Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 28 janvier 2021 à 10h30
Accord de coopération avec l'union monétaire ouest-africaine — Discussion générale

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage sur ce sujet la position de M. le ministre et je fais miennes ses observations.

J’ai eu le plaisir, au sein de la commission des finances, d’être chargée, avec notre collègue Victorin Lurel, d’un rapport de contrôle sur ce sujet. Nous avons pu constater que le franc CFA constituait, à n’en pas douter, un irritant entre la France et les pays africains.

D’aucuns dénoncent un manque de vision démocratique, mais il faut aussi reconnaître que le franc CFA représente souvent dans les pays africains un outil de propagande qui n’a strictement rien à voir avec la réalité. De fait, mon cher collègue Savoldelli, vous n’avez pas complètement tort quand vous affirmez que ce débat doit être ouvert dans les pays africains. À l’évidence, il doit l’être ; sinon, comme c’est le cas actuellement, on laisse la place aux idées reçues.

On pare la France de tous les péchés d’Israël : elle empêcherait l’autonomie monétaire de la zone CFA ; elle tirerait lâchement et sournoisement profit des réserves de changes amassées dans ses coffres ; bref, elle poursuivrait, via le franc CFA, son œuvre fourbe de colonisation.

Or le rapport que Victorien Lurel et moi-même avons commis montre précisément le contraire ; il faut combattre toutes ces idées reçues. C’est dans le cadre du débat que nous avons aujourd’hui et de ceux qui, je l’espère, se tiendront dans l’ensemble des pays africains concernés que nous pourrons enfin mettre un terme à leur existence.

À mon sens, cette réforme devra être l’occasion de réviser la politique monétaire des pays africains concernés. Nous avons longuement auditionné à ce propos M. Dominique Strauss-Kahn, dont l’opinion était extrêmement intéressante : il suggérait de saisir cette occasion pour refonder une politique monétaire en Afrique de manière à asseoir la souveraineté monétaire et financière de ces États.

Surtout, il faut expliquer – d’autres orateurs l’ont déjà fait, et vous-même, monsieur le ministre, l’avez redit – que les pays africains concernés pourront désormais déposer leurs réserves de change où ils veulent : ils n’auront plus ce lien avec la France ! Il faut le dire et le redire, afin de casser définitivement l’idée reçue selon laquelle la France accaparerait ces réserves de change. De ce point de vue, la balle est dans le camp des pays africains !

Il demeure un détail ; je dirais plutôt, monsieur le ministre, comme dans la chanson : c’est peut-être un détail pour vous, mais pour certains, ça doit vouloir dire beaucoup ! Je pense à l’impression des billets de banque. En fin de compte, les pays africains peuvent très bien décider d’imprimer leurs billets eux-mêmes et de ne plus confier ce soin à la France. Quelle importance aurait donc la conservation de ce lien ? Là encore, il faut saisir l’occasion de casser à la fois ce lien et les idées reçues, en faisant table rase du passé. En la matière, la France n’est pas demandeuse. L’ensemble des dispositions qui figurent dans cette convention nous le montrent bien.

Le dernier point que je souhaite évoquer est le rôle de la Banque centrale européenne. On est passé de la convertibilité du franc CFA en franc français à sa convertibilité en euro, mais la BCE et les banques centrales des autres États membres n’ont nullement participé à ce processus ; elles ont considéré que l’on avait travaillé sans eux. Une petite convention a rétabli les choses à l’égard de l’euro, mais je suis convaincue qu’il incombe désormais à l’Europe de prendre le relais, à l’occasion de cette réforme qui met fin au franc CFA dans ses conditions antérieures. C’est vraiment le bon moment pour que la BCE se réapproprie, en quelque sorte, le sujet, avec ses avantages et ses inconvénients.

En conclusion, notre groupe approuve totalement cette convention ; nous considérons que c’est une excellente occasion de mettre un terme à des irritants, pourvu que l’on communique largement sur le sujet. Franchement, c’est le moment de mettre un terme aux nombreuses idées reçues qui s’expriment en la matière ! Il est temps que la France sorte grandie de l’affaire du franc CFA ; elle ne mérite pas tant de critiques. Jusqu’à présent, cette devise a beaucoup servi les pays africains, grâce notamment à sa convertibilité ; beaucoup d’économies ne seraient pas là où elles en sont sans la convertibilité permise par les accords en vigueur.

Le franc CFA et la politique monétaire ne sont pas – il faut le répéter – l’alpha et l’oméga de l’ensemble des politiques budgétaires des États africains. Le sujet est certes monétaire, mais c’est aussi un sujet de politique internationale, ce qui le rend tout à fait passionnant.

Notre groupe approuvera donc évidemment des deux mains l’accord qui nous est soumis !

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