Intervention de Bernard Jomier

Réunion du 20 janvier 2021 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Bernard JomierBernard Jomier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à ce stade de la discussion, qui est vouée à ne pas prospérer, je voudrais revenir sur certains arguments que j’ai entendus, dans notre hémicycle, à propos de cette proposition de loi.

Parmi les arguments qui s’opposent à cette proposition de loi que, pour ma part, je soutiens, il y a ceux qui sont relatifs à l’ontogénèse, c’est-à-dire au développement de l’organisme depuis l’œuf jusqu’à un corps mature.

Je le dis très fermement, ces arguments relatifs à l’ontogenèse ne sont pas recevables. D’ailleurs, le Comité consultatif national d’éthique les a balayés, et même l’Académie de médecine ne les reprend pas à son compte dans son avis. Ces arguments sur l’ontogénèse ont toujours été brandis par les opposants à l’IVG, par ceux qui rejettent cet acte au fond, pour des raisons qui leur appartiennent et que l’on peut tout à fait respecter.

Néanmoins, nous ne sommes pas en train de mener un débat sur la légitimité de l’IVG. Nous sommes en train d’étudier une proposition de loi qui en modifie les conditions. Ces arguments-là ne sont donc pas recevables.

En ce qui concerne les arguments sur l’éthique, le CCNE a très clairement indiqué qu’aucune considération éthique ne s’opposait à l’allongement du délai. S’il y a des lectures différentes, c’est parce que les principes qui fondent notre éthique et notre bioéthique ont évolué avec le temps.

Certaines valeurs évoquées dans l’avis qui a été cité sont ancestrales, comme la non-malfaisance ou la bienfaisance. D’autres, comme le principe d’autonomie ou le principe d’égalité, sont plus récentes. Elles ont émergé plus récemment dans les travaux d’éthique et ont pris de l’importance, ce qui est, à mon sens, une bonne chose.

Quand on lit nos principes d’éthique en intégrant ces valeurs-là, comme le fait le CCNE, il n’y a pas, non plus, d’obstacle aux propositions que porte Laurence Rossignol.

Ensuite, l’allongement du délai résoudra-t-il le problème de ces femmes qui ne parviennent pas à accéder à l’IVG dans les délais actuels ? Probablement en partie seulement. Et je donne tout à fait acte de ce qui a été dit par Élisabeth Doineau, notamment, sur cette question. Ce n’est pas la solution, mais ce n’est pas ce que prétend être ce texte, puisqu’il comporte un ensemble de mesures.

Je regrette que, du fait de l’opposition à deux mesures particulières de cette proposition de loi, vous souhaitiez en arrêter le débat.

Je le dis très clairement, il y a ceux qui votent des droits formels et ceux qui s’attachent à travailler à l’application de droits réels. Et si l’on souhaite que le droit formel, que nous partageons très largement dans cet hémicycle, me semble-t-il, se transforme réellement en un droit pour toutes les femmes, il faut travailler sur les différentes pistes que présente cette proposition de loi.

Il faut travailler sur la question de l’institut de santé sexuelle et reproductive, car c’est l’ensemble de notre politique en la matière qu’il faut revoir. C’est sur tous ces points qu’il faut progresser.

C’est pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à poursuivre le débat, dans cet hémicycle, sur l’ensemble de ces mesures.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion