Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les gens du voyage ne sont pas des citoyens de seconde zone. Comme tous les Français, ils ont des devoirs et aussi des droits, qui doivent être respectés, de même que leur mode de vie itinérant.
Mais, vingt ans après la loi Besson, force est de constater que la situation, malgré des évolutions positives, n’est pas pleinement satisfaisante, ni pour les collectivités ni pour les gens du voyage.
La question de leur accueil fait partie de ces sujets sensibles qui entraînent des débats passionnés et virent trop souvent au dialogue de sourds. Sur le terrain, les tensions se multiplient et conduisent dans certaines circonstances à des violences, dans des zones qui en étaient jusque-là préservées.
D’un côté, les gens du voyage s’estiment victimes d’un certain ostracisme, de préjugés, voire d’une mauvaise application de la loi rendant leurs conditions de vie difficiles ; de l’autre, les collectivités ont le sentiment, justifié, de remplir leurs obligations légales et les élus locaux sont confrontés à un véritable désarroi quand ils sont menacés, y compris dans leur intégrité physique, par des occupants de terrains publics ou privés irascibles.
Ces situations, en particulier lorsqu’elles aboutissent à des occupations illégales, des violences ou des dégradations, sont vécues localement comme l’illustration de l’impuissance de l’État et des autorités publiques. De fait, elles contribuent au blues des élus locaux et, surtout, à l’exaspération des habitants.
Dans le Calvados, de nombreux séjours se déroulent sans problème, mais, comme dans d’autres départements, nous ne sommes pas épargnés par ce phénomène de relations conflictuelles, notamment au moment des grands passages et rassemblements qui amènent des flux massifs et incontrôlés de caravanes et de véhicules dans des territoires tranquilles. C’est souvent le cas sur la côte et dans les communes du rétro-littoral comme Pont-l’Évêque.
Dans un passé récent, en tant que maire et président d’EPCI, j’ai moi-même, comme beaucoup d’entre nous, fait l’expérience d’une aire d’accueil plusieurs fois dégradée et de branchements sauvages sur les réseaux par des personnes peu soucieuses de respecter les règles.
Récemment, à Lisieux, des carcasses de voitures, des débris de verre, des détritus ont été abandonnés par des gens du voyage lors de leur départ et les sanitaires ont été dégradés.
C’est dans ce contexte général qu’intervient la présente proposition de loi. Le Sénat a déjà été à l’origine d’évolutions législatives sur ce sujet difficile, auquel nous avons tous été confrontés. On peut d’ailleurs regretter que certains dispositifs n’aient pas été retenus lors de précédentes navettes parlementaires.
Malgré les dernières évolutions du droit, comme l’a relevé la commission des lois, des difficultés persistent tant en matière d’accueil que de lutte contre les occupations illicites. Le texte de la proposition de loi tel qu’il est issu des travaux de la commission apparaît ainsi équilibré, pragmatique et, surtout, opérationnel. C’est bien ce qui est attendu par les collectivités territoriales : un cadre clair, une meilleure anticipation, des règles plus strictes pour faire cesser les occupations illicites, y compris par la contrainte, telle la saisie des véhicules illégalement stationnés.
La comptabilisation des aires d’accueil de gens du voyage au sein des quotas de logements sociaux, déjà votée à deux reprises par le Sénat, constitue à mon sens une mesure qui tient compte du coût et des efforts consentis par les collectivités. La suppression de la procédure de consignation de fonds pour les communes et EPCI me semble aussi constituer un signal fort.
Je forme le vœu que les dispositions les plus emblématiques de ce texte ne soient pas supprimées pour des motifs purement politiques au cours de la suite du processus législatif. Ce serait particulièrement mal vécu par les élus locaux. Continuons à leur redonner confiance pour gérer leur territoire et faisons en sorte que force reste toujours à la loi !