La séance est ouverte à quinze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun aura à cœur de respecter les uns et les autres, ainsi que son temps de parole.
Par ailleurs, même si je sais que cette recommandation est devenue une sorte de réflexe, j’invite chacune et chacun à respecter les gestes barrières.
Je rappelle également que les sorties de la salle des séances devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle. Pour les membres du Gouvernement, celles-ci se feront par le devant de l’hémicycle.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous savons tous que quelque chose ne va pas.
L’année 2020 a été l’une des plus chaudes jamais enregistrées. Le réchauffement climatique est plus rapide et plus intense que prévu : nous dansons littéralement sur un volcan. Nous assistons aussi au lent déclin de la biodiversité et sommes à l’aube d’une sixième extinction.
Par ailleurs, les polluants continuent à s’accumuler dans la nature, notamment le plastique, véritable bombe à retardement. Les microplastiques sont partout, envahissent l’air, l’eau, les sols, et même les tissus vivants.
Le drame est que nous sommes responsables de ce qui nous arrive. Nous nous dirigeons collectivement droit dans le mur. En effet, nous avons fait si peu, voire même tout le contraire de ce qu’il fallait. Nous en sommes toujours à une logique de « ma voiture est plus grosse que la tienne » ; la consommation de vêtements a bondi de 40 % en quinze ans à peine ; la production de plastiques est exponentielle.
Les citoyens informés sont aujourd’hui prêts à adhérer à des mesures courageuses, comme en témoignent les cent cinquante membres de la Convention citoyenne pour le climat. C’est d’ailleurs l’un des mérites de cette convention de montrer que les citoyens sont prêts à relever le défi climatique.
Le changement climatique est une urgence mondiale selon le sondage du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) paru aujourd’hui.
Alors, n’est-il pas temps d’adresser un discours de vérité aux Français ? N’est-il pas temps de commencer à réparer le monde ? N’est-il pas de votre devoir de dire qu’une ville comme Nantes risque d’être inondée dans les prochaines années, que Toulouse étouffera sous les quarante-cinq degrés à l’ombre l’été, et que nos petits-enfants souffriront d’infertilité si nous ne faisons rien ?
Il est urgent d’empêcher les catastrophes annoncées. Ceux qui subiront les grands dommages liés à notre inaction sont déjà nés. Nous leur devons de rebâtir un horizon commun de civilisation.
Notre politique est-elle à la hauteur pour relever l’un des défis majeurs du siècle ? La stratégie nationale bas-carbone est-elle la feuille de route de tous les ministres ?
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la sénatrice Préville, la feuille de route du Président de la République et du Gouvernement sur la transition écologique est très claire : nous visons des objectifs de sobriété, de souveraineté, de solidarité et de soutenabilité dans toutes les politiques que nous déployons.
Cette feuille de route doit faire de la France un pays résilient, neutre en carbone – vous l’avez dit – et respectueux de la biodiversité.
Vous avez travaillé sur la programmation pluriannuelle de l’énergie instituée par la loi relative à l’énergie et au climat. Celle-ci a pour ambition de nous faire atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050, de nous faire réduire de 20 % la consommation finale d’énergie en 2030 par rapport à celle de 2012, de nous faire parvenir à l’objectif de 33 % d’énergies renouvelables en 2030 et, enfin, de nous permettre de ramener à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité.
Comme vous le savez, l’année 2021 sera également l’année de la biodiversité, avec l’organisation d’événements nationaux et internationaux. Nous récrirons ensemble la stratégie nationale pour la biodiversité pour les dix années à venir. Ce travail sera mené en partant des territoires et se fera réellement en lien avec les départements, les régions et les élus.
Nous avons un devoir de cohérence, qui implique que nous nous donnions les moyens de nos ambitions. Ces moyens sont très clairement réaffirmés dans le plan de relance, avec notamment un tiers des crédits dédiés à la transition écologique.
Nous exprimons également cette volonté au travers de notre politique de mobilité et de transports. Nous avons ainsi retranscrit ces objectifs dans la loi d’orientation des mobilités (LOM).
Cette politique s’incarne enfin dans le cadre de notre budget vert, qui est le premier au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Il s’agit donc d’une initiative exemplaire.
Nous défendons cette politique ambitieuse à Bruxelles, qu’il s’agisse de la finance verte, de la déforestation importée ou du plastique, enjeu que vous avez mentionné à juste titre.
Nous garantirons et affirmerons cette cohérence entre nos ambitions et nos moyens lors de la COP15 Biodiversité et de la COP26 sur le climat.
La Convention citoyenne pour le climat, qui a étudié ces questions, et dont les travaux seront soumis à votre examen, en est la preuve : nous devons coconstruire ces politiques. Je vous remercie en tout cas de votre attention à ce sujet.
Protestations sur des travées du groupe SER.
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le ministre, la santé, ce ne sont pas que les hôpitaux et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). C’est aussi tout un secteur médico-social qui intervient en amont et en aval des organes de santé plus traditionnels.
Ce sont des infirmières, des aides-soignantes, des aides à domicile ou encore des accompagnants éducatifs et sociaux qui s’estiment aujourd’hui déconsidérés car, si le Ségur de la santé a permis de nombreuses avancées, en consacrant notamment le principe du lieu de l’activité, il a aussi créé une profonde inégalité dans le monde de la santé et du social.
D’un côté, les personnels qui travaillent à l’hôpital ou dans les Ehpad ont droit à une prime. De l’autre, les soignants qui travaillent en maison d’accueil spécialisée ou en foyer d’accueil médicalisé et les aides à domicile n’ont droit à rien.
Chez moi, en Lozère, on en est arrivé à des situations ubuesques : ainsi, au sein d’une même association, certains salariés relevant du secteur sanitaire touchent la prime, tandis que ceux qui relèvent du médico-social ne la perçoivent pas : de quoi alimenter la colère de nombreux soignants !
S’agissant des aides à domicile, cette absence de reconnaissance est d’autant plus regrettable qu’un nombre considérable de nos aînés souhaitent être maintenus à domicile et que beaucoup ne peuvent pas assumer financièrement leur placement en maison de retraite. C’est d’autant plus insupportable qu’elles exercent souvent les mêmes missions que les personnels des Ehpad, mais avec moins de matériel spécialisé, et en consentant donc des efforts physiques plus importants.
Concernant les aides à domicile toujours, les organisations syndicales et les employeurs sont bien parvenus à un accord prévoyant une revalorisation de 15 % des salaires, mais la Commission nationale d’agrément et les services de l’État bloquent la mesure, de peur que les départements ne puissent en assumer le financement.
La conseillère départementale de la Lozère que je suis comprend la position des départements, car ceux-ci font face à une hausse de leurs dépenses sociales et ne pourront pas supporter cette charge. C’est pourquoi il revient à l’État d’apporter une solution en la matière. En effet, le risque à terme est une fuite du personnel en raison de trop bas salaires et de la fermeture de certains établissements, qui jouent pourtant un rôle majeur et évitent bien des hospitalisations.
J’ai pris l’exemple des soignants et des aides à domicile, mais c’est bien tout un pan du secteur médico-social, lequel a pourtant géré cette crise, qui se sent aujourd’hui déconsidéré.
Mme Guylène Pantel. Monsieur le ministre, dans le cadre de la nouvelle classification établie par le Ségur de la santé, vous avez créé deux catégories de soignants. Que comptez-vous faire pour mettre fin à cette inégalité et permettre à l’ensemble du monde soignant de bénéficier de la prime annoncée ?
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Madame la sénatrice Pantel, merci pour votre question qui me donne de nouveau l’occasion de saluer l’action déterminante de tous les acteurs du soin, du care, du « bien prendre en charge » en direction de nos concitoyens les plus fragiles, acteurs parmi lesquels il faut évidemment mentionner les salariés qui interviennent à domicile dans le cadre d’activités médico-sociales, mais également les aides à domicile.
Je vais essayer d’être le plus factuel possible. Votre question recouvre en réalité deux sous-questions.
La première porte sur ceux que l’on appelle les oubliés du Ségur de la santé, c’est-à-dire tous les salariés du soin du secteur médico-social.
Vous savez que nous avons demandé à Michel Laforcade de réaliser une mission visant à définir des pistes en vue d’une revalorisation des salaires. L’engagement du Gouvernement en la matière est clair depuis le début :…
Sourires.
… nous garantirons une hausse des revenus à toute cette catégorie de personnes qui, de façon un peu aberrante effectivement, comme vous l’avez dit, n’ont pas bénéficié des revalorisations décidées dans le cadre du Ségur de la santé, mais qui travaillent aujourd’hui aux côtés de soignants qui en ont, eux, profité. Ce n’est qu’une question de temps, et ce temps sera très court, madame la sénatrice, je peux vous l’assurer.
La seconde question a trait aux aides à domicile. Comme vous le savez, il s’est passé beaucoup de choses en ce qui les concerne.
D’abord, et à la demande des élus de tous bords, l’État et les départements se sont entendus pour leur attribuer une prime covid si bien que, en pratique, ce sont plus de 1 000 euros qui ont été versés aux aides à domicile dans plus de cent départements. J’ai rencontré nombre de ces professionnelles durant la crise et pendant le premier confinement : croyez-moi, à leur égard, cette prime n’est pas du tout usurpée.
Ensuite, nous avons engagé un travail sur la revalorisation du point d’indice : les négociations sont rouvertes pour intégrer dans la future grille indiciaire de la branche de l’aide à domicile, en plus des efforts consentis par les départements, les 200 millions d’euros débloqués de façon pérenne par l’État pour alimenter la branche autonomie.
Notre engagement de revaloriser les salaires de 200 millions d’euros est absolument inédit. Cet effort est justifié, et je n’ai aucun doute, compte tenu de toute l’attention que portent l’ensemble des élus aux aides à domicile, que nous parviendrons à un consensus et à un accord le plus rapide possible.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Quand lancerez-vous enfin l’autre campagne de vaccination que les Français attendent et réclament, celle pour lutter contre le « virus des inégalités » que le rapport de l’ONG Oxfam a, une fois de plus, mis en lumière ?
On connaît très bien l’un des remèdes à ce mal mondial des inégalités, qui n’épargne pas la France. Il est simple : il se nomme « justice fiscale ». On l’obtient grâce à un impôt juste et proportionné, un impôt redistributif qui cible les plus riches et, en priorité, les ultrariches. Or la France, à cause de votre bilan, est très mal classée au regard de l’indicateur servant à mesurer la progressivité de l’impôt, puisqu’elle est quarante-septième !
En septembre dernier, on estimait à plus de 50 milliards d’euros l’épargne constituée par les Français pendant le confinement. Désormais, on l’évalue à plus de 100 milliards d’euros. Mais quand 10 % des Français les plus aisés mettaient de côté 25 milliards d’euros, les plus modestes s’endettaient et grossissaient les files d’attente de l’aide alimentaire.
Quand les quarante-trois milliardaires français voyaient progresser leur fortune de 175 milliards d’euros entre mars et décembre dernier, on constatait une hausse de 8, 5 % du nombre de demandeurs du revenu de solidarité active (RSA) sur le territoire national – nous sommes nombreux ici à l’avoir observé.
La situation actuelle est certes le fruit de la pandémie, mais elle découle aussi de votre politique fiscale, jamais démentie depuis 2017.
Alors qu’attendez-vous, face à cette situation d’urgence, pour mettre en œuvre sans attendre les mesures propres à lutter contre les effets ravageurs des inégalités ? Il faut bien entendu augmenter l’aide aux plus démunis et les minimas sociaux, mais également revenir sur la taxation des ultrariches !
Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Madame la sénatrice Taillé-Polian, le rapport d’Oxfam souligne que la crise aggrave les inégalités, en montrant que les milliardaires ont retrouvé leur niveau de richesse d’avant-crise alors que, dans le même temps, la pauvreté risque de progresser avec la crise.
Comme le précise le rapport, l’une des raisons pour lesquelles le patrimoine des milliardaires s’accroît tient à la politique de rachat d’actifs de la Banque centrale européenne (BCE), qui a entraîné une hausse des cours boursiers.
Or c’est justement cette politique de rachat d’actifs qui a permis et permet encore aux États de s’endetter pour mettre en œuvre les mesures d’urgence, notamment celles de soutien au pouvoir d’achat des plus fragiles face à la crise.
Permettez-moi d’évoquer l’exemple des deux primes exceptionnelles créées à destination des plus pauvres en 2019. Je citerai aussi le plan Jeunes, les mesures de soutien budgétaire aux étudiants, le renforcement de l’aide alimentaire et de l’hébergement d’urgence.
Les aides monétaires ont permis de cibler en priorité les ménages les plus précaires au regard des niveaux de vie d’avant-crise, les deux tiers des ménages qui bénéficient de ces aides se situant parmi les 20 % des ménages les plus modestes.
Le premier outil pour lutter contre la pauvreté est le soutien à l’emploi : c’est ce que nous faisons avec le dispositif d’activité partielle, le fonds de solidarité qui permet à des centaines de milliers d’entreprises de se maintenir – je rappelle que près de 1, 9 million d’entreprises ont bénéficié de ce fonds en 2020 – et, enfin, le plan « 1 jeune, 1 solution ».
Notre politique pour faire face à l’urgence produit des résultats. Ainsi, l’Insee prévoit une quasi-stabilité du revenu disponible brut moyen des ménages pour l’année 2020.
De façon plus structurelle, notre système fiscal et social est très redistributif. Selon le rapport de France Stratégie de décembre 2020, les inégalités de revenus sont plus faibles en France que dans la plupart des pays voisins ; elles le sont encore davantage après redistribution grâce aux prestations sociales et à notre système fiscal. Il serait en tout cas illusoire de penser qu’une augmentation de la fiscalité sur les ménages…
M. Alain Griset, ministre délégué. … serait utile à l’amélioration des comptes publics.
M. François Patriat applaudit.
Quand je vous entends dire que la pauvreté « risque » de progresser, monsieur le ministre, je ne peux que constater le terrible fossé entre vos propos et la réalité sociale !
J’en suis vraiment désolée, monsieur Griset, mais la justice fiscale concerne aussi bien les PME que les ménages modestes : il est donc bien dommage que ce soit vous qui m’ayez répondu. D’ailleurs, vous le savez, pour plus de justice fiscale, il faudrait davantage aider les petites et moyennes entreprises et forcer les grandes entreprises à faire leur devoir : payer l’impôt !
Applaudissements sur les tr avées des groupes GEST et SER.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.
