Intervention de Bernard Jomier

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 19 janvier 2021 à 13h35
Projet de loi relatif à la bioéthique — Examen en deuxième lecture du rapport et du texte de la commission spéciale

Photo de Bernard JomierBernard Jomier, rapporteur :

En ce qui concerne les dispositions relatives au don d'organes et de cellules, l'Assemblée nationale a adopté conforme l'article 5 en décidant de retenir la rédaction du Sénat sur les modalités du don croisé d'organes, notamment en matière de greffe rénale. Nous avions rétabli dans la loi le nombre maximal de paires de donneurs et de receveurs impliqués dans une chaîne de don, en fixant ce nombre à six au lieu de quatre dans le projet de loi initial, alors que l'Assemblée nationale avait renvoyé ce nombre à un décret.

En revanche, l'Assemblée nationale a supprimé l'article 5A que nous avions inséré à mon initiative pour poser les bases d'un statut de donneur, dont le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) et des associations avaient préconisé la mise en place. Ils ont considéré que le principe d'une reconnaissance symbolique pouvait heurter le principe d'anonymat, voire de gratuité du don, alors que l'anonymat est déjà levé s'agissant du don du vivant qui intervient le plus souvent en intrafamilial. Je vous proposerai de réintroduire cet article pour poursuivre le débat sur les modalités d'un cadre plus incitatif au don du vivant dans notre pays.

À l'article 6, qui vise notamment à autoriser, sous certaines conditions, le prélèvement de cellules souches hématopoïétiques sur un mineur au bénéfice d'un membre de sa famille, l'Assemblée nationale a souhaité revenir sur l'abaissement de l'âge du consentement que nous avions introduit en première lecture. Nous avions en effet considéré préférable qu'un jeune de 16 ans puisse lui-même exprimer son consentement devant le juge, sans recourir au truchement d'un mandataire ad hoc. Je vous proposerai de réintroduire cette mesure.

Les députés ont conservé un apport de notre commission : l'ajout des enfants dans la liste des membres de la famille qui peuvent bénéficier d'un don de cellules souches hématopoïétiques de la part d'une personne vivante majeure faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne.

À l'article 7, nous avons une divergence de fond avec l'Assemblée nationale sur l'extension à tous les majeurs protégés du régime du consentement présumé en matière de prélèvement d'organe post mortem. Nous avions exclu les personnes faisant l'objet d'une mesure de protection avec représentation relative à la personne, considérant que celles-ci sont hors d'état d'agir elles-mêmes du fait de l'altération de leurs facultés mentales ou corporelles et ne seront pas en capacité de comprendre le mécanisme du don présumé et encore moins de s'inscrire sur le registre national des refus ou d'exprimer leur refus à leur entourage. La commission spéciale de l'Assemblée nationale partageait cette analyse, mais les députés ont adopté en séance un amendement de la France insoumise rétablissant la présomption de consentement pour ces personnes, avec un avis favorable du Gouvernement. Je vous proposerai de rétablir cette exclusion.

L'Assemblée nationale a conservé partiellement les dispositions de l'article 7 bis en ce qu'il ouvre le don du sang aux majeurs faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative aux biens et assistance. Les députés ont toutefois supprimé en séance, à la demande du Gouvernement, l'ouverture du don du sang aux mineurs de 17 ans. C'est une disposition qui avait pourtant déjà été votée à l'Assemblée nationale en 2018 dans le cadre d'une proposition de loi du député Damien Abad. Les arguments opposés ne me semblent pas du tout convaincants. Je vous présenterai un amendement pour rétablir la mesure.

Les députés ont ajouté dans cet article des dispositions relatives aux critères de sélection des donneurs qui visent à assouplir les conditions de don du sang par les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes (HSH). La rédaction adoptée en séance me semble acceptable, car elle renvoie à un arrêté du ministre de la santé.

J'aborderai enfin le dernier article relatif aux dons : l'article 7 ter que nous avions adopté en séance, au travers d'un amendement du Gouvernement, pour encadrer le don de corps. Les députés en ont amélioré la rédaction pour exclure expressément de ce don les mineurs et les majeurs protégés avec représentation relative à la personne et pour renvoyer à un décret la fixation des conditions de prise en charge du transport et de restitution du corps.

Nous n'avions pas eu le temps d'en étudier de près la rédaction en première lecture et je vous proposerai une modification : la suppression de la mention selon laquelle les dispositions de l'article 225-17 du code pénal, qui répriment l'atteinte à l'intégrité du cadavre, ne seraient pas applicables aux recherches et enseignements effectués sur un corps donné à cette fin. Cette mention me semble à la fois inutile et inopportune, car pouvant entraîner une exonération générale de tous les actes effectués sur un corps donné aux fins de recherches et d'enseignements, ce qui va à l'encontre de l'objectif poursuivi.

L'Assemblée nationale a conservé l'intégralité des apports du Sénat concernant l'interruption médicale de grossesse (IMG). Elle a ainsi adopté conforme l'article 21, qui précise les obligations qui s'imposent aux professionnels de santé opposant leur clause de conscience générale à une demande d'IMG afin de garantir l'information de la patiente sur les praticiens ou structures susceptibles de la prendre en charge. Les députés ont en outre rappelé, à l'article 20, que la détresse psychosociale figure parmi les indications susceptibles de justifier une IMG pour motif de mise en péril de la santé de la femme.

Les députés ont adopté en première lecture des dispositions pour améliorer la prise en charge des enfants présentant des variations du développement génital. Nous avions retouché le dispositif, notamment en ouvrant la réunion de concertation pluridisciplinaire à tous les centres de référence de maladies rares concernés par les variations du développement génital. Cela visait en particulier le centre de référence des maladies rares endocriniennes de la croissance et du développement qui s'occupe des cas d'hyperplasie des surrénales. Cet apport a été conservé, après une modification d'ordre rédactionnel, par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Elle est en revanche revenue sur le renvoi à des recommandations de bonnes pratiques élaborées après concertation entre les parties prenantes par la Haute Autorité de santé (HAS).

Les députés ont, de manière plus substantielle, ajouté un dispositif spécifique pour faciliter la déclaration ou la rectification du sexe de ces enfants à l'état civil. C'est une avancée intéressante, puisque couplée à une modification réglementaire ; elle permettrait aux parents d'enfants nés avec une variation du développement génital d'attendre jusqu'à trois mois avant d'inscrire le sexe de leur enfant ou de rectifier facilement celui-ci - et éventuellement les prénoms de leur enfant - sans qu'il n'en reste de traces dans la copie intégrale de l'acte de naissance. La Chancellerie a précisé que cette invisibilité des mentions rectificatives du sexe et des prénoms pourrait s'appliquer aux enfants nés avant la modification du décret. Ce point très important correspond à une demande ancienne des familles pour préserver la vie privée de leur enfant. Dans ces conditions, il m'est apparu que le texte issu des travaux l'Assemblée nationale avait atteint un point d'équilibre et je vous en propose une adoption conforme.

Plusieurs apports du Sénat ont été enfin conservés à l'article 22 relatif à l'autoconservation de gamètes et tissus germinaux pour motifs pathologiques. Je vous proposerai de poursuivre ces échanges constructifs en revenant, dans une rédaction plus ciblée qu'en première lecture, sur une modification visant à protéger les personnes mineures souvent concernées par cette démarche.

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