Il existe un vrai risque de course à l’échalote, les obligations allant croissant de schéma en schéma et aucune intendance publique ne pouvant décemment suivre, notamment sur un plan financier ou foncier.
Au-delà de l’inversion de la culpabilité, disons-le, que l’on soit préfet, juge, policier, gendarme, élu local ou parlementaire, les stationnements illégaux révèlent notre impuissance collective, et tout cela est aggravé par une impunité généralisée. Cette impuissance et cette impunité, nos concitoyens ne la comprennent pas, ne la supportent plus.
Alors oui, assurément, je rends grâce aux auteurs de cette proposition de loi de nous permettre de revenir sur cette question, plus de deux ans après l’adoption de quelques dispositions issues de deux propositions de loi, l’une de notre regretté collègue Jean-Claude Carle, l’autre que j’avais rédigée avec des collègues de mon groupe.
Mais, à ce stade, et avant de développer quelques arguments sur ce texte et nos amendements, je me permets de vous dire, madame la ministre, qu’il serait temps de mettre en application la mesure la plus importante, à savoir les amendes forfaitaires délictuelles.
Votre collègue ministre de l’intérieur m’a indiqué que leur mise en œuvre serait effective en octobre 2021, soit trois ans après le vote de la loi, alors qu’aucun texte d’application n’est nécessaire !
Franchement, on peut écrire des lois au nom du peuple souverain, réussir même l’exploit que ces mesures survivent à la navette parlementaire. Mais ces lois ne sont rien si l’exécutif ne les met pas en œuvre ! Il y va de la crédibilité même de la démocratie et du pouvoir législatif.
Malgré ce contexte, le groupe Union Centriste accueille le texte et le débat qui s’ensuit avec intérêt, et s’est voulu constructif, en proposant des amendements en commission comme en séance. Nous voulons relever la qualité du travail effectué par la rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio, qui a enrichi le texte après avoir conduit de très nombreuses auditions avec humanisme et un sens aigu du dialogue et de l’ouverture.
Oui, l’idée d’un schéma à la main du préfet de région est bonne. Oui, la mise en demeure administrative doit être réformée et son délai de validité allongé.
Madame la ministre, cet après-midi, il faudrait que tout le Gouvernement ou presque soit à vos côtés pour discuter des mesures contenues dans le texte initial comme dans les amendements déposés, qui touchent au droit pénal, aux prérogatives des collectivités locales comme à celles des préfets…
Je commencerai par ce qui touche de plus près votre ministère, à savoir la proposition de décompter les places des aires d’accueil au titre de l’article 55 de la loi SRU. C’est une proposition frappée au coin du bon sens, maintes fois évoquée et votée ici, et qui mériterait, je le dis tout simplement, d’être enfin soutenue par le Gouvernement. Le message envoyé aux élus serait fort, pragmatique, concret. De surcroît – énorme avantage dans la période actuelle –, il ne coûterait rien.
En matière de renforcement de l’arsenal pénal, nous proposerons de réintroduire dans ce texte les dispositions communes des propositions de loi Carle et Hervé, qui furent votées au Sénat, mais rejetées à l’Assemblée nationale.
Je voudrais maintenant aborder trois sujets, mes chers collègues.
Le premier est la prise en compte du taux d’occupation des aires d’accueil existantes avant d’envisager la construction de nouvelles aires dans le schéma départemental. Cet amendement de notre collègue Françoise Gatel permettra d’être plus efficients dans la disposition géographique des aires.
Le deuxième est la nécessité de mieux connaître le coût d’ensemble de la politique publique consistant à accueillir et à proposer la sédentarisation aux gens du voyage. On évalue à 400 000 le nombre de personnes appartenant à la communauté des gens du voyage. Parmi elles, les deux tiers seraient nomades.
Il serait intéressant pour le Parlement de connaître, en investissement comme en fonctionnement, le coût de cette politique publique.
Le troisième sujet n’est pas le moindre, il n’est pas non plus le plus simple à aborder : je veux évoquer la scolarisation des enfants du voyage.
Dans quelques semaines, le Sénat va examiner le texte confortant le respect des principes de la République et va s’engager dans la lutte contre toutes les formes de communautarisme. La question scolaire sera au centre des débats.
Parmi les gens du voyage dans notre pays, des milliers d’enfants sont mal scolarisés, voire pas scolarisés. D’expérience, il apparaît que la seule vérification faite par les services de l’éducation nationale se limite au fait de savoir si ces élèves sont inscrits dans un établissement scolaire en début d’année ou au Centre national d’enseignement à distance (CNED). Mais, dans les faits, beaucoup trop d’entre eux ne vont pas à l’école et ne suivent pas les cours à distance.
À l’adolescence, beaucoup d’enfants du voyage, notamment les filles, quittent le collège. Je pense que nous sommes tous complices de cette situation. Nous fermons les yeux sur la réalité et il y a un travail considérable à mener. Il existait autrefois des classes mobiles et des instituteurs détachés qui allaient au plus près des familles. Cela n’existe plus. Les enfants du voyage doivent pouvoir être libres de choisir leur vie lorsqu’ils atteignent l’âge adulte. C’est un enjeu considérable pour notre école, l’école de la République.
Mes chers collègues, les sujets que nous abordons cet après-midi sont concrets et difficiles.
Les aborder avec franchise nous expose à l’accusation de stigmatiser une population – le débat en témoigne. Ne pas les aborder, c’est ignorer la réalité du terrain et faire fi de notre travail.
Je conclurai en vous disant que, pour nous, sénateurs du groupe Union Centriste, le principal objectif est de faire véritablement respecter l’État de droit. C’est pourquoi nous voterons ce texte, car il réaffirme des préoccupations que nous partageons et apporte des améliorations concrètes au droit.