Je ne nie pas les problèmes dus à l’installation illicite des gens du voyage ; ils sont réels. Plusieurs dispositions législatives ont d’ailleurs déjà été adoptées pour les sanctionner, à l’instar de celles qui figurent dans la proposition de loi déposée par les sénateurs Jean-Claude Carle, en mémoire duquel j’aimerais avoir une pensée à cet instant, et Loïc Hervé, texte voté en 2018. À mon sens, nous n’avancerons pas sur le sujet seulement avec plus de sanctions.
La présente proposition de loi a pour objectif d’assurer un meilleur accueil des gens du voyage. Mais elle prévoit essentiellement d’accroître les sanctions envers ces derniers sans proposer d’améliorer ni de revoir les obligations que doivent honorer les communes. À mes yeux, il y a là une contradiction intellectuelle et législative qui pose question.
Les solutions ne pourront être trouvées que dans un dialogue constructif et sincère entre les élus et les gens du voyage, en permettant la mise à disposition d’un terrain décent, ainsi que la scolarisation des enfants, sans discrimination.
La présente proposition de loi ne me semble pas de nature à favoriser un tel dialogue. Son adoption ne ferait qu’exacerber les difficultés en radicalisant les positions des uns et des autres.
À la lecture du texte, il apparaît en effet que les dispositions proposées vont trop loin et pourraient être ressenties comme une nouvelle stigmatisation par les gens du voyage. §Ce sera le cas ! Je regrette de devoir vous le dire. Ces mesures constituent une entrave grave à la liberté d’aller et venir et ne peuvent pas être perçues par les personnes concernées autrement que comme une remise en cause de leur mode de vie. C’est ce qui m’amène à émettre un avis défavorable sur le texte.
L’article 1er propose l’élaboration d’une stratégie de gestion des flux des gens du voyage qui porte en fait atteinte à leur liberté d’aller et venir en leur imposant de s’installer uniquement dans certains endroits. En ce sens, cette disposition posera une difficulté constitutionnelle. De plus, cela fait porter la responsabilité de l’accueil aux seuls territoires qui respectent la loi Besson ; rien n’est prévu pour la faire respecter par les autres. Cet article ne permet pas de répondre au problème fondamental du déficit d’espaces d’accueil pour les gens du voyage, qui alimente la saturation des équipements de manière structurelle et entretient les stationnements illicites.
L’article 2 propose de gérer les flux en installant un système de réservation préalable. Or un tel dispositif serait en réalité inopérant dans les territoires sans équipement et difficilement gérable dans les territoires équipés.
L’article 4 propose de comptabiliser dans la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », les aires d’accueil des gens du voyage au titre du logement social. Je ne souhaite pas mettre en concurrence le logement social et les aires d’accueil alors que nous avons 2 millions de demandeurs de logements sociaux qui ne trouvent pas de réponse. La loi SRU est un outil qui doit être respecté pour la construction de logements.
L’article 5 supprime la procédure de substitution et de consignation des fonds, qui avait été créée par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Cette procédure est un outil de négociation à la main des préfets pour que les communes respectent leurs obligations ; je ne vois pas pourquoi on la supprimerait.
L’article 7 propose de réintroduire un alinéa de l’article 9 de la loi Besson, en prenant en compte la décision du Conseil constitutionnel à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité en 2019. Cet article conforte une demande d’associations. Il avait reçu un avis favorable du Gouvernement lors de l’examen de la proposition de loi de MM. Carle et Hervé. Aussi, sur cet article précis, l’avis du Gouvernement sera favorable.
L’article 8 aggrave la répression des stationnements illicites. Comme je l’ai déjà indiqué, ce n’est, me semble-t-il, pas en augmentant des sanctions qui existent déjà que nous résoudrons le problème.
Enfin, l’article 9 présente un risque d’inconstitutionnalité au regard du principe d’inviolabilité du domicile, en proposant une saisie des véhicules, y compris à usage d’habitation, illégalement stationnés.
(Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il fait l’objet d’une opposition très forte de la part des personnes concernées. En défendant des positions radicales, il risque de rompre le dialogue pourtant constructif engagé avec l’ensemble des parties prenantes. Le « tout-sanction » est une impasse. Je souhaite que nous en revenions au respect de la loi Besson.