M. Jean-Pierre Decool. S’agissant d’une crise à l’évolution imprévisible, je me garderai bien de donner des leçons, encore moins de jouer au procureur dans un pays où ils sont si nombreux…
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Chaque jour, le Gouvernement nous abreuve de prévisions et de chiffres, tandis que les scientifiques et les autorités sanitaires alternent propos rassurants et déclarations alarmistes. Quant aux journalistes, ils rapportent, avec un recul de quelques minutes, l’ensemble de ces informations, amplifiant ainsi la cacophonie générale.
On ouvre puis on ferme des centres de vaccination, faute de doses. Lors de votre audition, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, vous avez annoncé que 15 millions de personnes seraient vaccinées avant l’été ; la semaine suivante, vous parliez de 70 millions de Français vaccinés d’ici à la fin août. Notre pays comptant à peine 67 millions d’habitants, 3 millions de Français se feraient donc vacciner deux fois.
M. le ministre rit.
Récemment, les autorités envisageaient de repousser l’administration de la seconde injection de trois semaines. Cette hypothèse est désormais écartée. En vérité, davantage que le retard réel ou non de notre pays dans la mise en œuvre de la vaccination, c’est l’absence de clarté de votre communication qui déconcerte et navre nos concitoyens.
Ayant été rapporteur d’une mission sénatoriale sur la pénurie de médicaments et de vaccins fin 2018, je me sens moralement investi.
Monsieur le ministre, oui ou non, disposons-nous d’un stock suffisant de doses pour poursuivre, lentement mais résolument, la campagne de vaccination engagée mi-janvier ? S’agit-il d’une pénurie de nature à interrompre cette première vague de vaccination ? Si tel est le cas, dans quel délai prévoyez-vous une relance, pour la première injection comme pour la seconde ? Enfin, la livraison de vaccins serait bloquée à cause de problèmes logistiques : qu’en est-il réellement ?
Ces questions, expression d’une angoisse, sont légitimes. Un effort de transparence sur les difficultés que vous rencontrez permettrait, en toute humilité, d’apaiser ce climat anxiogène dont je me fais ici l’écho.
Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains.
dans notre pays, plus que jamais, nous avons besoin de sérénité, de précision et de transparence. Je vais vous donner quelques exemples.
Tout d’abord, j’ai livré au public la liste précise des arrivages de vaccins qui, mois après mois, seront administrés à un certain nombre de millions de Français, tout en précisant bien que ces chiffres correspondaient au volume des commandes passées par l’Union européenne, et donc par la France, mais qu’ils reflétaient aussi le nombre de vaccins que nous avons achetés, si bien qu’ils relevaient également des décisions préalables des autorités sanitaires.
J’ai donc effectivement expliqué que nous avions de quoi potentiellement vacciner jusqu’à 70 millions de personnes d’ici à la fin du mois d’août. Plus de 130 millions de doses seront en effet disponibles sur le territoire national à la fin du mois d’août si tous les vaccins sont homologués et si les laboratoires respectent leurs engagements.
Vous le voyez comme moi, et vous l’avez souligné vous-même, le problème n’est pas logistique. Nous sommes déjà exposés aux difficultés d’approvisionnement de certains laboratoires. Nous faisons tout pour que ceux-ci respectent leurs engagements, faute de quoi cela posera en effet problème.
Vous l’avez mentionné, j’ai été auditionné la semaine dernière par la commission des lois. On m’a interrogé sur la nécessité de prolonger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin prochain. On m’a demandé si j’étais sûr que, d’ici à cette date, nous aurions vacciné tous les publics fragiles.
J’ai pris soin de répondre – vous pouvez regarder la vidéo – qu’entre 23 et 30 millions de Français pouvaient potentiellement être considérés comme public fragile et que, d’ici au début juin, je ne savais pas si nous aurions fini de vacciner toutes ces personnes, c’est-à-dire achevé de leur administrer les deux injections du vaccin, dont certaines sont distantes de plusieurs semaines.
Cette situation n’empêche pas du tout, par ailleurs, de compter sur des livraisons de vaccins nous permettant de vacciner toute la population d’ici à la fin du mois d’août.
Encore une fois, ces sujets sont complexes et font appel à de nombreux chiffres et données scientifiques. Je sais que vous le savez et que vous comprenez la nécessité s’imposant à nous parfois, au-delà de la transparence, d’expliquer les choses, ce qui prend un peu de temps. Je constate ainsi que les deux minutes de temps de parole qui me sont imparties sont déjà écoulées et que je n’aurai donc pas répondu à la totalité de votre question.
Sourires.
M. Olivier Véran, ministre. J’ajoute, monsieur le sénateur, que j’ai lu votre rapport sur la pénurie de médicaments : c’est un rapport de grande qualité sur lequel nous nous appuyons encore aujourd’hui pour prendre certaines décisions.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains.
Exclamations et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, lors d’un récent déplacement dans la région Grand Est, vous avez déclaré devant les élus de la Collectivité européenne d’Alsace ne pas avoir été convaincu par les grandes régions. Vous avez ajouté que vous étiez prêt à revenir sur le transfert des compétences vers cette collectivité.
Ces propos, qui nous interpellent, traduisent-ils une volonté plus générale du Gouvernement de réexaminer le périmètre des grandes régions et, par là même, la ventilation des compétences entre les collectivités ?
Au-delà de ce sujet, monsieur le Premier ministre, nous voulons savoir où en est le Gouvernement de l’une des réflexions dont il avait fait une priorité, celle sur des sujets aussi importants que la décentralisation, la déconcentration et la différenciation territoriale.
Vous le comprenez, il s’agit de questions essentielles pour nous, ici au Sénat, qui devaient se traduire par un projet de loi, le fameux projet de loi 3D, devenu projet de loi 4D.
Or, aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, dans la mesure où nous observons que, peu à peu, ce texte disparaît des radars de nos travaux parlementaires, nous avons tout simplement peur que le quatrième « D » ne soit celui de la déprogrammation.
Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Monsieur le sénateur Mathieu Darnaud, j’ai déjà eu l’occasion hier, à l’Assemblée nationale, de répondre à la première partie de votre question : la Collectivité européenne d’Alsace a été créée dans un cadre précis, qui ne prévoit ni le démantèlement de la région Grand Est ni la création de collectivités à statut particulier.
Il est vrai que le Premier ministre a déclaré ce que vous venez de rappeler sur le découpage des grandes régions. Au fond, il a dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas… §Mais je tiens à préciser qu’il a également indiqué qu’il n’y aurait pas de big-bang territorial, ce que nous avons constamment répété depuis le début de cette législature.
Quant à la deuxième question que vous posez, celle relative au projet de loi 4D, je rappelle que vous avez déjà voté ici, en première lecture, le projet de loi organique relatif à l’expérimentation et, donc, à la différenciation territoriale. Il était tout à fait normal que le texte soit d’abord examiné par le Sénat, car la Constitution le prévoit. Je vous remercie d’ailleurs de la large majorité qui s’est dégagée à cette occasion.
Ce texte sera discuté début mars par l’Assemblée nationale. Comme vous le savez, le calendrier actuel n’est pas encore complètement arrêté. Ce qui est certain, c’est que nous inscrivons en priorité à l’ordre du jour des assemblées les textes concernant la santé et la lutte contre la covid-19. Il faudra de toute façon faire un choix, car le calendrier est extrêmement chargé.
En tout cas, je suis déjà très contente – et je vous en remercie – du soutien que vous apportez à la loi 4D.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Mathieu Darnaud. Madame la ministre, nous attendrons de connaître le contenu de ce texte parce que ce que nous avons pu voir jusqu’à présent ressemble davantage à de petits matins qu’à un Grand Soir de la décentralisation et de la déconcentration.
Sourires sur les mêmes travées.
Nous jugerons sur pièces et attendrons. En effet, nous préférons tenir plutôt que courir et partir sur de nouvelles pistes, comme celles qui ont été évoquées par le Premier ministre.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question concerne davantage la recherche et la souveraineté que la stratégie vaccinale à proprement parler.
L’Institut Pasteur a annoncé l’abandon de son projet de vaccin. Ce renoncement est d’autant plus douloureux que cet institut a acquis, tout au long de son histoire, une réputation prestigieuse. Il s’agit de la deuxième déception française après le retard du laboratoire Sanofi.
Sans vouloir jouer les procureurs, mot à la mode
Sourires.
De ce double échec, nous pouvons tirer un constat évident : il n’existe pas de vaccin français opérationnel, alors que beaucoup d’autres pays ont réussi à faire aboutir un ou plusieurs de leurs projets.
Comment expliquer ce qu’il faut bien appeler une étrange défaite de la recherche et de l’industrie pharmaceutique françaises, que je taxerais d’étonnante, d’inquiétante et de révélatrice ?
Plusieurs questions doivent être abordées avec gravité.
Pourquoi nos laboratoires ont-ils fait cette erreur stratégique de sous-estimer les biotechnologies, et particulièrement l’ARN messager ? Pourquoi ont-ils préféré l’insécurité à l’innovation ? Est-ce la lourdeur de la réglementation française qui se révèle pénalisante ? Est-ce une question de moyens ? Nous disposons pourtant avec le crédit d’impôt recherche d’un dispositif incitatif pour les entreprises.
Monsieur le ministre, quelles leçons et quelles conséquences en tirez-vous en termes de souveraineté et de stratégie vaccinale à moyen et à long terme ?
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le sénateur Henno, tout d’abord, l’Institut Pasteur a été la première structure scientifique à séquencer le génome du coronavirus, et ce en quelques jours. Il a par la suite fait partager la séquence génétique du virus au monde entier.
Ensuite, l’Institut Pasteur a abrité au moins l’un des deux scientifiques ayant découvert l’ARN messager en tant que tel.
Enfin, l’Institut Pasteur développe de très nombreux projets de recherche fondamentale, de recherche appliquée et de recherche transverse, en lien avec des laboratoires du monde entier. Il continue d’ailleurs de développer plusieurs projets autour de médicaments qui pourraient être utiles demain dans le cadre de la lutte contre la covid-19, ainsi que de vaccins.
Ce n’est pas parce qu’un projet de recherche n’aboutit pas – en l’occurrence celui s’appuyant sur le vaccin contre la rougeole – qu’il faut considérer que l’Institut Pasteur a failli à sa mission.
De façon générale, puisque vous avez fait allusion à une intervention médiatique du Président de la République, faisons aussi l’éloge de l’audace. Encourageons les uns et les autres à entreprendre, à investir, à innover, à rechercher.
Rendez-vous compte de l’exploit qu’a représenté la découverte, non pas d’un, mais de plusieurs vaccins contre un virus inconnu il y a un an – en moins d’un an donc ! –, avec une force de production mondiale en mesure de sortir 1, 5 milliard de doses ! Cherchez dans l’histoire contemporaine ou lointaine un phénomène équivalent, une aventure scientifique et industrielle d’une aussi grande portée à l’échelon mondial…
Monsieur le sénateur, on peut regretter de ne pas pouvoir chanter « cocorico » et planter un drapeau bleu, blanc, rouge sur un vaccin – en tout cas pas aujourd’hui –, mais soyons vigilants : plusieurs travaux de recherche sont encore en cours.
On peut au moins considérer que l’Europe a fait son travail, puisqu’elle a commandé les vaccins pour tous les pays européens. Elle pense également aux pays du tiers-monde, qui n’ont pas forcément accès aux vaccins. Elle abrite aussi nombre d’entreprises, dont la fameuse société BioNTech.
On ne parle que de Pfizer, mais le vaccin, c’est aussi BioNTech et ses sites de production en Belgique, en Allemagne, et demain en France, qui permettent de protéger des centaines de millions de personnes chaque jour en Europe grâce à un vaccin efficace.
Encourageons la recherche et les chercheurs. Surtout, n’essayons pas de déterminer les responsabilités politiques ou scientifiques des uns et des autres lorsqu’un projet n’aboutit pas !
Dans le domaine du médicament, un projet de recherche sur cent aboutit, et l’on considère que ce ratio est bon. Aujourd’hui, en matière de recherche vaccinale, on est déjà bien au-delà : c’est une chance pour l’humanité !
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
M. Olivier Henno. Monsieur le ministre, vous nous expliquez que l’on peut gagner les 24 heures du Mans après avoir raté son départ… Il est vrai que cela peut arriver, mais pour que ce soit le cas, il faut de l’humilité, de la volonté et une stratégie adaptée. Il me semble qu’il reste encore beaucoup à faire !
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ma question s’adressait à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Hallucinants, vertigineux, indécents, tels sont les termes qui pourraient qualifier les constats dressés par l’ONG Oxfam dans son rapport annuel sur les inégalités. Comme le disent si bien ses auteurs, le monde est non seulement confronté au coronavirus, mais aussi au « virus des inégalités ».
Un seul chiffre pour illustrer cette incroyable réalité : pour notre pays, les milliardaires français ont vu leur fortune s’accroître de 175 milliards d’euros en 2020. C’est la troisième plus forte progression au monde, mais aussi l’équivalent de deux fois le budget de l’hôpital public en France. M. Bernard Arnault a même augmenté sa fortune de 44 milliards d’euros entre mars et décembre, un bond de 41 % !
Le lundi 25 janvier, le jour même de la publication de ce rapport, le Président de la République déclarait devant un parterre de dirigeants d’entreprises étrangers : « Nous ne ralentirons pas la réduction de l’impôt sur les sociétés, qui sera ramené à 25 % l’an prochain. Nous ne renoncerons pas à la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune. Et nous réduirons les impôts de production de 10 milliards d’euros par an […]. » Nous en conclurons donc que le remboursement de la dette, ce sera pour tous les autres !
Quand le Gouvernement va-t-il mettre à contribution ceux qui ont de plus en plus pour soutenir ceux qui ont de moins en moins ?
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Monsieur le sénateur Bocquet, à l’occasion de cette deuxième question sur le rapport d’Oxfam, permettez-moi d’essayer de détailler les premiers propos que j’ai tenus à ce sujet.
Depuis le début de ce quinquennat, le Gouvernement a massivement réduit les impôts sur les ménages. De 2018 à 2021, ce sont 22 milliards d’euros de fiscalité que nous leur rendons.
Nous n’avons pas oublié les ménages les plus modestes – loin de là ! Si on regarde les situations individuelles, on voit que, grâce aux différentes mesures mises en place par le Gouvernement en faveur du pouvoir d’achat, notamment la prime d’activité ou le dégrèvement de la taxe d’habitation, un couple locataire gagnant deux SMIC bénéficiera d’un supplément de revenus de 272 euros par mois.
