Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes en phase ultime d’examen de deux textes prévoyant le report d’élections partielles en raison de la crise sanitaire.
Alors que ces deux textes ont été déposés le 18 novembre dernier, nous arrivons déjà, moins d’un mois plus tard, au bout du processus parlementaire. Si cela démontre une nouvelle fois que le Parlement sait travailler efficacement, cela illustre aussi un certain manque d’anticipation du Gouvernement, qui s’est traduit par le report puis l’annulation de l’élection législative partielle dans la sixième circonscription du Pas-de-Calais.
Je tiens tout d’abord à remercier la rapporteure de l’Assemblée nationale, Catherine Kamowski, pour son ouverture d’esprit et son écoute. Nous avons longuement échangé hier pour préparer les commissions mixtes paritaires et faire converger nos points de vue. Chacune a pu exprimer sa position en toute franchise et dans le respect du bicamérisme.
Je crois que nous partageons tous le même constat : la dégradation de la situation sanitaire nous contraint à reporter les élections partielles. Le danger ne porte pas sur les bureaux de vote, qui sont soumis à un protocole sanitaire très strict, mais sur la campagne qui précède les scrutins.
Ces textes s’inscrivent ainsi dans la continuité du report du second tour des élections municipales de 2020 et de la proposition du Gouvernement de reporter les élections régionales et départementales de 2021.
Nous partageons également le même objectif : ces élections partielles doivent être organisées dès que la situation sanitaire le permettra, et au tard le 13 juin 2021. L’intention du législateur doit être très claire à ce sujet : il s’agit bien d’une date butoir, les scrutins pouvant être organisés beaucoup plus tôt dans l’année, notamment dans les départements les moins touchés par le virus.
L’enjeu est important pour l’Assemblée nationale, où deux sièges sont aujourd’hui vacants, mais également à l’échelle municipale. Dans nos communes, le nombre d’élections partielles augmente au fil des semaines en raison des démissions, mais également du calendrier des annulations contentieuses : 161 élections partielles sont aujourd’hui pendantes, soit 100 de plus que la liste annexée à l’étude d’impact.
Dans 101 communes de moins de 1 000 habitants, des élections complémentaires sont nécessaires pour compléter le conseil municipal. Ces cas sont les moins problématiques, car le conseil municipal continue de fonctionner et dispose de l’ensemble de ses compétences. Dans 60 communes, une délégation spéciale a été mise en place, ce qui crée un véritable vide dans l’administration municipale. Comme l’a indiqué le Conseil d’État, ces communes doivent faire l’objet d’une vigilance particulière au regard du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Seul un motif sanitaire impérieux peut justifier le report du scrutin : je tiens vraiment à insister sur ce point afin de confirmer l’intention du législateur.
Au cours de ses travaux, le Sénat a prévu trois garde-fous pour s’assurer que les élections partielles seront bien organisées dès que la situation sanitaire le permettra. Telle est en effet la conséquence du principe constitutionnel de périodicité raisonnable du droit de suffrage que Philippe Bas a rappelé à juste titre au cours de nos débats.
Nous avons échangé de manière très constructive avec Mme la rapporteure de l’Assemblée nationale sur chacun de ces garde-fous, ce qui nous a permis de proposer une position équilibrée en commission mixte paritaire cet après-midi.
Premièrement, le Sénat a souhaité territorialiser l’information sanitaire pour que les élections partielles soient organisées dans les meilleures conditions possible en fonction des circonstances locales. Les recommandations générales du conseil scientifique ne sont pas suffisamment opérationnelles, notamment pour des communes qui ne comptent que quelques habitants.
Le Sénat a donc privilégié une information par les agences régionales de santé (ARS), qui sera rendue publique tous les quinze jours jusqu’à la tenue du scrutin. Après échange avec la rapporteure de l’Assemblée nationale, une nouvelle rédaction du texte précise bien qu’il s’agit de données épidémiologiques chiffrées permettant d’objectiver la décision de convocation des élections partielles. Loin de nous l’idée de lier cette décision à l’avis de l’ARS ni de permettre à cette dernière d’émettre un avis « de fond » sur le modèle des avis du conseil scientifique.
Deuxièmement, le Sénat a proposé de revenir plus rapidement au droit commun en prévoyant que ces textes s’appliquent pour les vacances survenues, non pas avant le 13 mars, mais avant le 16 février 2021. Cette date est en effet cohérente avec la sortie de l’état d’urgence sanitaire. La rapporteure de l’Assemblée nationale a toutefois souligné les risques d’effets de seuil que pouvait entraîner cette mesure, en particulier pour les élections législatives.
Nous avons donc accepté en CMP de nous rallier au calendrier de l’Assemblée nationale : les vacances constatées avant le 13 mars seront couvertes par le dispositif dérogatoire, les élections partielles devant être organisées avant le 13 juin 2021. Le ministre de l’intérieur a toutefois confirmé qu’il n’était pas possible d’organiser trois scrutins – une élection partielle ainsi que les élections régionales et départementales – dans la même journée. Le calendrier électoral devra être adapté en conséquence.
Lors de nos échanges avec la rapporteure de l’Assemblée nationale, nous avons envisagé des calendriers alternatifs, mais nous avons buté sur la difficulté d’organiser des élections partielles en mai, ce mois de l’année comptant quatre jours fériés.
En contrepartie de cette concession sur le calendrier, la CMP a décidé de maintenir le troisième garde-fou prévu par le Sénat, à savoir la création d’une voie de recours permettant à tout électeur de demander au sous-préfet d’organiser l’élection partielle lorsque la situation sanitaire le permet. Le sous-préfet devra alors répondre dans un délai de quinze jours, son silence valant rejet. Le cas échéant, l’électeur pourra ensuite déposer un référé-liberté, sur lequel le juge administratif statuera en quarante-huit heures. C’est donc un contrôle juridictionnel et citoyen qui est institué.
Enfin, la CMP a retenu le dispositif de double procuration prévu par l’Assemblée nationale et la facilitation des procurations à domicile prévue par le Sénat.
Il est également précisé dans le texte final que l’État doit fournir des équipements de protection aux communes, comme lors du second tour des élections municipales.
Toutes les conditions ont donc été réunies pour aboutir à un épilogue heureux, afin d’assurer de la meilleure façon possible la continuité de la vie démocratique. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter les deux textes issus de ces CMP conclusives, fruits des échanges constructifs que nous avons eus avec Mme la rapporteure de l’Assemblée nationale, que je remercie encore.