Intervention de Patrick Kanner

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 26 janvier 2021 à 9h00
Désignation de rapporteurs

Photo de Patrick KannerPatrick Kanner :

Je tiens à prendre la parole solennellement, en raison de ce qui s'est passé la semaine dernière et de votre annonce ce matin, en conscience et en connaissance de cause. Mme Marie-Pierre de La Gontrie vous a interpellé la semaine dernière sur ce sujet : sur trois rapporteurs prévus, on aurait pu imaginer un rapporteur issu de l'opposition, pour montrer notre capacité à travailler en commun sur un texte si essentiel pour notre pays.

Sauf erreur de ma part, je ne vois aucune mention de notre débat dans le compte rendu de cette réunion, peut-être est-ce dû à une panne de micro... Or, cette discussion, qui était très utile et constructive, montrait la diversité de la composition de la commission des lois.

Monsieur le président, nous croyons à la parole donnée, peut-être à tort. Vous vous étiez engagé à réserver un poste de rapporteur à l'opposition, notamment au groupe socialiste, écologiste et républicain pour le projet de loi confortant les principes de la République. Cette décision était tout à votre honneur, et conforme à la tradition du Sénat, qui offre toujours à l'opposition, dans des cas bien précis, pour de grands textes, une part d'expression politique. C'est pourquoi notre assemblée est le lieu où résonne encore un débat démocratique apaisé et respectueux de la diversité des opinions de notre pays.

Un texte d'une si grande importance méritait un regard qui ne concède rien au dogme idéologique. Nos regards sont différents, clivants parfois peut-être, mais enrichissants certainement pour les Français. C'est parce que vous sembliez, la semaine dernière, partager notre point de vue que nous n'avions pas demandé la création d'une commission spéciale. C'est pourtant le cas à l'Assemblée nationale. Cela nous aurait permis d'avoir une voix au chapitre. Nous avons récemment été capables - et à plusieurs reprises - de travailler ensemble de manière constructive et dans différents cadres. Je pense à la proposition de résolution de notre collègue Éric Kerrouche sur la décentralisation - sur laquelle vous vous étiez abstenus, ce qui a permis l'adoption par le Sénat de nos idées - ; à celle sur le Haut-Karabagh, où nous nous sommes retrouvés ; à la commission d'enquête sur l'affaire Benalla où le trio de rapporteurs Philippe Bas, Muriel Jourda et Jean-Pierre Sueur a montré notre capacité de travail en commun ; à la proposition de loi de Nicole Bonnefoy sur les catastrophes naturelles en 2019, copiée-collée par l'Assemblée nationale ; à la proposition de loi de d'Annick Billon adoptée à l'unanimité il y a quelques jours ; et à la commission d'enquête sur la covid-19 où notre rapporteur, Bernard Jomier, a été à la hauteur de sa responsabilité - et cette liste n'est pas exhaustive.

Vous avez cédé aux pressions. Nous craignons que le texte ne ressemble à un tract de campagne à la suite des rapports. Adopter une telle posture ne ferait pas honneur à la commission que vous avez le privilège de présider. Qui est le plus à plaindre dans cette affaire ? La première victime, c'est l'autorité de la commission des lois et la discussion légitime en séance.

Nous préférons rester libres qu'être sous tutelle, et avons décidé souverainement de vous laisser entre vous, à ce stade.

Mmes et MM. les membres du groupe socialiste, écologiste et républicain se lèvent et quittent la salle.

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