Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, 165 000 : c’est le nombre estimé de mineures et de mineurs qui, chaque année en France, subissent des violences sexuelles. Ce sont 130 000 filles et 35 000 garçons que le droit n’aura pas su protéger.
Les difficultés en la matière sont de plusieurs ordres.
Tout d’abord, ces violences demeurent trop peu dénoncées. Si l’on s’en tient aux chiffres officiels du ministère de l’intérieur, on recense en 2019 à peine plus de 7 000 plaintes.
Peu d’agressions font l’objet de plaintes, parce que nombre d’entre elles se produisent malheureusement dans le cadre de la famille. Nous ne pouvons ignorer toutefois qu’il existe des difficultés d’ordre juridique : si le dépôt de ces plaintes est en nette augmentation depuis quelques années, le droit, complexe en ce domaine, empêche trop souvent les procédures d’aboutir une condamnation.
La loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, adoptée au mois d’août 2018, a apporté deux améliorations significatives. Elle a permis l’allongement du délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur mineur et a précisé la définition du viol commis sur une victime de moins de 15 ans. Cette loi restait néanmoins inachevée, faute d’avoir créé un seuil d’âge précis au-dessous duquel toute personne adulte qui a eu un rapport sexuel avec une personne mineure tomberait sous le coup d’une condamnation.
La proposition de loi dont nous débattons, cosignée par plus de cent sénatrices et sénateurs de tous bords politiques, entend mettre un terme à cette situation juridique, empêchant de considérer systématiquement de tels actes comme des viols. Elle pose ainsi une limite législative claire : l’interdiction absolue de tout acte sexuel entre une personne majeure et une personne mineure de 13 ans.
En outre, l’ajout, à la suite des travaux de la commission des lois, de l’article 1er bis, qui prévoit des protections supplémentaires pour la tranche d’âge de 13 à 15 ans, mérite d’être salué. Toutefois, certains d’entre nous auraient préféré que cette proposition de loi retienne le seuil de 15 ans.
À l’aune du hashtag #MeTooInceste, à l’aune également de la récente étude menée par l’association Face à l’inceste, estimant que près de 6, 7 millions de Françaises et de Français ont été victimes d’inceste, la politique des petits pas en matière de crimes sexuels sur mineur n’est plus envisageable.
Par ailleurs, nous souhaitons d’autres améliorations, tout particulièrement la reconnaissance des actes bucco-génitaux comme crimes sexuels : les élus du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ont déposé un amendement en ce sens.
De même, à l’avenir, il serait opportun de bénéficier de données officielles plus précises et plus régulières quant aux violences sexuelles commises sur personnes mineures.
Pour autant, cette proposition de loi est nécessaire et nous en saluons l’initiative. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires la voteront.
Monsieur le garde des sceaux, avec ce texte, le Sénat a accompli un excellent travail. Pourtant, chaque fois que l’exécutif peut passer par-dessus la tête des parlementaires, il le fait.