Lorsque l’on additionne les mesures fiscales prises depuis le début du quinquennat et jusqu’à la crise sanitaire, l’effet redistributif est largement moindre – de l’ordre de 2, 5 fois moins – sur les 20 % les plus aisés que sur les autres ménages.
Notre politique fiscale a démontré son efficacité. Avant la crise, nous avions reconstruit notre compétitivité, enrayé l’exil fiscal et accéléré le retour en France de contribuables.
La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) permet de faire contribuer de manière spécifique les foyers les plus aisés aux charges publiques. Le Gouvernement n’envisage pas d’augmenter son taux.
Notre politique consiste à baisser les impôts, non à les augmenter, et ce pour tout le monde. C’est plus vrai encore dans le contexte actuel, qui appelle des mesures de soutien et de relance.
Par ailleurs, une augmentation de ce taux poserait a priori un problème constitutionnel. En venant s’additionner à l’impôt sur le revenu au taux maximal de 45 % et aux prélèvements sociaux de 17, 2 %, elle pourrait aboutir à une taxation globale considérée comme confiscatoire par le Conseil constitutionnel.
Ainsi, je peux aisément vous répondre que ce gouvernement a été au rendez-vous pour améliorer le pouvoir d’achat de l’ensemble des Français, tout en protégeant les plus vulnérables.
M. Éric Bocquet . Monsieur le ministre, y a-t-il quelqu’un à Bercy pour s’occuper des milliardaires ?
Rires.
Hier, au sommet virtuel de Davos, le Président de la République déclarait : « On ne sortira pas de cette crise sans combattre les inégalités. » Passez aux actes ! Rétablissez un ISF renforcé ! Taxez les dividendes ! Augmentez le taux de la taxe sur les transactions financières (TTF), aujourd’hui fixé à 0, 3 % ! Combattez résolument l’évasion fiscale, qui nous coûte des dizaines de milliards d’euros chaque année !
Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Ma question porte sur les relations transatlantiques et, plus particulièrement, sur celles qui lient la France et les États-Unis.
Nous avons été nombreux à saluer l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche le 20 janvier. Donald Trump, par ses excès, sa méconnaissance des enjeux géopolitiques – son désintérêt aussi, peut-être –, ainsi que par son agressivité, a exacerbé et suscité des tensions entre l’Europe et les États-Unis. Bien sûr, il faudrait évoquer de nombreux autres sujets s’agissant des États-Unis – l’Iran, la Palestine, etc. –, mais on ne peut pas tout couvrir en une seule question…
Certaines divergences stratégiques étaient certes antérieures à la présidence Trump, mais durant ces quatre dernières années, à notre grand regret, la relation transatlantique s’est effritée.
Le quarante-sixième président des États-Unis semble, lui, très attaché au multilatéralisme, et veut rétablir un dialogue étroit avec ses alliés européens. Il a notamment envoyé des signaux forts dès le début de son mandat, en renouant l’accord de Paris sur le climat.
Les premiers échanges entre le président Macron et son homologue américain ont permis de dessiner des points de convergence. C’est positif, car une alliance transatlantique forte contribuera au dénouement d’un certain nombre de dossiers multilatéraux.
Nous nous inquiétons toutefois de points de tension apparus au cours du mandat de son prédécesseur, qui ne vont pas disparaître du jour au lendemain : les tendances protectionnistes, la législation sur les géants du numérique, la taxe carbone aux frontières ou la tentation américaine d’imposer sa législation partout dans le monde.
Pourtant, nous en sommes convaincus, il est nécessaire que les États-Unis et l’Europe s’allient sur le plan commercial.
Monsieur le ministre, quelles initiatives la France pourra-t-elle porter pour rétablir des relations « normales » avec les États-Unis ? Plus largement, quelle vision voulez-vous pour la France, dans le choix des coopérations prioritaires à mettre en œuvre ? Quels premiers sujets seront inscrits sur votre agenda ?
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Vous l’avez souligné, monsieur le sénateur Yung, un nouveau chapitre de la relation transatlantique vient de s’ouvrir. Le Président de la République s’est longuement entretenu avec le président Joe Biden dimanche dernier et j’aurai moi-même l’occasion, tout à l’heure, de m’entretenir avec mon nouveau collègue Antony Blinken, confirmé par le Sénat américain hier soir – comme vous le voyez, les choses vont vite…
Nous constatons que les premiers gestes de l’administration américaine marquent un retour des États-Unis au multilatéralisme. Vous avez évoqué l’accord de Paris sur le climat, mais on peut mentionner, aussi, le retour au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la volonté de revenir dans l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien et – une nouvelle restée assez confidentielle, mais très importante – l’accord avec le président Poutine sur la prolongation pour cinq ans du traité New Start, permettant la maîtrise des armements nucléaires stratégiques.
Nous devons donc construire sur cette nouvelle base, et nous devons essayer de le faire également dans le domaine économique. Vous avez cité certains exemples. Il faut effectivement mettre fin à l’escalade tarifaire et revenir à la négociation pour gérer nos différends commerciaux, dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il faut aussi parvenir à un compromis sur la régulation des plateformes numériques, notamment sur la fiscalité appliquée à leurs activités.
Nous y travaillons et allons continuer d’y travailler ; ce sont les sujets que j’aborderai dans le cadre de mon entretien avec M. Blinken.
Je voudrais surtout vous dire qu’on ne peut pas parler d’une parenthèse de quatre ans… Depuis quatre ans, le monde a changé. L’Europe a changé. Elle n’est plus la même. Ce que nous devons faire, donc, c’est poursuivre la construction d’une Europe forte et souveraine. C’est la condition d’une alliance transatlantique et d’une Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) rééquilibrées et refondées, au mieux des intérêts de chacun, que nous devons, les uns et les autres, respecter.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Mme Anne Chain-Larché . Ma question s’adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, et je remercie les membres du Gouvernement présents de bien vouloir la lui transmettre.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Voilà quelques jours, M. Le Maire s’est opposé au rapprochement entre le groupe canadien Couche-Tard et le groupe Carrefour, au nom de la sécurité et de la souveraineté alimentaire. Si l’intention est bonne, car la crise que nous traversons révèle la perte de notre souveraineté économique, nous avons la désagréable impression que ce choix est surtout guidé par des intérêts politiciens, plutôt que par la volonté réelle de protéger les intérêts de la France.
Carrefour, c’est l’arbre qui cache la forêt des paradoxes du Gouvernement !
Comment expliquer que celui-ci affiche une fermeté sans faille au sujet de Carrefour, alors qu’en parallèle l’Europe signe un nouvel accord d’ouverture des marchés avec la Chine, accord ne garantissant pas les conditions d’une concurrence équitable ? Comment invoquer, la larme à l’œil, la souveraineté alimentaire tout en empêchant le Sénat de se prononcer sur la ratification du CETA, traité ouvrant nos frontières aux produits des fermes usines du Canada, avec des conséquences désastreuses pour une partie de notre production agricole nationale ?
Nous sommes nombreux à ne pas percevoir la rationalité de cette pensée très « complexe ». Pourtant, c’est un vrai sujet de souveraineté alimentaire, qui dépasse de loin le rachat d’un distributeur.
Voilà dix-huit mois que le Sénat attend de se prononcer sur le CETA. Mais contrairement à d’autres textes qui nous sont imposés à marche forcée, comme le projet de loi relatif à la bioéthique, …
Mme Anne Chain-Larché. … il semble s’être perdu sur le chemin de la navette parlementaire. M. le ministre Le Maire peut-il nous expliquer à quelle logique il obéit ? Quand va-t-il interroger le Sénat sur le CETA ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la sénatrice Chain-Larché, comme l’a indiqué Bruno Le Maire la semaine dernière, nous considérons que le rôle de l’État est de protéger et de veiller à la défense des secteurs stratégiques de la Nation. Or la crise sanitaire nous montre que la sécurité alimentaire des Français est un enjeu stratégique.
Nous devons distinguer l’État actionnaire de l’État régulateur. L’État n’a pas vocation à être actionnaire d’entreprises dans des secteurs autres que ceux de l’énergie nucléaire, des transports et de la défense, selon, là aussi, les déclarations de Bruno Le Maire. Son rôle de régulation de l’économie doit permettre de définir des règles économiques et défendre l’intérêt général.
Notre devoir est donc de protéger les entreprises qui engagent la sécurité du pays et des Français. Cela ne va pas à l’encontre de la ratification du CETA, bien au contraire !
Par ailleurs, nous ne devons pas confondre attractivité et vente au plus offrant du premier employeur du pays. L’attractivité doit permettre de faire venir en France des investisseurs étrangers qui participent à la création de valeur et d’emplois. Pour l’accroître, il faut des mesures de simplification et des mesures fiscales, ce que nous faisons depuis 2017. Les réformes engagées ont porté leurs fruits ; je peux notamment citer quelques exemples d’investissements canadiens en France.
Le Canada figure à la dixième place des investisseurs étrangers en France, à la quatrième pour les investisseurs des pays européens.
« Répondez aux questions ! » sur les travées du groupe Les Républicains.
À la suite du rachat de Bombardier Transport par Alstom, le constructeur français aura pour premier actionnaire la Caisse de dépôt et placement du Québec, actionnaire aux côtés de la SNCF et de Keolis.
« Le CETA ! » sur les mêmes travées.
avec un peu de patience, on y arrive, mesdames, messieurs les sénateurs… L’État protecteur, quant à lui, doit être à même de protéger ses entreprises et ses citoyens sur le plan de la sécurité alimentaire.
Aucune réponse à la question… Nous y sommes habitués ! Malgré tout, vous confortez ma première impression, monsieur le ministre. Le refus du rachat de Carrefour est un écran de fumée, un coup de communication facile qui accompagne, en pleine crise, la sortie du livre du ministre des finances.
Si vous voulez protéger la souveraineté alimentaire de la France, laissez nos entreprises décider de leurs alliances et laissez le Sénat donner son avis sur le CETA !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, je vais vous parler de la crise liée à l’influenza aviaire qui frappe le département des Landes, mais aussi le département du Gers – j’associerai d’ailleurs à mon propos mes collègues Éric Kerrouche et Franck Montaugé.
Vous êtes venu, et vous avez vu. Vous connaissez parfaitement la situation. Je donnerai néanmoins quelques chiffres, afin que chacun mesure ici l’ampleur du phénomène.
Les filières palmipèdes à foie gras et volailles maigres, ce sont plus d’un millier d’exploitations, 7 300 emplois directs pour la production et la transformation, et plus de 20 000 emplois au total, en comptant les emplois induits. C’est le deuxième pôle économique de notre département, pour un chiffre d’affaires de 438 millions d’euros.
À ce jour, 2 millions de bêtes ont été abattues. Je vous laisse imaginer la désespérance dans nos campagnes.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, passées les questions relatives aux opérations de dépeuplement et d’indemnisation des bêtes abattues, se posent celles de l’avenir.
Les producteurs vont connaître plusieurs mois d’inactivité. Le représentant de l’État nous a dit que le principe des indemnisations liées à ce vide sanitaire était acté. Pouvez-vous nous en donner le calendrier et les modalités, et nous confirmer que cela concernera tous les producteurs, y compris ceux qui subissent les dégâts collatéraux ?
Je réitère la question pour les entreprises de transformation. Celles-ci pourront-elles, de plus, bénéficier de la prise en charge au titre du chômage partiel, telle qu’elle existe aujourd’hui ?
Enfin, vous savez que se côtoient différents modèles de production. Nous sommes très attachés à la production de plein air. C’est l’ADN de notre département des Landes, de celui du Gers et des départements voisins, et c’est ce qui porte toute la filière.
Par quels moyens allez-vous soutenir tous les acteurs de la filière afin qu’ils trouvent les modalités de la poursuite de leur activité, sans avoir à subir tous les ans les conséquences de ces épisodes, sachant qu’il faudra éviter les solutions simplistes, telles que la claustration systématique, et néanmoins ne fermer aucune fenêtre de réflexion, comme la vaccination ?
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.
La situation à laquelle nous sommes confrontés est un épisode vraiment très sérieux d’influenza aviaire. Vous l’avez dit, madame la sénatrice Lubin, nous étions ensemble dans les Landes et dans le Gers – je salue à ce titre votre action, ainsi que celle de vos collègues Franck Montaugé et Éric Kerrouche –, ensemble aux côtés des éleveurs.
Je voudrais d’ailleurs commencer cette intervention en indiquant de manière très solennelle que tous les parlementaires, ici au Sénat et à l’Assemblée nationale, ainsi que l’ensemble des membres du Gouvernement, sont aux côtés des éleveurs dans cet épisode, à nouveau dramatique, que traverse la filière.
Que devons-nous faire ?
D’abord, malheureusement, nous n’avons d’autre choix que de procéder à ces dépeuplements. Comme vous l’avez souligné, près de 2 millions de canards ou de volailles ont été abattus, ce qui permet de contenir au maximum cette influenza aviaire.
En outre, et pour répondre à votre question, nous allons procéder à des indemnisations. Les indemnisations au titre du dépeuplement commencent d’ailleurs dès maintenant à être versées car j’ai souhaité que soit mis en place un système d’acompte, et non le traditionnel système d’évaluation a posteriori avec lequel, parfois, cette indemnisation pour dépeuplement était perçue six mois après.
Au-delà de ces mesures, qui concernent le dépeuplement, nous allons travailler à l’évaluation des pertes d’exploitation, pour les éleveurs mais aussi pour les entreprises impactées – ce qui répond très clairement à votre question. Dans ce cadre, comme vous le savez, nous devons également travailler au niveau européen, ces aides pouvant être considérées comme des aides d’État au marché.
Enfin, la question de l’« après » se posera effectivement. J’entends avoir une approche très pragmatique, en cherchant à savoir ce qui ne fonctionne pas dans les mesures de biosécurité et comment les renforcer, sans pour autant revenir sur les modèles. Pour prendre un exemple, je crois tout à fait au modèle du plein air. La question porte, non sur le modèle, mais sur les mesures de biosécurité et, bien évidemment, je vous associerai à cette réflexion.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le ministre, je veux vous alerter sur la situation très préoccupante liée à ce que l’on peut qualifier de « désertification pharmaceutique », affectant l’ensemble des officines, mais plus particulièrement celles de nos territoires ruraux.
Ce phénomène, qui accompagne la désertification médicale, aggrave le problème de l’accès aux soins de leurs habitants, notamment les plus âgés. Ces derniers peuvent, de ce fait, éprouver davantage de difficultés pour continuer de vivre à leur domicile, alors que la politique des pouvoirs publics vise à les y maintenir le plus longtemps possible.
