Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 28 janvier 2021 à 10h30
Accord de coopération avec l'union monétaire ouest-africaine — Discussion générale

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà donc plus d’un an que la disparition du franc CFA au sein de l’Union monétaire ouest-africaine a été annoncée à Abidjan.

Nous sommes aujourd’hui réunis pour autoriser le Gouvernement à approuver cet accord. Il s’agit surtout d’un moment symbolique. En effet, l’un des points essentiels de cet accord de coopération signé à Abidjan est le changement de nom de cette devise. Le sigle de la devise n’avait pas été modifié depuis sa création en 1945, à la suite des accords de Bretton Woods. Les trois lettres renvoyaient alors aux « colonies françaises d’Afrique ». Malgré les réformes successives, notamment depuis les indépendances au tournant des années 1960, cette étymologie n’a cessé d’alimenter les fantasmes et les discours populistes, en Europe comme en Afrique.

À cet égard, je tiens à rappeler que la décision d’appartenir à l’UMOA relève pleinement de la souveraineté des pays concernés. La France n’en est évidemment pas membre. Elle joue seulement le rôle de partie prenante que ses engagements financiers imposent.

Les idées fausses ont toutefois souvent la vie dure. C’est pourquoi le changement de nom se révélera positif pour la France, comme pour les huit pays de l’UMOA. Je précise d’ailleurs que plusieurs cas de figure coexistent actuellement, certains pays membres n’ayant jamais été des colonies françaises et certaines colonies françaises n’ayant pas adopté le franc CFA. Il n’y a donc pas de lien de subordination, comme certains semblent vouloir le faire croire.

Il en va de même pour le retrait formel de la France de toutes les instances de gouvernance monétaire de l’eco. Cette décision, qui précise le rôle de la France dans la gouvernance monétaire, doit assainir nos relations diplomatiques et stratégiques avec nos partenaires africains. C’est un aspect absolument essentiel de cet accord. La France doit prendre en compte et soutenir les orientations prises par les pays africains.

Outre son aspect symbolique, cet accord a aussi un aspect stratégique : il met fin à la centralisation, par le Trésor français, de la moitié des réserves de change de l’UMOA. Cet aspect stratégique prolonge à mes yeux l’aspect symbolique : il acte une saine séparation des réserves entre les deux parties.

Voilà qui devrait donner davantage d’autonomie aux pays de l’UMOA en matière de pilotage monétaire, tout en conservant certains gages de sécurité, car l’accord d’Abidjan ne remet pas en cause la convertibilité de la devise africaine, pas plus que la fixité de son taux de change par rapport à l’euro ou que la libre transférabilité, notamment en capitaux.

En clair, l’eco conserve les atouts du franc CFA en matière de stabilité et de crédibilité, tout en rompant pour de bon avec son héritage colonial. Je suis certain que cette nouvelle mouture de la devise permettra aux huit pays de l’UMOA de poursuivre leur développement économique, malheureusement ralenti en 2020 par la pandémie. Elle pourra également servir de base au projet de monnaie commune adopté par la Cédéao.

Je le disais en introduction, le point le plus essentiel de l’accord de coopération a consisté en l’adoption d’un nouveau nom pour la devise. J’ai déjà évoqué l’abandon du sigle malheureux de CFA. Je conclurai en évoquant le choix de l’eco.

« Eco » : tel était déjà, avant décembre 2019, le nom retenu pour le projet de monnaie unique au sein de la Cédéao. Le choix de cette appellation par les pays de l’UMOA, qui est un sous-ensemble de la Cédéao, n’est donc pas neutre. Elle préfigure le fait que la future monnaie unique envisagée par cette dernière pourrait être arrimée à l’euro. Une telle option ne fait pas l’unanimité parmi les pays membres, notamment le Ghana, qui y voit une menace pour sa rente pétrolière.

En tout état de cause, une question reste en suspens : la garantie budgétaire apportée par la France pour la stabilité de l’eco, a fortiori s’il était élargi à la Cédéao. Elle déterminera notre influence dans la zone, qui n’est pas sans lien avec notre présence militaire afin de pacifier et sécuriser la zone. Malgré cette interrogation, notre groupe votera ce texte.

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