Intervention de Muriel Jourda

Réunion du 16 décembre 2020 à 15h00
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Photo de Muriel JourdaMuriel Jourda :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi relatif au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée touche enfin à son aboutissement. Vous aurez compris à l’énoncé de son titre que le texte comporte divers dispositifs. Je ne reviendrai brièvement que sur quelques-uns d’entre eux.

Certains ont disparu, comme le délit d’interdiction d’apparaître dans les transports publics. D’autres n’ont pas été introduits, et c’est heureux, s’agissant notamment des conditions de détention indignes, même si c’est un problème sur lequel nous devrons nous pencher, comme tout le monde s’accorde à le dire, y compris et surtout M. le garde des sceaux. D’autres encore ont été parfaits, comme celui relatif à la justice spécialisée de l’environnement, même si cette justice a moins besoin de dispositifs nouveaux que de moyens.

Le Parquet européen reste la grande affaire de ce texte. Philippe Bonnecarrère a rappelé qu’il s’agissait d’une idée ancienne, qui date d’une quarantaine d’années et qui a fini par donner lieu à un règlement en 2017. Ce parquet est né du constat que les transferts financiers opérés par l’Union européenne, que ce soit en matière de recettes, issues notamment de la TVA transfrontalière, ou qu’il s’agisse des fonds qu’elle peut verser, comme les subventions de la politique agricole commune, donnent lieu à de multiples fraudes, d’un montant parfois très important. On chiffre ainsi la fraude à la TVA transfrontalière à 50 milliards d’euros par an. Il s’agit donc de s’opposer à ces infractions qui portent atteinte directement à l’Union européenne.

La création du Parquet européen était rendue nécessaire par le fait que les instruments dont nous disposions n’étaient pas suffisants. Ni l’OLAF qui lutte contre les fraudes, ni Eurojust ou Europol qui sont des organismes de coopération n’ont de pouvoir de poursuite ou d’enquête permettant de condamner les auteurs des fraudes, au-delà de leur dépistage. La chose est faite avec le Parquet européen.

Cependant, s’agissant d’un parquet, on ne peut éluder la question de la souveraineté nationale. La justice, mission régalienne des États, ne peut pas être déléguée à l’Union européenne : tout le monde en conviendra, ou du moins tout le monde en avait initialement convenu, au Sénat, comme vous l’avez rappelé, monsieur le garde des sceaux. Ces réticences de la Haute Assemblée sur les premières moutures qui émanaient de la Commission européenne ont permis d’aboutir au texte de la commission mixte paritaire qui nous est désormais soumis, et dont je pense qu’il sera unanimement approuvé sur ces travées.

La difficulté restait de conserver la souveraineté nationale et de respecter le principe européen de subsidiarité. Nous y sommes parvenus, car le Parquet européen repose sur la collégialité : chacun des vingt-deux États membres y aura un représentant. Un principe de décentralisation vient compléter cette collégialité, qui permet d’enquêter et d’instruire les affaires en fonction de la procédure pénale applicable dans chacun des États. Nous estimons donc que le Parquet européen respecte la souveraineté nationale et peut être accepté.

En revanche, ces principes que nous allons entériner n’excluent pas les difficultés, car ce parquet reste un corps étranger qui devra être reçu dans l’ordre juridique interne à une vitesse convenable. À cet égard, je ne crois pas que ce soit une bonne idée d’inscrire dans ses compétences la lutte antiterroriste, comme le propose le Président de la République. Commençons par le faire fonctionner, avant d’envisager des évolutions possibles. En matière de lutte contre le terrorisme, mieux vaut privilégier le développement des contrôles aux frontières et l’accroissement des moyens de nos services de renseignement plutôt que d’étendre les compétences d’un parquet encore balbutiant, même si on lui souhaite de savoir marcher aussi rapidement que possible.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera les conclusions de la commission mixte paritaire, en regrettant toutefois, monsieur le garde des sceaux, que la langue française n’ait pas été retenue comme langue officielle, …

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