Pour y remédier, plusieurs dispositifs sont prévus. Malheureusement, ils ne répondent pas à l’urgence de la situation, qu’il s’agisse des dispositions envisagées dans le cadre du décret relatif aux territoires fragiles, qui autoriseraient l’ouverture d’une officine dans une commune située dans un territoire reconnu comme tel, ou du dispositif permettant la réouverture d’une officine dans une commune qui en disposait déjà dans le passé.
Dans ces deux cas, il est uniquement question de transfert de licence, non de création d’officine. Surtout, ces dispositions ne visent que des communes dans des situations bien spécifiques, ce qui ne règle pas le cas de la plupart des petites communes rurales, les plus nombreuses et les plus exposées à ce phénomène.
De son côté, l’article 95 de la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite ASAP, prévoit la possibilité d’autoriser l’installation d’antennes de pharmacie rattachées à une pharmacie de proximité, dans le cas où la seule officine du village cesse son activité sans avoir trouvé de repreneur.
Cette mesure, que je salue, pourrait prendre la forme de pharmacies « mère-fille », comme je vous l’avais proposé dans une question écrite du 23 juillet dernier, restée à ce jour sans réponse. §Toutefois, sa mise en œuvre pourrait s’étaler sur plusieurs années pour aboutir, dans le meilleur des cas, à un système qui ne serait que provisoire et reste soumis à la décision des agences régionales de santé (ARS), au risque de disparités territoriales manifestes.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’aimerais connaître les mesures concrètes que vous entendez prendre dans les meilleurs délais, pour mettre fin à cette véritable hémorragie des praticiens de santé que sont les pharmaciens, lesquels, en cette période de pandémie, ont encore montré le rôle et la place indispensables qu’ils occupent dans notre territoire, au service de nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie, madame la sénatrice Richer, pour cette question orale. Je vous promets d’examiner également votre question écrite ; nous en recevons beaucoup et nous essayons, dans cette période particulière, de les traiter toutes.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Ce n’est pas une excuse, je le reconnais, mais je crois tout de même avoir signé pas loin de 18 courriers à destination de sénateurs avant de vous rejoindre. Je fais de même chaque semaine §et votre question écrite trouvera donc une réponse ! Je le dis sous le regard vigilant de notre ministre en charge des relations avec le Parlement, Marc Fesneau, qui est très attentif – à juste titre – à ce que les ministres répondent aux parlementaires.
S’agissant de l’organisation du réseau des pharmacies sur le territoire, vous avez raison de souligner l’importance de ce maillage pharmaceutique. Il est précieux, comme on l’a vu, d’ailleurs, pour la distribution des masques et la réalisation des tests antigéniques, et comme on le verra demain – je l’espère et le souhaite – pour la distribution de vaccins, voire la vaccination.
Les pharmaciens occupent une place de plus en plus importante dans notre système de santé. Ils s’en réjouissent, et je m’en réjouis également, car une réflexion était conduite depuis un certain nombre d’années sur l’évolution de ce métier.
Parfois, il s’agit – et cette remarque annonce la réponse que je vais vous donner – du dernier offreur de soins dans une commune donnée.
En effet, à mesure que l’on regroupe des médecins en maison de santé pluriprofessionnelle, à l’échelle, non pas des communes, mais des intercommunalités, que ce soit en territoire urbain ou rural, certains cabinets médicaux ferment. Auparavant, ils jouxtaient une pharmacie, qui se retrouve donc sans médecin prescripteur à proximité.
C’est pourquoi nous travaillons ardemment, par exemple avec le réseau des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), pour retisser du lien et des partenariats. C’est pourquoi a été votée voilà deux ans – au Sénat aussi, me semble-t-il – la possibilité d’obtenir des prescriptions dérogatoires par des pharmaciens, dans le cadre de protocoles préétablis.
Tout cela vise à conférer aux pharmaciens un rôle toujours plus important d’offreurs de soins à part entière dans notre système de santé et, ainsi, à conforter leur installation.
Au-delà, se posent toutes les questions liées aux dérogations, sur lesquelles je suis fréquemment saisi en tant que ministre de la santé.
Il faut le savoir, un nombre trop important de pharmacies dans un même endroit pénalise l’ensemble des pharmacies. Par ailleurs, le départ d’un médecin, par exemple un médecin regroupé dans une structure collective, a des conséquences sur la pharmacie située à proximité.
Parfois, les pharmacies dans les territoires ruraux connaissent moins de difficultés que celles qui, situées dans des grands quartiers urbains, voient un très grand groupe s’installer et racheter plusieurs officines pour créer une sorte de « super officine ». D’ailleurs, je n’y suis pas, à titre personnel, très favorable ; je crois vraiment à la proximité, à la pharmacie de quartier, avec un pharmacien connaissant bien les patients qui s’adressent à lui. Vous pouvez donc, madame la sénatrice, croire en mon engagement pour conforter son rôle dans la durée.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Mme Marie-Pierre Richer . Une pharmacie ferme tous les deux jours sur le territoire national, soit 200 pharmacies par an. Ce n’est plus de l’actualité, c’est de l’urgence. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ! N’attendons pas que la désertification pharmaceutique s’installe et prenne de l’essor, à l’instar de la désertification médicale.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Les agriculteurs attendaient avec impatience, ce 20 janvier, l’instruction des dossiers départementaux de reconnaissance des calamités agricoles, à la suite de la sécheresse de 2020. La réunion vient d’être reportée d’un mois.
Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, les paysans sont en colère. Ils le sont d’autant plus que l’administration semble avoir changé les règles de calcul des pertes d’exploitation, et la prise en compte des années de référence.
La terrible crise sanitaire que nous traversons ne doit pas nous faire oublier que la France connaît également, pour l’ensemble de ses filières, une grave crise agricole. C’est un immense « plan social » que connaît notre agriculture ! Pour exemple, 2 000 éleveurs bovins disparaissent chaque année. Des productions d’excellence françaises sont menacées.
Dans ce contexte, les agriculteurs, épuisés et découragés, n’acceptent pas qu’on les « achève » avec des contingences bureaucratiques et administratives, avec des réunions différées, avec des règles de calcul qui changent, avec des normes, des règlements et des doctrines.
Ils vont descendre dans la rue, car ils ont un besoin urgent et vital d’une indemnisation loyale des calamités agricoles.
Monsieur le ministre, après les espoirs déçus de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, la loi Égalim, alors que les inquiétudes concernant le CETA subsistent, que les agriculteurs se sentent lâchés et lynchés, avez-vous la volonté que l’instruction des dossiers de calamité agricole se tienne de toute urgence, sans en changer les règles ?
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Je suis désolé, madame la sénatrice Sollogoub, mais je ne peux pas vous laisser tenir de tels propos sur notre action. Je crois que je n’ai plus à démontrer à quel point nous faisons preuve, parfois, d’un grand courage politique pour aider le monde agricole, auquel nous sommes tellement attachés.
Aujourd’hui, nous avons à relever un certain nombre de défis et la mère des batailles – j’enlève ici mon habit de ministre de l’agriculture pour prendre celui d’ingénieur agronome –, c’est la question de l’eau.
Trop souvent, depuis des années, on a mis cette question sous le tapis et nous nous sommes tous perdus dans d’autres sujets concernant le monde agricole. Pourtant, c’est la question essentielle !
Depuis que l’homme est sédentaire, dès que l’on parle gestion de l’eau, on en vient systématiquement à des questions de conflits autour de cet usage. Voilà pourquoi il est beaucoup plus facile de mettre le sujet sous le tapis. Moi, je n’ai pas l’intention de le faire !
Oui, quand il y a ces épisodes de sécheresse, il faut indemniser. Il s’avère que le comité auquel vous faites allusion s’est bien tenu en janvier, mais que les cas étaient si nombreux qu’il a fallu prévoir une deuxième session. Il y a donc eu un comité en janvier, et il y en aura un en février, au sein duquel sera traitée la situation du département de la Nièvre.
Autrement dit, ce n’est plus occasionnel ; c’est récurrent. Voilà la réalité ! Ce n’est pas une question de lourdeur administrative… Moi, je soutiens notre administration. Je peux vous dire que, dans les territoires, des hommes et des femmes se battent pour nos agriculteurs. Cet « administration bashing »est insupportable ; mettons-y un terme !
Au-delà de ces indemnisations, il faut prendre le problème à la racine.
Un, il faut développer les retenues d’eau. C’est difficile, compliqué, et cela demande du courage politique. Cela demande même, mesdames, messieurs les sénateurs, du courage politique aux niveaux national et local, et vous le savez bien !
MM. Bruno Retailleau et Philippe Mouiller opinent.
Combien sont-ils ceux qui vont manifester sur les retenues d’eau, ici ou là, pour en faire des éléments de campagne électorale ? C’est insupportable ! Donc, même si c’est difficile et si cela nécessite de la concertation, il faut le faire !
Deux, il faut accompagner nos agriculteurs. Ainsi, le plan de relance prévoit une ligne de 100 millions d’euros pour les aider à investir. Notre volonté est forte en la matière.
N’oublions pas, chaque fois, de revenir à la racine des problèmes, et la racine des problèmes, c’est la question de l’eau. Nous allons la traiter. Nous le ferons avec force et courage, et avec vous !
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, et partage totalement votre conviction. Je siège au Comité national de l’eau et travaille sur tous ces sujets. Mais je vous parle de trésorerie… Je sais que le plan de relance prévoit des lignes de crédits d’investissement. Ce qui m’occupe, ici, c’est la trésorerie, dont les agriculteurs ont besoin de façon urgente !
Par ailleurs, si la moitié des dossiers ont été instruits, pourquoi les agriculteurs s’inquiètent-ils d’un changement éventuel des règles du jeu ? J’entends aussi ce qu’ils me font remonter…
Nous avons besoin, tous ensemble, de travailler sur la gestion de l’eau, sachant que certaines demandes formulées par les agriculteurs dans ce cadre sont difficiles à traiter. Mais il y a un sujet très urgent sur la table – la trésorerie –, et je vous remercie de comprendre l’urgence de ce dossier.
Applaudissements sur des travées du groupe UC.
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous alerter sur la situation des communes de montagne et, plus largement, des communes touristiques.
La fermeture prolongée des remontées mécaniques, je tiens à vous le redire, n’impacte pas seulement les entreprises liées au sport d’hiver. C’est tout un écosystème qui s’écroule, et les finances des communes avec. La saison 2020-2021 sera non pas blanche – malgré la neige abondante –, mais bien noire.
Au-delà, toutes les communes touristiques de notre pays sont impactées par cette crise.
L’effondrement de leurs recettes particulières – et cela vaut pour les départements –, comme celles des remontées mécaniques – taxes, affermage, régies –, comme la collecte de la taxe de séjour ou les recettes tirées de la présence d’un casino, mais aussi de leurs loyers locatifs ou de leurs recettes de stationnement, les met d’ores et déjà en grande difficulté au niveau de leur budget de fonctionnement et obère toute capacité d’investissement.
Si le Sénat a été en partie entendu, avec la reconduction du filet de sécurité pour le bloc communal, cela reste insuffisant. Dans ce mécanisme destiné à « limiter la casse », les recettes des régies municipales ont été exclues par le Gouvernement. Par ailleurs, la prise en compte des baisses de recettes agrégées en un panier global entraîne des sous-évaluations importantes. Je citerai l’exemple d’une commune qui, pour compenser 1 million d’euros de pertes en 2020, n’a reçu jusqu’à présent que 215 000 euros d’indemnisation.
La conséquence de ces moindres ressources pour tous sera un engrenage infernal, avec moins d’investissements et de travaux privés et publics, donc moins d’emplois.
Aussi, monsieur le Premier ministre, s’agissant de ces collectivités de zones touristiques que les dispositifs de péréquation classent souvent parmi les plus riches, ne pensez-vous pas qu’il serait opportun, à côté de mesures de soutien plus fortes, de leur faire confiance, de les exonérer de leur participation aux dispositifs de péréquation et de leur permettre d’en investir le montant dans la relance de l’activité économique sur leur territoire ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme la sénatrice Berthet, je comprends, bien sûr, l’émotion que vous exprimez en tant qu’élue de la Savoie. Nous savons tous que la montagne est mise à rude épreuve cette année, entre la baisse des taxes payées par les vacanciers et les pertes de recettes des remontées mécaniques, ainsi que vous l’avez rappelé.
Vous l’avez également souligné, plusieurs mesures ont déjà été prises par l’État. Ainsi, le filet de sécurité sur les recettes fiscales et domaniales qui valait pour 2020 vaudra pareillement pour 2021, la mesure ayant été adoptée dans le cadre de la dernière loi de finances.
Je précise à cet égard que la taxe de séjour et la taxe sur les remontées mécaniques sont intégrées à la compensation. Les syndicats qui perçoivent seulement de la taxe sur les remontées mécaniques ont été intégrés, sur proposition du Parlement.
Enfin, la taxe de séjour est prise en compte sur le seul exercice 2019, et non par rapport à la moyenne 2017-2019, ce qui a pour conséquence de favoriser les communes touristiques.
Par ailleurs, il existe des aides plus sectorielles. Ainsi, les salariés des régies autonomes de remontées mécaniques et des domaines skiables sont éligibles à l’activité partielle depuis une ordonnance du mois de mars. Ceux des régies thermales le sont aussi depuis décembre.
Le Gouvernement s’est engagé à compenser les pertes d’activité des exploitations de remontées mécaniques, même lorsque celles-ci sont gérées en régie, et dans les conditions qui s’appliquent aussi au privé. Le dispositif est en cours de finalisation.
Enfin, vous m’interrogez sur le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Madame la sénatrice, vous le savez, les taxes liées à l’activité touristique ne sont pas intégrées à ce fonds. De fait, et il en est toujours ainsi, dispenser certaines communes de leur contribution à ce fonds pénaliserait évidemment les plus pauvres d’entre elles, comme il s’en trouve aussi dans les zones de montagne.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, depuis deux ans, un pays, la Guinée, est pris en otage par la volonté de son président de s’offrir un troisième mandat. En 2020, plus de 250 personnes ont trouvé la mort dans des violences politiques, des centaines ont été raflées et placées en détention. Pendant ce temps, quelques rapaces gagent les richesses du pays, principalement la bauxite, exploitée comme jamais, et ce sans bénéfice pour la population, bien au contraire.
