notre raisonnement ces différentes démarches, alors qu’aucun autre secteur n’a envisagé de faire de même.

Comme parlementaires, nous nous devons de prendre de la hauteur et ne pas céder aux pressions médiatiques et populistes, dont cette proposition de loi est clairement l’émanation. Comme le dit un proverbe chinois, « élever la voix ne donne pas raison »…

Souvenons-nous, mes chers collègues, qu’il y aura un jour d’après : il ne faudrait pas que, par nos actes d’aujourd’hui, nous mettions en péril notre modèle de société, auquel l’assurance concourt quotidiennement.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas la proposition de loi.

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