Intervention de Dominique Estrosi Sassone

Réunion du 19 janvier 2021 à 14h30
Garantie du respect de la propriété immobilière contre le squat — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Dominique Estrosi SassoneDominique Estrosi Sassone :

Il nous faut donc agir. Mais cet équilibre et cette proportionnalité des moyens juridiques ne sont pas faciles à trouver. Le Sénat les a opiniâtrement recherchés depuis maintenant presque quinze ans. Je tiens à le souligner.

C’est sur l’initiative du Sénat et d’un amendement de notre collègue Catherine Procaccia qu’a été introduit l’article 38 de la loi de 2007 sur le droit au logement opposable, qui donne aux préfets la possibilité d’expulser les squatteurs d’un domicile. Malheureusement, cette disposition est restée peu connue et peu utilisée. On a dressé divers obstacles contre sa mise en œuvre, comme l’obtention de preuves ou le pseudo-délai de flagrance de quarante-huit heures qui empêcherait la force publique d’intervenir.

C’est encore sur l’initiative du Sénat et d’une proposition de loi de notre ancienne collègue Natacha Bouchart qu’une amende de 15 000 euros en cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui par voies de fait a été introduite dans le code pénal. De plus, avec cette loi, le squat de domicile est devenu un délit continu, ce qui devait normalement empêcher que l’on oppose aux victimes le pseudo-délai de flagrance de quarante-huit heures.

Las, ce ne fut pas suffisant. En 2018, dans le cadre de la loi ÉLAN (loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), dont j’étais le rapporteur au Sénat, notre assemblée a été obligée de remettre l’ouvrage sur le métier. Nous avons introduit deux modifications dans le code des procédures civiles d’exécution : nous avons supprimé le délai de deux mois pour l’application d’une décision judiciaire d’expulsion, dès lors qu’il y a squat, et supprimé le droit de se prévaloir de la trêve hivernale en cas de squat de domicile.

Malgré ces avancées obtenues par le Sénat, il n’a toujours pas été mis fin aux squats de domicile. Mes chers collègues, vous le savez bien, dans certaines communes, les maires sont obligés de mobiliser la police municipale et leurs concitoyens dans des dispositifs « voisins vigilants » pour éviter les squats.

À la suite de l’affaire de Théoule-sur-Mer, le Gouvernement a simplifié la procédure de l’article 38 dans le cadre de l’examen du projet de loi ASAP. Néanmoins, ce texte n’avait pas vocation à traiter spécifiquement de cette question. C’est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel a censuré l’article qui visait à réprimer plus sévèrement les squatteurs. Plus largement, plusieurs questions relatives au squat, qui n’étaient pas de l’ordre de la pure simplification administrative et juridique, n’ont pas pu être introduites dans la loi lors des débats cet automne. Ma proposition de loi a justement pour objet de pouvoir le faire aujourd’hui.

Comme je l’ai souligné, le sujet est complexe. Il faut trouver le juste équilibre entre, d’un côté, la protection de la propriété privée, ce « droit inviolable et sacré », et, de l’autre, la protection du domicile et le droit au logement, qui sont reconnus depuis près de quarante ans comme des principes à valeur constitutionnelle. Il nous faut aussi trouver les moyens juridiques de protéger les victimes de squat, sans pour autant rendre délictuelles des situations de détresse qui doivent trouver une issue sociale et non judiciaire.

Au regard de cette obligation, les termes de la proposition de loi pouvaient être améliorés. Je veux très sincèrement remercier ici le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, le rapporteur Henri Leroy, qui a travaillé avec moi sur cette proposition de loi, et l’ensemble des services de la commission d’avoir cherché, dans un esprit de dialogue et avec toute la rigueur juridique qu’on leur connaît, à atteindre l’objectif qui était le nôtre : protéger les victimes, améliorer l’efficacité des procédures, punir les squatteurs et leurs complices.

Quelles sont donc les avancées concrètes que nous vous proposons d’adopter ?

Nous voulons dissuader plus fermement les squatteurs de domicile. Aujourd’hui, le fait d’occuper par la force le domicile d’autrui est moins sévèrement puni que le fait, pour un occupant légitime, de se faire justice. Cela n’est pas normal ! L’Assemblée nationale et le Sénat étaient parvenus à un accord à ce sujet cet automne. Le Conseil constitutionnel a estimé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif dans un projet de loi visant à simplifier le droit. Nous vous proposons aujourd’hui de rétablir ces dispositions dans la loi.

Nous voulons éviter que le squat ne devienne une voie pour faire valoir son droit au logement opposable, une sorte de « coupe-file », car, si les préfets sont désormais fortement incités à procéder à l’expulsion des squatteurs, ils ont toujours l’obligation de les reloger. Or rien ne serait plus injuste que de donner, à notre corps défendant, une prime aux squatteurs au détriment de familles en attente de logement, mais respectueuses de la loi et du bien d’autrui. Nous proposons donc que les juges puissent décider la suspension du droit au logement opposable à titre de peine complémentaire et de manière limitée dans le temps.

Nous voulons dissuader et réprimer ceux qui se rendent complices de squats et, surtout, qui cherchent à les faciliter. De véritables modes d’emploi sont disponibles sur internet. Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite à taper « Comment squatter un logement ? » sur le moteur de recherche de votre téléphone portable. Vous trouverez immédiatement des notices vous expliquant comment squatter un logement.

On est glacé à l’idée que, rentrant chez soi d’un déplacement, on puisse trouver la serrure changée et de nouveaux occupants à sa place. Nous proposons donc d’introduire une peine contre la propagande et la publicité en faveur du squat.

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