Très réservées sur le processus électoral, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union africaine ont pesé au printemps pour un report des élections législatives et du référendum constitutionnel. Elles ont appelé à l’apaisement et au dialogue. La trajectoire du locataire de Sékhoutoureya, M. Alpha Condé, n’a pourtant pas varié.
Le 18 octobre s’est tenue l’élection présidentielle. Des centaines de personnes sont aujourd’hui incarcérées, dont les responsables de l’opposition Chérif Bah et Ousmane Gaoual Diallo, qui ont documenté des fraudes avérées lors du scrutin. Ces derniers ont mis plus d’un mois pour avoir accès à un juge, tandis que leurs avocats français ne peuvent les voir dans leur prison.
Entre répression et prédation, les jeunes de Guinée ne voient pas d’avenir pour eux dans leur pays. Celui-ci était récemment le quatrième pays d’origine des demandeurs d’asile en France et le premier pays d’origine des enfants étrangers non accompagnés.
En outre, depuis le début et la fin du second mandat d’Alpha Condé, les départs ont augmenté de plus de 300 %. La situation actuelle pourrait s’avérer désastreuse, compte tenu de la résolution de la jeunesse à quitter ce cauchemar.
Nous avons noté, dans l’interview donnée par Emmanuel Macron à Jeune Afrique, la dureté de ses propos sur la Guinée. Nous avons noté la différence de ton du Président de la République entre la lettre de félicitations à Alassane Ouattara et celle qu’il a adressée à Alpha Condé, dans laquelle il se contente de prendre acte d’une situation de fait. Mais ces prises de position s’accompagnent-elles d’actes ?
Monsieur le ministre, il y a urgence à inciter à la mise en place d’un réel dialogue politique dans le pays. Faute d’un tel dialogue, compte tenu de la situation, quelles sanctions pourraient-elles être envisagées à l’encontre des responsables de la répression, de l’exacerbation des violences communautaires, des prédations, qui conduisent certains à vouloir quitter leur lieu de vie devenu invivable aujourd’hui ?
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le sénateur Leconte, le 7 novembre dernier, la Cour constitutionnelle guinéenne a confirmé la victoire de M. Alpha Condé dès le premier tour de l’élection présidentielle. Comme vous l’avez dit justement, nous en avons pris note.
En amont du processus électoral, vous l’avez rappelé, la France et l’Union européenne ont à la fois exprimé leurs interrogations sur le déroulement du processus électoral, mais aussi condamné les violences qui ont éclaté à la suite de ce scrutin.
À plusieurs reprises, nous avons marqué la nécessité d’un dialogue politique interne entre les autorités et l’opposition afin de permettre une réconciliation de tous les Guinéens, qui méritent aujourd’hui un climat politique apaisé, ce qui n’est pas le cas.
J’ai eu l’occasion de le dire moi-même au président Alpha Condé il y a peu de temps, lors de l’installation du président Akufo-Addo à Accra, et le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne le lui a rappelé lors de son investiture.
Nous estimons aussi qu’il importe d’être très vigilant sur le respect des droits de l’homme, et nous condamnons la poursuite des détentions hors procédure judiciaire d’opposants. J’ai ainsi décidé de faire bénéficier M. Diallo, que vous connaissez, de la protection consulaire. Ce membre de l’opposition qui a été incarcéré est en effet actuellement auditionné par la justice, alors qu’il connaît de graves soucis de santé.
Il est donc de la responsabilité du président Condé de prendre les initiatives nécessaires. Avec l’Union européenne, nous avons demandé aux autorités de Guinée de faire toute la lumière sur les événements qui se déroulent en ce moment. Si tel n’était pas le cas, il s’ensuivrait d’éventuelles mesures.
Parallèlement, nous voulons néanmoins poursuivre notre aide auprès de la population guinéenne pour qu’elle ne soit pas deux fois victime de ces comportements.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, il est temps que vaccination rime avec anticipation. Dans deux jours, le vaccin mis au point par le laboratoire AstraZeneca devrait obtenir son autorisation de mise sur le marché. La Haute Autorité de santé désignera, alors, la part de la population pour laquelle le vaccin sera indiqué. La France devrait recevoir environ 20 millions de doses, dont la livraison serait échelonnée entre février et avril, permettant de vacciner 10 millions de nos concitoyens en trois mois.
Ce vaccin a pour avantages des conditions de conservation classiques et des modalités de transport qui ne posent pas de difficulté. Si personne ne conteste la mise à disposition des vaccins à ARN messager dans les centres hospitaliers et dans les centres de vaccination, pensez-vous vous appuyer sur le circuit pharmaceutique, exemple d’aménagement du territoire national – M. le ministre de la santé a rappelé précédemment l’intérêt de ce réseau –, pour la distribution de ce nouveau vaccin ?
Au nom de la transparence, pouvez-vous nous confirmer le nombre de doses commandées auprès du laboratoire AstraZeneca ? Ce vaccin sera-t-il réservé au circuit de ville, ou bien est-il destiné à compenser les doses non reçues de Pfizer et de Moderna ? Ferez-vous confiance aux professionnels de santé de proximité incarnés par le trio médecins-infirmiers-pharmaciens, lequel est au plus près des patients ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la sénatrice, je vous confirme mon intention très forte de m’appuyer sur l’ensemble du réseau des professionnels de santé en ville et à l’hôpital pour mener la campagne vaccinale. Si le vaccin Pfizer ou le vaccin Moderna, compte tenu de leurs conditions de conservation et d’utilisation et de la nécessité d’une surveillance médicale de quinze minutes sur place après la vaccination, ne permettaient pas d’exploiter pleinement la richesse de notre maillage pharmaceutique et médical, et dès lors qu’un vaccin comparable au vaccin antigrippal existerait, nous aurions tort de nous priver de ces ressources et de ces compétences. Rappelons que, dans le cadre de la campagne de vaccination antigrippale, près de 1 million de personnes peuvent être vaccinées par jour.
J’attends désormais les recommandations de l’Agence européenne des médicaments (EMA). On ne peut pas me reprocher de ne pas anticiper la décision qu’une agence sanitaire européenne n’a pas encore donnée !
Pas plus, madame la sénatrice, qu’on ne peut me reprocher – même si l’on peut, et j’en ai l’habitude, tout me reprocher au final
Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains. – Rires.
… de ne pas anticiper sur les décisions que prendra la Haute Autorité de santé dans trois ou quatre jours. Vous comprenez bien que je ne peux pas aller plus vite que la musique !
En revanche, je puis vous garantir que tous les scénarios sont sur la table. D’ailleurs, au cours de mon trajet en voiture pour venir au Sénat, je me suis entretenu avec la présidente du conseil de l’Ordre national des pharmaciens : le réseau est totalement prêt.
Je suis davantage préoccupé – je le dis ici sachant que mes propos sont publics – par la capacité du laboratoire AstraZeneca à tenir ses engagements de livraison.
Acte I : AstraZeneca nous informe qu’au lieu de recevoir 3, puis 4 millions de doses, respectivement en février et en mars, nous en recevrons 2 millions, puis 2, 5 millions.
Acte II : finalement, sur les 2 millions de doses devant être livrées au mois de février, 400 000 le seront dans un premier temps, puis 700 000, puis un million à la fin du mois. Il en est ainsi pour la France et les autres pays européens.
Acte III : AstraZeneca, convoqué ce matin devant des responsables de l’Union européenne, a, semble-t-il, quitté la réunion. En général, ce n’est pas très bon signe.
Acte IV : j’ai appris, au cours de cette séance de questions d’actualité au Gouvernement, qu’AstraZeneca aurait communiqué sur son incapacité à fournir davantage qu’un tiers ou un quart des doses à l’Europe d’ici à la fin du premier trimestre.
C’est la raison pour laquelle, madame la sénatrice, je me suis voulu prudent, la semaine dernière, en affirmant que je n’étais pas certain que les publics fragiles pourraient tous être vaccinés avant l’été. Factuellement, je le rappelle, nous avons passé des commandes, et les fabricants de vaccins se sont engagés contractuellement à fournir aux États les vaccins qu’ils produisent.
Madame la sénatrice, je suis, comme vous, dans l’attente des décisions des autorités européennes, tout comme j’attends de l’ensemble des laboratoires qu’ils respectent les engagements qu’ils ont pris devant la Commission européenne.
M. Alain Richard applaudit.
Monsieur le ministre, je ne vous fais pas de procès par anticipation ; je dis simplement qu’il faut réfléchir, par anticipation, à la distribution du vaccin AstraZeneca, lequel ne présente ni difficulté de transport, ni difficulté de logistique, ni difficulté de conservation.
Je me réjouis que vous pensiez aux professionnels de santé pour assurer la distribution de ce médicament. Encore une fois, les 21 000 officines pharmaceutiques que compte notre pays – chiffre à rapprocher des 900 centres de vaccination – sont au plus près des territoires.
Que vous fassiez confiance, c’est très bien ; je sais bien que vous ne produisez pas vous-même les vaccins et je n’ignore pas la complexité de ce dossier. En tout cas, et je le redis, vaccination doit rimer non seulement avec anticipation – il faut avoir plusieurs plans en tête ! –, mais également avec raison.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Mes chers collègues, comme vous le savez toutes et tous, les communes et les intercommunalités souffrent. Des aides significatives ont été promises, mais il ne semble pas qu’elles aient été encore toutes perçues par les communes et les intercommunalités.
La crise sanitaire a affecté lourdement les recettes communales et intercommunales. Ces dernières sont largement affectées par l’absence d’activité. C’est vrai de toutes les communes et intercommunalités, mais particulièrement de celles qui vivent du tourisme ou de recettes domaniales.
Comme cela a été dit précédemment, le manque à gagner concerne aussi bien les centres nautiques que les locations de salles polyvalentes, ou encore des gîtes et des auberges communales dont les gestionnaires ne peuvent plus assumer les charges, faute de clients. Les effets de la crise sanitaire sur les finances locales sont donc profonds et durables.
Dans ces conditions, pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quand les communes toucheront enfin les aides promises, notamment pour l’achat de masques commandés, payés et livrés en 2020, ainsi que pour la compensation des pertes de recettes fiscales, domaniales et tarifaires ? Selon quelles modalités et quel calendrier ces aides seront-elles apportées à nos collectivités, qui sont dans l’attente ?
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Monsieur le sénateur Arnaud, depuis le printemps dernier, le Gouvernement a pris de nombreuses mesures pour soutenir les communes et les intercommunalités.
Je les rappelle très brièvement : le filet de sécurité, qui vient d’être reconduit pour 2021 ; des dotations supplémentaires pour les services de transport, mais aussi – vous n’en avez pas parlé, mais je le signale au passage – pour les départements.
Dès juillet, nous avons ouvert 1 milliard d’euros supplémentaires au titre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et des garanties de recettes pour les investissements.
Nous avons autorisé les communes à étaler sur cinq ans les surcoûts liés à la crise, tandis que nous avons ouvert des cofinancements pour les masques.
Monsieur le sénateur, vous dites que des subventions, ou des aides, ont été promises. Or elles n’ont pas seulement été promises, elles sont versées ; mais vous savez comme moi que ce versement a lieu en deux fois.
Vous connaissez le mode de fonctionnement des collectivités territoriales : après la phase d’évaluation, il faut attendre le vote des comptes administratif et de gestion pour que les communes et les intercommunalités perçoivent, au titre de l’exercice fiscal en cours, les financements qui leur sont dus. À ce jour, nous avons déjà versé 122 millions d’euros d’acompte pour compenser les pertes de recettes communales, notamment, en ce qui concerne votre département, celles qui sont liées à une moindre perception des taxes de séjour et à la baisse des recettes des remontées mécaniques.
Ces garanties seront donc actualisées après que les comptes administratifs auront été clôturés.
À notre connaissance, puisqu’elles nous l’ont fait savoir, 70 collectivités ont choisi d’étaler des charges covid sur plusieurs années.
Par ailleurs, 14 500 demandes de remboursement de masques ont déjà été honorées sur un total de 16 000 ; les autres demandes sont en cours d’instruction, le paiement devant intervenir dans les prochaines semaines.
Enfin, sur le milliard d’euros supplémentaire au titre de la DSIL, 571 millions d’euros ont été décaissés.
Vous pouvez le constater, les versements ont été nombreux.
Par ailleurs – c’est peut-être difficile à entendre, compte tenu de la crise que nous vivons –, les communes sont dans une situation bien moins mauvaise que ce que l’on pouvait imaginer.
Nous serons toujours là pour aider les communes si elles sont en difficulté.
M. le président. Vous avez bénéficié du fonds de péréquation du temps !
Rires et applaudissements.
Madame le ministre, je vous remercie de ces précisions. Nous le savons, des aides ont été apportées ; il n’en demeure pas moins que leur liquidation pose problème dans certains départements, probablement pour les questions comptables auxquelles vous avez fait allusion – compte administratif pas systématiquement voté ou compte de gestion pas arrêté –, mais aussi, probablement, en raison de difficultés avec l’administration des finances publiques et dans le suivi d’un certain nombre de dossiers dans le réseau des trésoreries.
Par ailleurs, je crois savoir que M. le Premier ministre organise une réunion avec des acteurs de la montagne lundi soir prochain. Or il subsiste des difficultés pour un certain nombre de dispositifs. Je pense, par exemple, aux stations de sports d’hiver dont les parkings, gérés sous la forme d’un service public industriel et commercial (SPIC), ne comptent plus aucun client aujourd’hui ; aucune compensation n’est prévue à ce jour.
De la même façon que nous avons été reçus voilà quelques jours à l’Élysée, j’invite M. le Premier ministre à associer une délégation de sénateurs à ces travaux prévus lundi prochain. Je ne doute pas que nous y serons associés, intelligemment et efficacement, dans un souci de sagesse et de coconstruction.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 3 février 2021, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.
J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce texte ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est malheureusement pas la première fois que je viens devant vous pour défendre un texte relatif à l’état d’urgence sanitaire. Plus précisément, il s’agit du sixième texte soumis au Parlement à ce sujet en l’espace de seulement dix mois.
J’ai eu l’occasion de le rappeler la semaine dernière, lors de mon audition devant la commission des lois : les mesures de police sanitaire mises en œuvre depuis plusieurs mois permettent de limiter significativement la propagation du virus. C’est grâce au couvre-feu, au port du masque et à la limitation des rassemblements que nous pouvons éviter la saturation des services de réanimation et l’aggravation du bilan humain de cette pandémie, qui sévit depuis un an déjà.
