Intervention de Dominique Vérien

Réunion du 26 janvier 2021 à 21h30
Code de la justice pénale des mineurs — Discussion générale

Photo de Dominique VérienDominique Vérien :

Ce temps judiciaire long, c’est aussi un grand nombre de mineurs en détention provisoire. À la fin de l’année 2020, 80 % des mineurs détenus l’étaient en détention provisoire. Pour les majeurs, c’est de l’ordre d’un tiers. Cela pourrait laisser entendre que beaucoup de ces mineurs n’auraient pas dû passer par la case prison, ladite case n’étant pas, on le sait, le meilleur lieu d’éducation et de réinsertion.

Après cette première audience, si le mineur est déclaré coupable, viennent six à neuf mois de suivi éducatif devant lui permettre d’intégrer sa culpabilité et de comprendre la portée de ses actes et devant surtout permettre de prendre des mesures évitant toute réitération. C’est alors qu’interviendra une seconde audience, qui décidera de la sanction, en tenant compte du comportement et de l’implication de l’adolescent durant son parcours éducatif.

Nous ne pouvons que saluer cette volonté d’aller plus vite, monsieur le garde des sceaux. J’appelle cependant votre attention sur l’importance de donner à notre justice les moyens de vos ambitions ; je dirais même de nos ambitions ! En l’état actuel, il est à craindre que ces délais ne puissent pas être respectés, tout comme ils ont du mal à être tenus aujourd’hui.

Permettez-moi de prendre ici un exemple très concret : en vertu du troisième alinéa de l’article 12 de la loi du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines, les services de la protection judiciaire de la jeunesse sont tenus de prendre en charge le mineur ayant fait l’objet d’une décision judiciaire au plus tard cinq jours après. L’intention est louable. En pratique, les services convoquent bien les mineurs dans ce délai, afin d’être en conformité avec la loi, mais c’est seulement pour lui fixer un rendez-vous ultérieur, souvent un mois après, faute de moyens. La réalité des cinq jours, c’est trente-cinq jours ! Là encore, il y a un problème de temporalité. Simplement, il est lié non pas à l’âge des protagonistes, mais plus sûrement, à mon avis, à leur nombre, que ce soit coté mineurs ou côté PJJ.

Lors d’une audition, notre collègue Maryse Carrère vous a interrogé sur les moyens de la PJJ et le besoin de renforcement par rapport à la réforme. Vous lui avez répondu qu’il n’y aurait pas plus de mineurs et que le travail de la PJJ ne serait pas très différent. C’est juste ! Mais les difficultés de la PJJ resteront également les mêmes, et ce sera tout aussi compliqué pour eux d’accompagner les mineurs et de les prendre en charge dans un temps court, chose qu’ils ont du mal à faire aujourd’hui, si vous ne les aidez pas.

Alors, monsieur le garde des sceaux, au regard de l’ambition de ce texte, ne partons pas du principe qu’une fois de plus « l’intendance suivra » ! Donnons à notre justice les moyens humains et matériels – je pense ici, vous vous en doutez bien, à l’informatique – pour s’assurer du succès de cette réforme.

Je ne reviendrai pas sur la présomption simple de non-discernement pour les mineurs de moins de 13 ans. Voilà qui nous met en conformité avec le droit international. Je salue tout de même à ce sujet le travail de notre rapporteure – vous l’avez fait vous-même, monsieur le garde des sceaux –, qui apporte quelques pistes permettant de définir le discernement, afin d’éviter que, selon la juridiction dont dépend le mineur, voire selon le juge auquel il est affecté, la disparité du concept ne soit trop forte.

Je voudrais en revanche revenir sur le juge des libertés et de la détention. Paris n’est pas la France. La France est maillée – pourvu que ça dure ! – de petits tribunaux ne disposant pas de pléthore de juges des libertés et de la détention. Vous indiquez que nous n’avons pas beaucoup de juges des enfants non plus ; je pense que nous en avons tout de même un peu plus que de juges des libertés et de la détention.

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