Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est malheureusement pas la première fois que je viens devant vous pour défendre un texte relatif à l’état d’urgence sanitaire. Plus précisément, il s’agit du sixième texte soumis au Parlement à ce sujet en l’espace de seulement dix mois.
J’ai eu l’occasion de le rappeler la semaine dernière, lors de mon audition devant la commission des lois : les mesures de police sanitaire mises en œuvre depuis plusieurs mois permettent de limiter significativement la propagation du virus. C’est grâce au couvre-feu, au port du masque et à la limitation des rassemblements que nous pouvons éviter la saturation des services de réanimation et l’aggravation du bilan humain de cette pandémie, qui sévit depuis un an déjà.
J’ai conscience de l’extraordinaire effort demandé aux Français. Néanmoins, le covid-19 circule toujours activement en France, comme chez nos voisins européens et ailleurs dans le monde.
Au regard de la dynamique actuelle et de la diffusion progressive en France de différents variants dont la contagiosité serait plus importante, il convient de renforcer dès à présent les actions de freinage sur l’ensemble du territoire national.
Ce renforcement passe notamment ; par l’augmentation significative des capacités de séquençage génétique du virus et le déploiement de kits PCR dits « multiplex », ciblant les différents variants du virus connus à date – nous en avons déployés dès le week-end dernier, notamment dans les régions où l’épidémie est la plus active, y compris dans les territoires ultramarins ; par un renforcement des mesures de contact tracing lors de toutes les investigations de cas suspectés ou confirmés ; par des actions de renforcement de l’isolement, avec l’intervention d’infirmières à domicile, qui sont désormais opérationnelles, auprès des cas positifs aux variants.
L’état d’urgence sanitaire est déclaré depuis le 17 octobre 2020 sur l’ensemble du territoire national. À la demande du Gouvernement, le Parlement l’a prorogé jusqu’au 16 février 2021 par la loi du 14 novembre dernier.
Aujourd’hui, la situation sanitaire et l’évolution prévisible de l’épidémie de covid-19 nous conduisent à demander au législateur une prorogation de cet état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin 2021.
Je prends acte du fait que la commission propose une autre date ; nous allons en débattre.
J’entends les critiques relatives aux délais longs prévus par le projet de loi initial et je comprends le souhait, pour le Parlement, d’avoir des clauses de revoyure plus fréquentes. Je n’y suis pas défavorable. Peut-être trouverons-nous au cours de nos débats les chemins d’un accord entre les deux chambres.
D’ores et déjà, les travaux parlementaires ont conduit à la suppression de l’article 3. Les députés n’en voulaient pas et le Gouvernement les a entendus. Il n’a pas repris sa proposition d’étendre jusqu’au 30 septembre 2021 le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire.
Si les circonstances l’exigent, le Gouvernement se présentera donc devant le Parlement avant la fin de l’état d’urgence sanitaire, tel que prorogé par ce projet de loi, afin de déterminer le régime opportun pour gérer la situation après cette échéance.
La date du 1er juin 2021 nous paraît cohérente au regard de la dynamique de l’épidémie dans notre pays et chez nos voisins. De plus, elle ménage le temps nécessaire pour que la campagne de vaccination produise pleinement ses effets. Elle est également adaptée au calendrier parlementaire : elle nous permettra de revenir dans de bonnes conditions devant vous si la situation l’exige.
En outre, cette date permet au Parlement de continuer à se prononcer à des échéances régulières quant au maintien d’un régime dérogatoire guidé – je le rappelle – par le seul souci de garantir la protection de la santé des Français.
Le Gouvernement propose également de reporter au 31 décembre 2021 la caducité du régime d’état d’urgence sanitaire, actuellement fixée au 1er avril 2021 par l’article 7 de la loi du 23 mars 2020, introduit sur l’initiative de votre assemblée.
Je salue les travaux de votre commission des lois, qui ont permis de confirmer ce report.
Il n’est pas possible de se priver, à partir du 1er avril prochain, d’un cadre juridique dédié à la gestion des phases les plus critiques de la crise sanitaire. C’est le sens de l’article 1er du projet de loi.
Pérenniser dans le code de la santé publique les outils qui peuvent être utilisés en cas de crise sanitaire, tel était l’objet du projet de loi présenté le 21 décembre dernier en conseil des ministres. Ce texte a finalement été retiré de l’ordre du jour. Le Parlement l’examinera une fois que la crise sanitaire sera derrière nous.
À ce titre, le Gouvernement ne souhaite pas, à ce stade, modifier le régime juridique, mais il vous proposera que ces discussions aient lieu dans le cadre de l’examen du prochain projet de loi relatif à la gestion des crises sanitaires. Je pense notamment à l’intervention du juge des libertés et de la détention pour la prorogation des quarantaines et isolements, ou encore à l’exclusion de la réglementation des locaux à usage d’habitation.
Enfin, au sujet de la mise en œuvre des systèmes d’information institués pour lutter contre la propagation de l’épidémie, je note que votre commission des lois a retenu la date du 1er août 2021, plutôt que celle du 31 décembre 2021 proposée par le Gouvernement.
Les outils numériques sont essentiels à notre stratégie : « Tester, alerter, protéger ». Chaque fois qu’un résultat positif est enregistré par le logiciel Sidep, les équipes de l’assurance maladie et des ARS peuvent prendre contact avec la personne pour recenser les individus à risque et casser les chaînes de contamination. À cette fin, elles identifient les personnes qui ont pu être en contact, sans masque, avec les malades et les appellent pour les inviter à s’isoler.
Ce dispositif est en constante évolution : j’en veux pour preuve un récent décret, du 20 janvier 2021, qui permet la mise en place d’un contact tracing rétrospectif. Il s’agissait également d’une demande des parlementaires, en tout cas d’une requête relayée par le Parlement. Ce système, également appelé « tracing à la japonaise », permet d’identifier les lieux et situations à risque de contamination. S’y ajoutent un renforcement du contact tracing international et l’accompagnement sanitaire et social des personnes infectées ou susceptibles de l’être.
Un rapport contenant de nouveaux éléments quant à la mise en œuvre de ces systèmes d’information sera transmis au Parlement dans les prochaines semaines.
Toutefois, il ne fait aucun doute que ces dispositifs jouent un rôle crucial dans la lutte contre l’épidémie : il est indispensable de les maintenir pour une durée appropriée à la gestion de la crise sanitaire.
Imaginons que l’épidémie continue de circuler, même à bas bruit, en plein été. Si l’on devait supprimer dès le début du mois d’août prochain tous les outils qui permettent le contact tracing, en tant que ministre chargé de la gestion de cette crise, je serais extrêmement embarrassé. Nous ne pouvons pas nous priver d’outils comme Contact Covid ou Sidep et il serait impossible de revenir devant le Parlement à la fin du mois de juillet pour demander une prolongation de ces logiciels.
Par ailleurs, nous devons nous dire les choses telles qu’elles sont. J’espère de toutes mes forces que, d’ici au mois d’août, nous aurons pu vacciner un maximum de Français, mais je ne suis pas du tout convaincu que nous pourrons alors considérer la crise comme étant derrière nous. Voilà pourquoi nous ne devons pas désarmer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie des travaux que vous avez conduits depuis bientôt un an sur ce sujet. Je comprends la lassitude qui peut naître de la prorogation fréquente de telles dispositions. Je comprends aussi le souci qui vous guide de mieux encadrer ce régime d’exception.
Je le répète, je suis ouvert à la discussion sur les points que l’on peut encore aménager et qui sont susceptibles d’emporter votre confiance tout en nous permettant de lutter avec efficacité, dans la durée, contre cette épidémie !