J’ai conscience de l’extraordinaire effort demandé aux Français. Néanmoins, le covid-19 circule toujours activement en France, comme chez nos voisins européens et ailleurs dans le monde.
Au regard de la dynamique actuelle et de la diffusion progressive en France de différents variants dont la contagiosité serait plus importante, il convient de renforcer dès à présent les actions de freinage sur l’ensemble du territoire national.
Ce renforcement passe notamment ; par l’augmentation significative des capacités de séquençage génétique du virus et le déploiement de kits PCR dits « multiplex », ciblant les différents variants du virus connus à date – nous en avons déployés dès le week-end dernier, notamment dans les régions où l’épidémie est la plus active, y compris dans les territoires ultramarins ; par un renforcement des mesures de contact tracing lors de toutes les investigations de cas suspectés ou confirmés ; par des actions de renforcement de l’isolement, avec l’intervention d’infirmières à domicile, qui sont désormais opérationnelles, auprès des cas positifs aux variants.
L’état d’urgence sanitaire est déclaré depuis le 17 octobre 2020 sur l’ensemble du territoire national. À la demande du Gouvernement, le Parlement l’a prorogé jusqu’au 16 février 2021 par la loi du 14 novembre dernier.
Aujourd’hui, la situation sanitaire et l’évolution prévisible de l’épidémie de covid-19 nous conduisent à demander au législateur une prorogation de cet état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin 2021.
Je prends acte du fait que la commission propose une autre date ; nous allons en débattre.
J’entends les critiques relatives aux délais longs prévus par le projet de loi initial et je comprends le souhait, pour le Parlement, d’avoir des clauses de revoyure plus fréquentes. Je n’y suis pas défavorable. Peut-être trouverons-nous au cours de nos débats les chemins d’un accord entre les deux chambres.
D’ores et déjà, les travaux parlementaires ont conduit à la suppression de l’article 3. Les députés n’en voulaient pas et le Gouvernement les a entendus. Il n’a pas repris sa proposition d’étendre jusqu’au 30 septembre 2021 le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire.
Si les circonstances l’exigent, le Gouvernement se présentera donc devant le Parlement avant la fin de l’état d’urgence sanitaire, tel que prorogé par ce projet de loi, afin de déterminer le régime opportun pour gérer la situation après cette échéance.
La date du 1er juin 2021 nous paraît cohérente au regard de la dynamique de l’épidémie dans notre pays et chez nos voisins. De plus, elle ménage le temps nécessaire pour que la campagne de vaccination produise pleinement ses effets. Elle est également adaptée au calendrier parlementaire : elle nous permettra de revenir dans de bonnes conditions devant vous si la situation l’exige.
En outre, cette date permet au Parlement de continuer à se prononcer à des échéances régulières quant au maintien d’un régime dérogatoire guidé – je le rappelle – par le seul souci de garantir la protection de la santé des Français.
Le Gouvernement propose également de reporter au 31 décembre 2021 la caducité du régime d’état d’urgence sanitaire, actuellement fixée au 1er avril 2021 par l’article 7 de la loi du 23 mars 2020, introduit sur l’initiative de votre assemblée.
Je salue les travaux de votre commission des lois, qui ont permis de confirmer ce report.
Il n’est pas possible de se priver, à partir du 1er avril prochain, d’un cadre juridique dédié à la gestion des phases les plus critiques de la crise sanitaire. C’est le sens de l’article 1er du projet de loi.
Pérenniser dans le code de la santé publique les outils qui peuvent être utilisés en cas de crise sanitaire, tel était l’objet du projet de loi présenté le 21 décembre dernier en conseil des ministres. Ce texte a finalement été retiré de l’ordre du jour. Le Parlement l’examinera une fois que la crise sanitaire sera derrière nous.
À ce titre, le Gouvernement ne souhaite pas, à ce stade, modifier le régime juridique, mais il vous proposera que ces discussions aient lieu dans le cadre de l’examen du prochain projet de loi relatif à la gestion des crises sanitaires. Je pense notamment à l’intervention du juge des libertés et de la détention pour la prorogation des quarantaines et isolements, ou encore à l’exclusion de la réglementation des locaux à usage d’habitation.
Enfin, au sujet de la mise en œuvre des systèmes d’information institués pour lutter contre la propagation de l’épidémie, je note que votre commission des lois a retenu la date du 1er août 2021, plutôt que celle du 31 décembre 2021 proposée par le Gouvernement.
Les outils numériques sont essentiels à notre stratégie : « Tester, alerter, protéger ». Chaque fois qu’un résultat positif est enregistré par le logiciel Sidep, les équipes de l’assurance maladie et des ARS peuvent prendre contact avec la personne pour recenser les individus à risque et casser les chaînes de contamination. À cette fin, elles identifient les personnes qui ont pu être en contact, sans masque, avec les malades et les appellent pour les inviter à s’isoler.
Ce dispositif est en constante évolution : j’en veux pour preuve un récent décret, du 20 janvier 2021, qui permet la mise en place d’un contact tracing rétrospectif. Il s’agissait également d’une demande des parlementaires, en tout cas d’une requête relayée par le Parlement. Ce système, également appelé « tracing à la japonaise », permet d’identifier les lieux et situations à risque de contamination. S’y ajoutent un renforcement du contact tracing international et l’accompagnement sanitaire et social des personnes infectées ou susceptibles de l’être.
Un rapport contenant de nouveaux éléments quant à la mise en œuvre de ces systèmes d’information sera transmis au Parlement dans les prochaines semaines.
Toutefois, il ne fait aucun doute que ces dispositifs jouent un rôle crucial dans la lutte contre l’épidémie : il est indispensable de les maintenir pour une durée appropriée à la gestion de la crise sanitaire.
Imaginons que l’épidémie continue de circuler, même à bas bruit, en plein été. Si l’on devait supprimer dès le début du mois d’août prochain tous les outils qui permettent le contact tracing, en tant que ministre chargé de la gestion de cette crise, je serais extrêmement embarrassé. Nous ne pouvons pas nous priver d’outils comme Contact Covid ou Sidep et il serait impossible de revenir devant le Parlement à la fin du mois de juillet pour demander une prolongation de ces logiciels.
Par ailleurs, nous devons nous dire les choses telles qu’elles sont. J’espère de toutes mes forces que, d’ici au mois d’août, nous aurons pu vacciner un maximum de Français, mais je ne suis pas du tout convaincu que nous pourrons alors considérer la crise comme étant derrière nous. Voilà pourquoi nous ne devons pas désarmer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie des travaux que vous avez conduits depuis bientôt un an sur ce sujet. Je comprends la lassitude qui peut naître de la prorogation fréquente de telles dispositions. Je comprends aussi le souci qui vous guide de mieux encadrer ce régime d’exception.
Je le répète, je suis ouvert à la discussion sur les points que l’on peut encore aménager et qui sont susceptibles d’emporter votre confiance tout en nous permettant de lutter avec efficacité, dans la durée, contre cette épidémie !
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation sanitaire est grave. Après plusieurs semaines de couvre-feu, d’abord à vingt heures, ensuite à dix-huit heures dans certains départements, puis sur tout le territoire national, et après le reconfinement de l’automne, force est de le constater : malgré tous les efforts des Français et ceux des autorités sanitaires, la dynamique de l’épidémie n’a pu être cassée.
Nous le savons, depuis quelques jours, un reconfinement général de la population est envisagé sous diverses modalités. Si cette mesure n’a pas encore été décidée, elle est sur la table et pourrait survenir dans les prochains jours.
Dans les circonstances que traverse notre pays, chacune et chacun d’entre nous doit naturellement prendre ses responsabilités. Or la bonne position est difficile à trouver, car nous sommes sur une ligne de crête. Trop de restrictions mettent en péril non seulement l’activité économique mais aussi le moral des Français, voire la santé psychique d’un certain nombre de nos compatriotes – je pense en particulier à nos jeunes et à nos anciens –, mais une discipline insuffisante, trop peu de restrictions à nos libertés, mettent en péril la vie des personnes les plus vulnérables face à l’épidémie.
Monsieur le ministre, vous n’avez cessé de vouloir suivre cette ligne de crête. De notre côté, nous nous sommes efforcés de donner aux autorités sanitaires les moyens de la tenir.
Si nous n’avons pas voté tous les textes de loi relatifs à l’état d’urgence sanitaire qui nous ont été présentés, ce n’est pas parce que nous contestions la nécessité de prendre des mesures qui, malheureusement, restreignent les libertés fondamentales des Français. C’est précisément parce que nous étions conscients de la nécessité de ces mesures et que notre approche démocratique de la question nous conduisait à vous poser la question suivante : qu’y a-t-il de gênant pour le Gouvernement à revenir régulièrement devant le Parlement – c’est tout le sens de votre présence aujourd’hui – pour obtenir son autorisation ?
Combien plus fort est un gouvernement quand, au lieu d’agir seul, il s’adosse régulièrement au vote de la représentation nationale ! Ce suffrage atteste devant les Français de la nécessité des mesures exceptionnelles qui doivent être mises en œuvre.
Mes chers collègues, aujourd’hui, la situation sanitaire justifie pleinement que le Gouvernement nous saisisse de ce projet de loi pour prolonger l’état d’urgence sanitaire au-delà du 16 février 2021. Il n’aurait pas le droit de le faire si nous ne nous prononcions pas.
M. le ministre pourrait faire état de données plus récentes que celles dont je dispose, mais je vais tout de même vous livrer les chiffres que j’ai sous les yeux. Ils datent du 23 janvier dernier. Depuis lors, la situation n’a malheureusement pas évolué dans le bon sens.
Au cours de cette journée, 24 000 contaminations ont été détectées. L’indicateur de reproduction effective du virus était de 1, 1 – en d’autres termes, dix personnes contaminées en ont contaminé onze : ce n’est pas encore une explosion, mais le chiffre est excessif et l’on ne peut pas laisser la situation en l’état. Le taux d’occupation des lits de réanimation était quant à lui de 57 %, ce qui dans certains cas pose problème pour le traitement de malades atteints d’autres affections que le covid.
En conséquence, même si la vaccination progresse – M. le ministre s’en est expliqué lors de son audition la semaine dernière –, elle n’avance certainement pas à un rythme permettant de nous faire espérer que le déploiement du vaccin, ajouté à la discipline que les Français s’imposent à eux-mêmes, suffira pour enrayer la dynamique de cette épidémie.
Je suis donc obligé de vous le dire, bien sûr à regret, notre responsabilité est bien d’accepter la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Toutefois, j’ajoute que nous ne pouvons pas le faire à n’importe quel prix.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre propos. J’y ai décelé une ouverture à l’égard des travaux du Sénat et je m’en réjouis. Pour ce qui nous concerne, nous faisons preuve d’une constance absolue. Le Sénat est sans surprise : il ne varie pas. Il a sa ligne, que j’ai rappelée à l’instant – responsabilité et vigilance – et qui se traduit par une exigence, celle du contrôle parlementaire.
Il ne s’agit en aucun cas d’une marque de défiance et nous aurions la même attitude face à un autre gouvernement. Mais nous ne voulons pas signer de chèque en blanc. D’ailleurs, ce n’est pas ce que vous nous demandez ; mon propos ne se veut pas excessif !
Nous souhaitons simplement nous assurer que le Gouvernement ne reste pas plus de deux mois et demi sans revenir devant le Parlement pour demander l’autorisation de restreindre les libertés.
Vous qui êtes ministre de la santé, vous devez avoir conscience que le ministre de l’intérieur, tous gouvernements confondus, n’a jamais exigé des Français autant de restrictions aux libertés que celles imposées pour lutter contre le covid. Or, dans un État de droit, dans une vieille République que nous chérissons tous, on ne saurait s’habituer à de telles restrictions, du moins sans un contrôle parlementaire effectif. Je le répète, vous n’avez rien à craindre d’un tel contrôle, puisqu’il est responsable.
Aussi, nous ferons ce que nous avons fait pour tous les textes que vous nous avez soumis. Nous disons oui à l’état d’urgence sanitaire, mais pour deux mois et demi, c’est-à-dire jusqu’au début mai. Passons le week-end du 1er mai, avec ses probables transhumances, et allons au 3 mai : tel est notre souhait.
Si vous avez besoin, parce que la France l’exige, de prolonger les restrictions aux libertés pour lutter efficacement contre l’épidémie, ne doutez pas que le Sénat sera au rendez-vous.
Enfin, j’insiste sur un second point à nos yeux très important. Si, dans les jours qui viennent, en dehors de l’enceinte de l’Assemblée nationale ou du Sénat, l’exécutif décidait d’un reconfinement, nous vous demandons de revenir devant nous si la durée de ce reconfinement devait dépasser un mois.
On peut résumer cette mécanique, qui vous paraît peut-être un peu complexe, de la façon suivante. Le régime d’état d’urgence sanitaire est de nature temporaire. Tant qu’il existe, il peut être activé ou non. Quand nous l’activons, nous demandons que la période durant laquelle le Gouvernement ne revient pas devant le Parlement soit au maximum de deux mois et demi. Et si, après que nous l’avons activé, les pouvoirs exceptionnels exercés par le Gouvernement conduisent à un reconfinement, nous voulons que ce dernier soit réduit à un mois.
Cette demande vous paraît-elle exorbitante ? Je vous réitère, de bonne foi, l’assurance de notre responsabilité face à la gestion de la crise : elle est étayée par le fait que notre vote ne vous a jamais fait défaut pour exercer les pouvoirs de santé publique nécessaires afin de juguler l’épidémie.
Monsieur le ministre, vous avez montré votre ouverture d’esprit et, pour ce qui me concerne, je souhaite vivement que nous aboutissions à un accord. Cette discipline est très difficile à supporter pour les Français et elle le sera de plus en plus. Or, si le Sénat, tête de pont des collectivités territoriales de la République, accompagne votre politique, celle-ci sera sans doute plus efficace, car mieux comprise par les Français !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun ici est conscient de la gravité de la pandémie, de la difficulté de gérer la situation actuelle et de l’esprit de responsabilité dont il faut faire preuve. Mais pourquoi proroger l’état d’urgence ? Pourquoi demander une nouvelle fois des pouvoirs exceptionnels, alors que l’exécutif les détient déjà presque tous ?
J’avais préparé trois visuels pour illustrer mon propos, mais la direction de la séance m’a indiqué qu’il n’était pas possible d’utiliser à cette fin les grands écrans installés dans notre hémicycle…
Le premier visuel était un tableau détaillant les six décisions successives portant état d’urgence dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ; le deuxième visuel présentait les six textes de loi relatifs à l’état d’urgence sanitaire, y compris celui qui nous réunit aujourd’hui ; et vous imaginez facilement le troisième visuel : je présentais par des couleurs distinctes les périodes passées sous état d’urgence et les moments de vie ordinaire, au cours des six dernières années.
