Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi de commencer par ces quelques mots de votre illustre prédécesseur Robert Badinter : « Un mineur, c’est un être en devenir. […] L’objectif premier de la justice des mineurs, c’est de les intégrer ou de les réinsérer dans la société. » Alors, oui, au nom de ce noble objectif, l’ordonnance de 1945 se devait d’être remise à plat, réécrite, enrichie et, enfin, codifiée !
En effet, comme l’a précisé Mme la rapporteure, une quarantaine de réformes depuis 1945 ont rendu ce texte fondateur bien complexe, difficile à appréhender, y compris pour les professionnels, et parfois en incohérence avec le code pénal. Sur un aspect purement formel, le présent projet de loi est donc tout à fait bienvenu.
L’ordonnance de 1945 nous donne en héritage un socle de principes : la primauté de l’éducatif sur le répressif, la spécialisation des juridictions pour mineurs et l’atténuation de leur responsabilité pénale. Ce sont des principes fondamentaux qu’il était indispensable de ne pas perdre de vue : juger les mineurs, c’est avant tout trouver un équilibre délicat entre la nécessaire protection de la société et l’indispensable prise en compte de l’intérêt de l’enfant, ce citoyen en devenir. Un enfant est un enfant, et on ne peut pas lui prêter la même compréhension du monde qui l’entoure et de ses actes qu’un adulte. Ainsi, en cette matière, et peut-être plus que dans d’autres, gardons-nous des raisonnements simplistes et des jugements hâtifs.
Si l’enfant n’a pas la même compréhension du monde, il n’a pas non plus la même temporalité qu’un adulte. Lorsque l’on a cinquante ans, un an, c’est un cinquantième de sa vie ; lorsque l’on a dix ans, c’est un dixième, soit beaucoup plus. Six mois, douze mois, deux ans pour un adulte peuvent équivaloir à trois ans, cinq ans, dix ans pour un enfant. Bref, c’est long… C’est pourquoi le raccourcissement des délais et la création d’une césure avec une première audience sur la culpabilité dans les trois mois qui suivent le début de la procédure devraient apporter une véritable amélioration pour l’enfant jugé, mais aussi pour la victime, qui pourra ainsi voir sa demande prise en compte rapidement.