Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant tout, je remercie sincèrement Dominique Estrosi Sassone de soumettre cette proposition de loi à nos débats.
Sur ces travées, nous avons tous en tête de récentes affaires qui, connaissant un retentissement médiatique, ont choqué l’opinion publique et nous ont aussi, en tant que législateur, interpellés. Je pense à la situation de ce couple de retraités qui n’a pas pu entrer dans sa résidence secondaire de Théoule-sur-Mer, habitée par des squatteurs qui en avaient changé les serrures, ou à celle du Petit Cambodge, ce restaurant meurtri par les attentats de novembre 2015, dont le local était occupé par des militants anti-gentrification. Je pense encore à ces propriétaires de Saint-Honoré-les-Bains, d’Avignon ou du Mans. Fort heureusement, ces situations sont exceptionnelles, mais elles laissent à ceux qui les vivent un sentiment de grande injustice, lequel est tout à fait légitime.
Cette proposition de loi entend, par quatre articles, apporter une réponse aux propriétaires victimes de squat, qui se sentent trop souvent démunis dans la situation qu’ils rencontrent.
L’article 1er aggrave les peines encourues en cas d’introduction ou de maintien dans le domicile d’autrui. Le groupe RDPI soutient cette mesure, déjà adoptée lors de l’examen du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique. Cette disposition, votée avec le soutien du Gouvernement, a néanmoins été censurée comme cavalier législatif le 3 décembre dernier par le Conseil constitutionnel. Son inscription dans le présent texte, dans la continuité de l’accord dont elle avait fait l’objet en commission mixte paritaire, nous paraît justifiée.
En revanche, malgré le travail du rapporteur pour garantir, dans le texte issu de l’examen en commission, une conciliation plus équilibrée entre le respect de la propriété immobilière et le droit au logement, nous ne sommes pas convaincus par le reste des solutions proposées. Je pense notamment au nouveau délit introduit par l’article 2, qui pourrait être assorti d’une peine complémentaire par laquelle l’auteur de l’infraction ne pourrait se prévaloir, pendant trois ans, du droit au logement opposable.
Le droit à un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle. De même, pour lutter efficacement contre le squat, il peut paraître assez paradoxal de ne pas essayer d’empêcher les conditions de nature à reproduire les faits pour lesquels les intéressés ont été condamnés.
Je pense également à la division par deux du délai dont le préfet dispose, dans la procédure administrative d’évacuation forcée, pour examiner les demandes de mise en demeure. La loi ASAP n’a été promulguée qu’en décembre dernier. J’y insiste : le délai de quarante-huit heures, introduit par ce texte, a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire et nous semble de nature à garantir une bonne application de cette procédure dérogatoire par les préfectures.
Plus généralement, il est important de rappeler que le législateur, sensibilisé aux problèmes rencontrés par les propriétaires, a récemment adopté des garanties pour renforcer et accélérer la procédure administrative d’évacuation forcée ainsi que la procédure judiciaire d’expulsion, qui s’applique plus largement.
Il en est ainsi de la loi ÉLAN de 2018. Pour l’expulsion des squatteurs dans le cadre de la procédure judiciaire, ce texte a écarté le délai de deux mois pour libérer le lieu occupé, ainsi que la trêve hivernale.
Il y a également la loi ASAP du 7 décembre 2020, déjà citée. Non seulement elle a accru la célérité de la procédure administrative d’évacuation forcée, mais elle a étendu explicitement son application aux résidences secondaires et occasionnelles, ainsi qu’à toute personne dont le domicile est occupé et aux personnes agissant pour leur compte.
Les outils pour lutter contre le squat existent ; ils ont fait l’objet d’un travail conjoint du Sénat et de l’Assemblée nationale dans des rédactions de compromis adoptées en commission mixte paritaire. Toutefois – vous le reconnaissez vous-même dans votre rapport, monsieur le rapporteur –, ils sont méconnus et mal appliqués.
Au regard des difficultés rencontrées par ces propriétaires victimes, il est indispensable de préciser l’interprétation des textes et de mieux faire connaître la procédure administrative dérogatoire à ceux qui ont vocation à l’appliquer. Madame la ministre, vos services préparent une circulaire à cette fin : pourriez-vous nous éclairer sur son calendrier ?
Mes chers collègues, pour toutes les raisons que je viens de formuler devant vous, et parce que nous pensons qu’une nouvelle modification de la loi, faisant évoluer les équilibres actuels, ne serait pas de nature à clarifier et à renforcer les dispositifs en vigueur pour lutter efficacement contre le squat, le groupe RDPI ne votera pas ce texte !