Bien entendu, vous avez cette frise en tête. Elle fait apparaître que, de 2015 à 2021, nous avons été presque les deux tiers du temps en situation d’état d’urgence.
En d’autres termes, l’état d’urgence est devenu semi-permanent dans notre pays et l’exception devient la règle. Dans une démocratie mature, c’est un sujet qui concerne les institutions.
C’est aussi un sujet qui concerne la lutte contre le covid-19, et je n’éluderai pas cette question.
J’évoquerai, premièrement, nos institutions.
Notre Constitution est présidentielle. Nous sommes nombreux à nous en réjouir, mais elle a changé de nature avec le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral. Vous le savez, l’Assemblée nationale et le Gouvernement sont issus de l’élection du Président de la République. C’est ce que j’appelle l’hyperprésidentialisation.
L’état d’urgence renforce encore la verticalité du pouvoir, au point que nous en sommes réduits à attendre les décisions le mercredi à vingt heures ou le jeudi à dix-huit heures.
Monsieur le ministre, les membres de notre groupe l’énoncent très simplement, posément et sereinement : ce tête-à-tête entre, d’une part, un président de la République – quelles que soient ses qualités – qui décide seul et par là même est seul responsable, et, d’autre part, nos concitoyens, est fondamentalement dangereux.
M. Loïc Hervé opine.
J’en viens, deuxièmement, à la lutte contre le covid-19, et en particulier à l’efficacité de l’action sanitaire.
Avec l’état d’urgence, le Parlement et la société civile n’ont plus rien à dire.
Monsieur le ministre, vous raisonnez sur la base d’une sorte d’intérêt supérieur dont l’exécutif serait le seul garant, alors que l’intérêt général doit procéder d’un dialogue entre la société civile et les institutions.
L’efficacité collective est le fruit de la confiance. Elle résulte d’une adhésion individuelle et collective. Le Président de la République a récemment déploré que la France dénombre 66 millions de procureurs. Il a raison ; mais cette situation est inévitable dans un pays qui ne compte qu’un seul décideur. À l’inverse, vous ne pouvez pas être le procureur d’une décision à laquelle vous avez été associé.
C’est toute la responsabilité et tout le rôle du Parlement. En informant le Parlement, en lui demandant d’autoriser telle ou telle mesure, on change entièrement de logique. Or c’est précisément ce qui fait défaut.
Ces différents constats posent une seule et même question : l’acceptabilité des mesures sanitaires. C’est le débat actuel et vous le savez bien. Mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même insistons sur cet enjeu en vous adressant deux propositions, considérant que, pour une fois, le débat est complètement politique.
À cet égard, une clarification s’impose quant au vote d’aujourd’hui. Contrairement à ce que pensent beaucoup de nos concitoyens, il s’agit de donner au Gouvernement une boîte à outils – passez-moi cette métaphore – comprenant des instruments plus ou moins puissants, et non d’autoriser un troisième confinement éventuel.
En revanche, si, dans les jours qui viennent, un troisième confinement vous paraissait nécessaire, nous vous proposons de le soumettre à la décision préalable du Parlement. La nuance est importante par rapport à la position, parfaitement respectable et que je soutiens bien entendu, de la commission des lois.
Le président Larcher lui-même l’a souligné, étant donné ses conséquences, un troisième confinement devrait être soumis préalablement au Parlement. En outre, une telle procédure rendrait le Gouvernement beaucoup plus fort. S’il y a vote du Parlement, chacun devra prendre ses responsabilités. Nous verrons alors s’il y a union sacrée, et ce que chacun fera. Bref, cela change tout, qu’il s’agisse de la force, de la crédibilité de la décision, ou de son acceptation par nos concitoyens.
J’ajoute que les assemblées peuvent se prononcer sous quarante-huit heures ; nous l’avons déjà fait.
Vous me direz peut-être : « Nous n’avons pas le temps de saisir le Parlement. » Bien sûr que si ! Le Président de la République explique à juste titre que la décision peut attendre encore une semaine. L’exécutif a donc tout à fait le temps de saisir le Parlement et, ce faisant, de renforcer l’acceptabilité de la décision prise pour nos concitoyens. C’est notre première proposition.
Notre seconde proposition concerne le « quoi qu’il en coûte » énoncé en mars dernier. Cette décision forte, prise par le Président de la République, a indiscutablement rassuré nos concitoyens, mais je ne suis pas certain que ce soit toujours le cas aujourd’hui. Je pense même que, d’une certaine manière, elle est devenue anxiogène.
Mon propos n’est pas simplement budgétaire. Nos concitoyens ont pleinement conscience des difficultés sociales, psychologiques et sanitaires auxquelles nous sommes confrontés. Je pense notamment à l’isolement des aînés et aux nombreux problèmes du quotidien. Aussi, suivant la mécanique appliquée aujourd’hui, nous vous proposons pour le printemps prochain un vote portant sur une nouvelle boîte à outils, destinée à la sortie du « quoi qu’il en coûte ».
Quelles limites apporter à cette logique ? Comment assurer la transition ? Un tel débat et un tel vote nous aideraient à nous projeter vers l’avenir et, ce faisant, à sortir d’un jour sans fin !
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis dans cet hémicycle pour l’examen d’un sixième projet de loi relatif à l’état d’urgence sanitaire. Bien entendu, nous avons eu à débattre bien plus souvent des dispositions qui nous ont été proposées à ce titre.
Monsieur le ministre, la reconduction de l’état d’urgence sanitaire que vous nous proposez a été déjà votée par l’Assemblée nationale.
M. le rapporteur l’a rappelé avec raison, dans ce domaine, le Sénat a toujours assumé ses responsabilités. Quelles que soient nos divergences politiques, quelles que soient les contestations que vos méthodes ont pu nous inspirer, nous avons toujours considéré que notre devoir était d’être aux côtés des Français, pour faire en sorte que les décisions du Gouvernement soient aussi adaptées que possible à la crise qui s’abat sur notre pays.
Depuis l’origine de ces travaux, nous tentons pourtant, avec un succès que je qualifierais de « modéré », de convaincre le Gouvernement d’encadrer davantage les restrictions apportées aux libertés publiques. Le fait que vous ayez vous-même annoncé la mise à l’écart du projet de loi de pérennisation de l’état d’urgence nous permet de délibérer aujourd’hui du texte qui nous occupe.
La suppression de l’article 3, lequel instaurait un régime de sortie d’état d’urgence presque similaire aux dispositions dudit projet de loi, opérée à l’Assemblée nationale et sur laquelle vos amendements indiquent que vous n’avez pas l’intention de revenir, laisse penser que nous serons amenés à nous revoir dans les prochains mois. Toutefois, les dates prévues sont encore trop éloignées.
Nous insistons sur ce point – j’y viens après le rapporteur et M. Bonnecarrère, d’autres suivront – parce que, ainsi que vous l’avez sans doute relevé, nos compatriotes se trouvent dans un état qu’un journal du soir a qualifié de « fatigue de la démocratie », une lassitude extrême. Nous n’avons jamais été destinataires d’autant de messages, de courriers, de mails nous demandant de ne pas voter le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui, alors même que, selon nous, il faut avancer dans son sens.
Les Français, eux, sont ambivalents. Ils sont impatients, car le vaccin leur a donné une lueur d’espoir, et prêts aux sacrifices, comme ils le démontrent depuis maintenant des mois. Pourtant, je crains qu’ils ne soient gagnés par un sentiment non de révolte, mais de refus.
C’est la raison pour laquelle nous vous adjurons de vous appuyer sur les élus et sur les collectivités locales. Nous avons cette proximité avec les Français que vous n’avez pas parce que vous êtes ministre, membre du Gouvernement ; nous pouvons accompagner les mouvements. C’est aussi pour cela que nous faisons des propositions, qui seront détaillées par notre collègue Jean-Pierre Sueur tout à l’heure, afin de mieux adapter ces mesures, au-delà de l’encadrement des limitations des libertés publiques.
Un exemple : nous souhaitons que vous acceptiez une différenciation de ces mesures selon les territoires en fonction de la circulation du virus, comme ce fut un temps le cas. Aujourd’hui, il n’est plus l’heure de tenir le même raisonnement. En revanche, la population, le taux d’urbanisation, les données démographiques nous conduisent à nous interroger : faut-il imposer les mêmes contraintes, de couvre-feu, par exemple, à des villes denses et à des villes de 2 000 habitants dans lesquelles les prises de risque ne sont pas comparables ? Je suis moi-même élue de Paris, autant vous dire que j’applique ces mesures, mais nous demandons plus de finesse dans leur mise en œuvre.
D’autres évolutions seront soumises à notre assemblée. Notre groupe entend le besoin de cet état d’urgence sanitaire, approuve la position de la commission des lois d’en restreindre la durée et le champ, s’agissant d’atteinte aux libertés publiques. Il fera néanmoins, par la bouche de notre collègue Jean-Pierre Sueur, des propositions complémentaires pour que ces dispositions soient mieux adaptées au besoin de vivre des Français.
In fine, nous ne nous opposerons pas à ce texte, mais nous nous abstiendrons, sauf si certains de nos amendements étaient adoptés par le Sénat. Vous avez fait montre d’ouverture à cet égard dans votre intervention, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a onze mois, le couple Macron se rendait au théâtre pour inciter les Français à sortir de chez eux malgré le coronavirus ; les masques ne servaient à rien, il était inutile d’en porter, ils étaient même trop compliqués à utiliser pour certains. Il suffisait de tousser dans le creux de son coude pour stopper l’épidémie.
Dans cette guerre que vous êtes censés mener contre la covid-19, il ne manque plus que « nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ! » pour parfaire le sinistre tableau de votre impréparation totale et du grand mensonge qui coûtent aujourd’hui la vie à 74 000 Français.
Voilà dix mois que l’état d’urgence est instauré et, pendant ces dix mois, vous aurez été en retard, en contradiction et dans l’hésitation permanente, sur tous les sujets ! Pendant ce temps, la France compte ses morts.
Le dernier en date, en ce qui me concerne, se prénomme Roland, médecin de 66 ans dans une commune toute proche de Marseille. Roland, c’était mon médecin de famille, et dans « médecin de famille », monsieur le ministre, il y a « famille ». C’est, en quelque sorte, un proche que j’ai perdu.
Votre gestion désastreuse de la crise sanitaire aura privé une femme de son époux, des enfants de leur père et des petits enfants de leur grand-père. Roland, mon docteur, est tombé au champ de votre déshonneur. §Laissez-moi parler ! Cessez, à gauche, de toujours chercher à m’interrompre !
En plus des conséquences humaines, la dette explose, nos libertés et notre démocratie sont confisquées.
Cependant, combattre l’épidémie n’est pas incompatible avec la relance de l’activité. Il suffit d’écouter les élus locaux, mais si ce gouvernement et ce président de la République écoutaient les élus, cela se saurait et cela se verrait ! Le déficit budgétaire a doublé en 2020, la France a emprunté 1 milliard d’euros par jour. Cet endettement colossal, ce sont les Français qui devront le rembourser, car l’argent magique n’existe pas.
Notre dette est vertigineuse, elle représente 120 % du PIB et, puisque vous voulez que tout continue, c’est la banqueroute qui nous guette. Avouez que cela serait cocasse, pour un président de la République fraîchement sorti de son bureau de la banque Rothschild.
M. Loïc Hervé marque sa désapprobation.
Je disais il y a un instant que vous hésitiez sur tout. À cela, une exception : votre acharnement à vous attaquer à nos libertés, à toutes nos libertés, individuelles, économiques, démocratiques. Il nous est interdit de consommer, de travailler, de circuler, de débattre, de voter, de prier et, bientôt peut-être, de parler !
Tous ces coups de force n’empêchent pas l’épidémie de se développer, mais cela ne vous empêche pas non plus de redoubler de violence envers les Français qui ont eu droit à une nouvelle provocation d’Emmanuel Macron, lequel a osé les qualifier de « procureurs ».
Ces Français, qui appliquent scrupuleusement depuis dix mois vos recommandations, qui perdent leurs emplois, leurs entreprises, leurs libertés et qui, pour certains, ont perdu un ou plusieurs proches, sont une fois de plus insultés par celui qui devrait les protéger.
Et aujourd’hui, vous avez la prétention d’obtenir de notre assemblée un prolongement de six mois de l’état d’urgence ! Dans six mois, exigerez-vous six mois de plus ? Même pas en rêve !
Vous incarcérez notre présent et vous hypothéquez notre avenir. Ce sont de libertés dont les Français ont besoin, et non de vos dérives autoritaires. Il est urgent de stopper l’état d’errance de ce gouvernement…
Vous accorder six mois de plus de pleins pouvoirs ? Pour moi, ce sera non !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 17 décembre dernier, au moment où la France était, soi-disant, peuplée d’anti-vaccins, je déclarais ici même devant vous : « Ce qu’il faut craindre, ce n’est pas que les gens refusent la vaccination et que les doses restent dans les congélateurs, mais que nous ayons du mal à répondre à la demande. » Face au rouleau compresseur des réseaux sociaux et des médias, qui avaient fait des « antivax » le sujet du moment, cette analyse, hélas, n’a pas convaincu à l’époque.
Voltaire disait qu’il est dangereux d’avoir raison quand le roi a tort ; aujourd’hui, il est inutile d’avoir raison quand Twitter a tort.
Il était pourtant facile de s’apercevoir de l’ineptie des sondages qui ne distinguaient pas entre les anti-vaccins et ceux qui attendaient de mieux connaître un vaccin nouveau ; facile de constater que 2, 5 % des Français seulement sont opposés aux vaccinations pour leurs enfants ; facile, enfin, de relever que, alors que l’on avait commandé une fois et demie de plus de vaccins antigrippaux que l’an dernier, en octobre tous les stocks ont été dévalisés en dix jours. Quel journal a-t-il alors titré : « Ruée sur les vaccins » ? Aucun.
Les Français n’étaient pas anti-vaccins, ils attendaient seulement quelques précisions avant de conseiller à leur grand-mère de se faire vacciner. Mais cela ne fait pas le buzz.
Dans notre monde hystérisé, les critiques mutent aussi vite que les virus.
