Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 16 décembre 2020 à 15h00
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, on estime à plusieurs dizaines de milliards d’euros le préjudice causé à l’Union européenne par des actes de fraude et de corruption. Ces chiffres, gargantuesques, doivent nous interpeller sur l’urgente nécessité de renforcer la poursuite des auteurs de telles infractions financières, au niveau européen.

C’est l’objet principal du texte sur lequel nous nous prononçons. Celui-ci vise, en l’espèce, à instituer un parquet européen, faisant ainsi droit à un souhait émis de longue date par la Commission européenne, ainsi que par certains États membres de l’Union européenne.

Par ses dispositions, ce projet de loi vient donc permettre, d’une part, l’adaptation de notre législation à la création d’un parquet européen et, d’autre part, l’amélioration des dispositifs actuels concernant la justice pénale spécialisée en France.

Certaines de ces adaptations nous apparaissent particulièrement pertinentes et nous tenons à les saluer.

L’instauration, en premier lieu, de pôles régionaux spécialisés dans la lutte contre la criminalité environnementale est un nouveau concept intéressant. En effet, la multiplication des normes dans ce domaine en fait, à l’heure actuelle, un contentieux très technique. La spécialisation des magistrats est de ce fait une innovation positive.

L’attribution, en second lieu, d’une compétence en matière d’affaires de pollution des eaux maritimes aux juridictions du littoral spécialisées est également une très belle avancée, que nous accueillons avec enthousiasme.

Nous constatons la pertinence de ces adaptations, ainsi que, de manière plus large, l’importance de la création d’un parquet européen. Mais, sans moyens alloués à ces nouveaux pôles, sans formation concrète dispensée à ces magistrats, ces innovations risquent de souffrir des mêmes maux dont souffrent déjà les juridictions conventionnelles.

En outre, l’article 8 interroge. Il tend à créer une convention, qui permettrait au procureur de conclure un accord avec une personne morale mise en cause pour un délit environnemental, en lieu et place d’un procès. Une telle procédure créerait une justice d’exception pour les délits environnementaux, en libérant les principaux pollueurs de toute reconnaissance de leur responsabilité.

Allons-nous accepter que des délinquants environnementaux puissent bénéficier d’allégements procéduraux ? Allons-nous tolérer qu’ils puissent se soustraire à un procès public ? La protection environnementale n’est pas un sujet de second plan et ne peut, de ce fait, pâtir des complaisances d’une justice qui permet aux entreprises d’acheter leur impunité.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous nous associons volontiers à l’objectif initial de ce texte, nous constatons que son manque d’ambition et sa faiblesse en matière de justice environnementale en diminuent grandement la visée.

Pour l’ensemble de ces raisons, les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires s’abstiendront.

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