Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 15 décembre 2020 à 14h30
Restitution de biens culturels au bénin et au sénégal — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons pour la deuxième fois ce projet de loi visant à restituer au Bénin et au Sénégal plusieurs œuvres de leur patrimoine culturel appartenant aux collections publiques françaises. Ces biens ont été acquis lors d’une période de notre histoire qu’il nous faut regarder avec lucidité.

J’aurai l’occasion, lors de mon explication de vote sur la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission, d’exposer notre vision sur ce qui s’est passé durant la navette parlementaire, mais je voudrais maintenant me concentrer sur le fond du sujet.

Rendre le trésor de Béhanzin et le sabre avec fourreau dit d’« Omar Tall » à leurs pays d’origine est un geste fort pour la coopération culturelle. Plus qu’un symbole, c’est un acte concret qui affirme que notre pays sait regarder son histoire en face, dans un esprit d’amitié. Cela doit être salué. Mais ces vingt-sept objets ne sont que la partie émergée de l’iceberg. D’autres pays ont fait des demandes officielles auprès de la France pour récupérer une partie de leur patrimoine. La Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Tchad, le Mali, Madagascar : au total, ces cinq pays réclament le retour de 13 246 biens appartenant aux collections publiques françaises. Rien n’indique que le mouvement s’arrêtera, bien au contraire. Les restitutions que nous étudions aujourd’hui ne sont donc que le point de départ d’une coopération culturelle avec le continent africain, et nous devons nous en réjouir. Il y va de la réconciliation de la France avec un continent, son passé et sa jeunesse.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est donc une contribution, modeste certes, mais significative, à ce vaste mouvement de fond qui traverse notre paysage culturel : la fin d’une époque, d’une ère peu glorieuse de notre histoire, où l’homme africain n’avait pas voix au chapitre – même si, récemment, certains ont considéré qu’il n’était pas encore « assez entré dans l’histoire ». Rappelons-le, le trésor de Béhanzin et le sabre d’El Hadj Omar Tall sont des prises de guerre, des biens acquis dans la violence d’une époque coloniale qu’il nous faut aujourd’hui regarder avec lucidité. Les revendications du Bénin et du Sénégal sont ainsi légitimes, et c’est en se fondant sur cette légitimité que le Gouvernement nous propose ce projet de loi. Ainsi, aujourd’hui, les idées changent et les pratiques aussi : il faut s’en féliciter.

Ce mouvement de restitution n’est d’ailleurs pas circonscrit aux collections publiques, puisque, comme le souligne le rapport Sarr-Savoy sur la restitution du patrimoine africain, les collectionneurs privés s’engagent de manière discrète et efficace en restituant des centaines d’œuvres leur appartenant.

Ce mouvement de fond, encore une fois selon ce même rapport, nous porte vers ce que les deux historiens appellent une « nouvelle éthique relationnelle » : « Les objets, devenus des diasporas, sont les médiateurs d’une relation qui doit être réinventée. […] Il s’agit, bien évidemment, de réactiver une mémoire occultée et de restituer au patrimoine ses fonctions signifiantes, intégratives, dynamisantes et médiatrices dans les sociétés africaines contemporaines. Mais il s’agit également, en se réappropriant ces objets, d’en redevenir les gardiens pour la communauté humaine. »

Le voilà le véritable message, le véritable idéal : celui de la reconnaissance de la multiplicité de la création, de l’égalité dans la diversité des formes culturelles. Rendre à l’autre pour s’enrichir tous. Ce projet de loi apporte sa petite pierre à ce grand édifice. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires y est largement favorable.

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