Vous avez mis l'accent, et c'est important, sur les relations intercommunautaires, dont les médias ne parlent pas assez : ces interrelations font avancer les religions. On ne change pas une religion par le haut, mais par le bas, dans le dialogue avec la population. N'assiste-t-on pas à une sorte de mini-Concordat, comme au temps de Napoléon ? Les retombées pour l'Islam peuvent être importantes, sans doute parce que cette religion a besoin d'être réformée, de se mettre au rythme des autres religions, dans la mesure où sa présence en Occident est tardive et ne remonte guère réellement qu'aux années 1970.
On a l'impression que cette réforme concerne avant tout l'Islam et que les autres religions sont incluses à tout prix, alors qu'elles s'accommodent bien du droit actuel et depuis longtemps - peut-être est-ce parce qu'elles sont passées par l'épreuve du Concordat. Pourquoi alors toucher aux autres religions si l'on veut réformer l'Islam ? En quoi cela permettra-t-il de lutter contre le terrorisme ? L'enjeu prioritaire devrait être d'abord de former les imams. Or, nul ne s'est attaqué à ce sujet très délicat. Il est possible de les former en terres concordataires. J'ai été professeure à l'École pratique des hautes études (EPHE), qui rassemble de grands spécialistes des religions. On pourrait aussi s'appuyer sur les formations qui existent déjà à la Grande mosquée de Paris ou ailleurs, et les compléter par des cursus spécifiques. L'université publique n'enseigne pas la théologie. Il faudrait que nos dirigeants comprennent qu'il est nécessaire d'associer théologie et savoirs classiques républicains, des sciences humaines par exemple.