C’est désormais la lenteur de la vaccination qui est dénoncée, souvent par ceux-là mêmes qui déploraient que l’on ne prenne pas assez de précautions pour rassurer les anti-vaccins. C’est tellement agréable de mettre un bâton dans les roues de la charrette pour mieux se plaindre qu’elle n’avance pas !
Après un démarrage laborieux, les lenteurs de la vaccination ont aujourd’hui une cause principale dans tous les pays ou presque : les difficultés de production des laboratoires. Il faut le répéter aux professionnels de l’indignation : personne, ni l’Europe, ni le Gouvernement, ni les élus locaux, ni les soignants, n’en porte la responsabilité. Il faut aussi répéter aux professionnels du pessimisme que ce qui est stupéfiant, ce n’est pas la difficulté des campagnes de vaccination, c’est le miracle de disposer d’un vaccin en moins d’un an.
La critique est nécessaire à la démocratie, mais j’avoue que j’ai du mal à hurler avec les loups et plus encore avec les ânes.
M. le ministre sourit.
Un exemple : la France s’est sentie humiliée pendant des mois, en 2020, par les comparaisons avec l’Allemagne. Aujourd’hui, les Allemands ont 1 000 morts par jour et nous 300 ; l’Europe centrale et balkanique, presque épargnée au printemps, est aujourd’hui la plus frappée. Il y a donc, dans l’expansion de l’épidémie, des déterminants qui vont bien au-delà de l’application des mesures de protection et que nous ne comprenons pas.
Nous ne pouvons pas plus prévoir les mutations, non plus que la date et le lieu de leur apparition.
Face à tant de difficultés et d’incertitudes, il semble au médecin que je suis que le premier impératif pour les politiques est de faire face ensemble, ou tout au moins avec un minimum d’unité nationale.
C’est le cas, et je m’en réjouis, quant à la loi qui nous réunit ce jour, qui sera très largement votée avec pour seul désaccord 25 jours dans la durée de la prorogation, un obstacle qui ne devrait pas être insurmontable.
Je m’en réjouis pour deux raisons. Tout d’abord, parce que tout le monde, dans notre assemblée – à une ou deux exceptions près, comme nous venons de le constater – a bien compris que ne pas voter cette prorogation reviendrait à poignarder l’exécutif dans le dos en plein milieu de la bataille ; ensuite, parce que la préoccupation actuelle des Français est ailleurs : comment se protéger du virus, comment affronter la crise économique à venir, comment surmonter les difficultés passées, présentes et futures et la profonde lassitude qui, peu à peu, étreint nos concitoyens ?
Cet accord sur la prorogation ne doit pas signifier que le Parlement soit privé des débats nécessaires avec le Gouvernement, si ce dernier envisageait des modifications substantielles de l’état d’urgence ou si des développements imprévus de l’épidémie intervenaient.
Cette hypothèse n’est en effet pas exclue. Le professeur Lévy, dans Le Journal du dimanche, et le professeur Delfraissy, dans son interview télévisée, ont tous deux délivré un message essentiel : ne croyons pas que, comme dans les contes de fées, le bon vaccin nous délivrera du méchant virus à l’été.
Tous les Français ne seront pas vaccinés à cette date et, lorsque tous le seront, le virus continuera d’être menaçant par ses mutations. Nous vivrons longtemps avec lui.
D’aucuns jugeront ce rappel peu opportun au moment où nous sommes tous fatigués, certains épuisés et d’autres déprimés ou sans ressources. Si je le fais quand même, c’est pour trois raisons. D’abord, parce que c’est la vérité ; ensuite, parce que les extraordinaires progrès scientifiques qui ont produit le vaccin en quelques mois nous donnent la certitude que le combat sera gagné à terme. C’est une immense chance : le sida, quarante ans et 30 millions de morts plus tard, n’a toujours pas de vaccin. Enfin, parce que ce n’est pas en nous apitoyant sur nous-mêmes que nous nous en sortirons, mais en agissant.
« Du sang, de la sueur et des larmes », disait Churchill en 1940. Comparons le sang, la sueur et les larmes que nous avons à verser à ceux qu’ont versés les générations précédentes, dans une épreuve bien pire. Nous découvrirons alors que le seul mot d’ordre aujourd’hui est : montrons-nous à la hauteur !
Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 24 janvier 2020, la France enregistrait son tout premier cas de covid-19. Un an après, les Français subissent encore les conséquences de l’impréparation manifeste des pouvoirs publics, des tergiversations et des multiples contradictions dans la stratégie d’action et de communication du Gouvernement, au sujet des masques, des tests et des vaccins. N’oublions pas non plus le déplorable manque de moyens dont souffrent l’hôpital public et, plus largement, le service public de la santé.
Parmi les erreurs dans la gestion de la covid-19 figure l’opportunité ratée, à l’été 2020, d’impulser une augmentation structurelle de nouveaux lits de réanimation plutôt que de se contenter de créations temporaires et trop peu nombreuses, comme cela a été le cas.
Les Français se sont alors trouvés à nouveau confinés à la sortie de l’été, face à une deuxième vague à laquelle ils n’étaient pas préparés, alors même que l’on savait qu’elle s’annonçait. Qui, enfin, peut oublier l’imbroglio à répétition des approvisionnements tardifs et insuffisants en masques, en tests PCR, et désormais en vaccins ?
De même, le Gouvernement nous incitait à voter au premier tour des municipales le 15 mars 2020, puis décrétait un confinement national le lendemain. Il autorisait un déconfinement à l’été 2020, pour remettre en place un confinement à l’automne ; reconfinement qui a pris fin au début de l’hiver, pour être remplacé par un couvre-feu. Vous reconnaîtrez que la stratégie est illisible. L’évolution de la maladie y est, certes, aussi pour beaucoup.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous demandez à cette assemblée de proroger de nouveau l’état d’urgence sanitaire. Il s’agit du quatrième texte en ce sens. Si nous ne pouvons ignorer la persistance de cette épidémie, nous ne pouvons pas non plus nous empêcher de poser la question suivante : combien de temps encore durera cette urgence ? Combien de temps avant que le Gouvernement se procure un nombre suffisant de vaccins, pendant que plus de 300 personnes décèdent par jour de cette maladie ? Si urgence il y a, elle impose de toute évidence d’agir vite, avec efficacité et bon sens. Est-ce bien le cas ?
Nous contestons l’utilité d’un état d’urgence pour lutter efficacement contre la covid-19. Devons-nous rappeler au Gouvernement que nous n’étions pas sous le régime de l’état d’urgence sanitaire lorsque le premier confinement a été décidé, à la mi-mars 2020 ?
Laisser la gestion de la pandémie entre les mains du seul exécutif pendant un temps aussi long n’est, de toute évidence, une disposition ni nécessaire ni proportionnée. Il est, de surcroît, indispensable d’œuvrer avec les élus locaux d’une manière coordonnée.
Si les conditions sanitaires impliquent des mesures fortes, il n’est pas souhaitable, dans un état démocratique comme le nôtre, de priver, en quelque sorte, le Parlement de sa capacité à légiférer et de réduire à peau de chagrin ses possibilités de contrôle.
Nos institutions sont durement et profondément éprouvées par cette succession d’états d’urgence qui menacent désormais les fondements mêmes de notre démocratie. Le risque d’accoutumance aux régimes d’exception est bel et bien réel et a été dénoncé tant par la Défenseur des droits que par le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH.
Un régime d’exception qui finit par s’ancrer par la pratique dans le droit commun n’est plus un régime d’exception. Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne pourra que voter contre cette énième prorogation de l’État d’urgence sanitaire. On ne saurait indéfiniment mettre tout un pays sous cloche ni accepter que tout un peuple, déjà en proie aux affres d’une pandémie redoutable, voie ses libertés rognées un peu plus chaque jour.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà presque un an que le monde traverse une crise sanitaire qu’il n’attendait pas et qui met à l’épreuve et en tension les systèmes de santé, les économies, les populations.
Cette crise nous conduit à nous réunir à intervalles réguliers dans cet hémicycle pour autoriser le Gouvernement à prendre des mesures adaptées pour lutter contre l’épidémie. Dans le contexte, cette régularité est paradoxalement une bonne chose, nous nous accorderons sur ce point, monsieur le rapporteur.
Cela a été rappelé : la situation reste préoccupante et pleine d’incertitudes. Je ne serai pas long sur les chiffres, nous pouvons nous accorder sur le constat qui en découle.
Alors qu’il était stable en décembre, le nombre de nouvelles contaminations augmente progressivement depuis le début du mois de janvier. Hier étaient enregistrées 22 000 nouvelles contaminations, et 1 769 nouvelles admissions en réanimation sur une semaine, portant à plus de 3 000 le nombre de patients en réanimation.
Cette situation est incertaine, aussi, au regard de la dynamique épidémique que connaissent certains pays voisins, sous l’effet de variants, laquelle a pu conduire les autorités compétentes à prendre des mesures plus strictes, comme au Royaume-Uni.
Une autre incertitude dans les prochaines semaines tient à l’effet du vaccin sur la transmission du virus, ou encore au nombre de doses qui pourront effectivement être livrées, au regard des capacités des laboratoires et des autorisations de mise sur le marché.
Ces points d’incertitude imposent à mon sens d’évacuer dès à présent toute tentation de corrélation entre la stratégie vaccinale et la position que le législateur doit adopter sur le présent texte.
Sur le fondement de cette situation complexe, le conseil scientifique ainsi que le Conseil d’État ont en tout cas considéré comme justifiées l’ensemble des dispositions suivantes : la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin 2021, le report de la caducité de son régime juridique au 31 décembre 2021, ainsi que le report de la caducité de la mise en œuvre des systèmes d’information, et même du régime transitoire de sortie de l’état d’urgence.
Ce dernier point m’amène à m’arrêter un instant sur les points qui nous rassemblent.
La commission des lois de l’Assemblée nationale a fait le choix, sur amendement de son rapporteur et de la majorité, de supprimer l’article 3 afin que la clause de revoyure soit fixée au 1er juin 2021, c’est-à-dire à la fin de l’état d’urgence sanitaire prorogé.
Or c’est bien la superposition de la prolongation de ce régime avec celle de l’état d’urgence qui avait cristallisé, sur nos travées, les oppositions à deux précédents textes. Le Gouvernement a consenti à cette suppression ; c’est une position qui doit être saluée, ainsi que vous l’avez d’ailleurs fait, monsieur le rapporteur. Vous n’avez pas modifié, ensuite, le report de la caducité du régime de l’état d’urgence sanitaire au 31 décembre 2021, cela peut également être salué.
Ce report permettra de conférer plus de recul pour construire un cadre pérenne de gestion des crises sanitaires à l’issue de l’épidémie, dont la nécessité a été soulignée à plusieurs reprises dans cet hémicycle.
Alors même que ces points auraient pu constituer des bases solides dans la perspective d’un accord entre les deux chambres, la commission a fait le choix de réduire d’un peu moins d’un mois la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, de prévoir l’intervention du législateur pour la prolongation d’un confinement au-delà d’un mois ou encore d’inscrire au sein même de la loi des dispositifs de contrôle qui ne semblent pas relever de ce rang.
La vigilance exprimée à travers ces dispositions ne doit pas faire oublier le cadre strict qui s’applique aux mesures prises sur le fondement du régime de l’état d’urgence sanitaire, comme les prérogatives de contrôle dont dispose le Parlement, ainsi que le contrôle du juge, lequel peut suspendre en référé l’application des mesures prises, dans le cas où celles-ci ne seraient pas adaptées ou proportionnées à l’état de la situation sanitaire.
Les délais proposés dans le texte transmis par l’Assemblée nationale nous paraissaient justifiés pour la gestion d’une crise marquée par la dynamique précédemment évoquée.
Mes chers collègues, le groupe RDPI votera le présent texte en ce qu’il reporte la caducité du régime juridique de l’état d’urgence sanitaire et qu’il consent à sa prorogation. Nous attendons toutefois de la navette qu’elle aboutisse à des dispositions et à des délais permettant une gestion agile et pleinement efficace de la crise.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en décembre dernier, l’universitaire, historien et juriste François Saint-Bonnet nous alertait : « Rendons à l’urgence et à l’exception leurs lettres de noblesse. Le meilleur moyen d’y parvenir est de résister à la tentation d’en banaliser l’invocation. » Sa position n’était déjà pas isolée. Ses mots doivent, à mon sens, nous rappeler l’essence même de ces dispositifs extraordinaires qui défilent ces dernières années : faire face à l’urgence, faire face à l’exception.
Il est indéniable que la crise du covid-19 a imposé l’urgence et l’exception. Depuis le mois de mars, le Sénat a soutenu, pour l’essentiel, les mesures gouvernementales.
La question se pose une fois de plus aujourd’hui et, naturellement, le groupe RDSE ne fuira pas ses responsabilités. Nous ne remettons pas en cause la nécessité de maintenir des mesures sanitaires contraignantes. Cependant, nous croyons qu’il est possible de discuter de la manière dont les décisions sont prises et de rendre au Parlement sa place et sa légitimité.
Voilà bientôt un an que nous sommes entrés dans cette crise historique ; presque une année entière que nous vivons sous l’étiquette de l’urgence et de l’exception, après presque deux années – entre 2015 et 2017 – sous l’empire de l’état d’urgence à la suite de menaces terroristes. Force est d’observer une forme de lassitude et d’épuisement dans nos territoires.
Les efforts consentis ont été nombreux depuis le premier confinement jusqu’à l’actuel couvre-feu à dix-huit heures. Nos concitoyens aspirent, avec patience, à retrouver une vie, peut-être pas normale, mais moins exceptionnelle.
Que ferons-nous si la crise perdure ? Que ferons-nous si la campagne vaccinale ne porte pas les fruits que nous espérons ? Que ferons-nous si le virus revient chaque automne ?
Les interdits et les restrictions soudainement décidés ne pourront pas être la seule réponse à cette crise et nous devons, dès à présent, réfléchir aux modalités qui permettraient de faire face.
Cette démarche doit valoir pour les secteurs les plus sinistrés, tels que la santé, la restauration, le tourisme, la culture ou encore le sport, mais aussi pour nos institutions, afin de restaurer l’équilibre normal des pouvoirs. Nous aurions souhaité que le travail parlementaire puisse être engagé rapidement sur ce point.
L’équilibre institutionnel s’appuie sur le contrôle parlementaire de l’action du Gouvernement. De ce point de vue, le projet de loi initialement présenté par le Gouvernement devant l’Assemblée nationale n’était pas satisfaisant. Prorogation de l’état d’urgence sanitaire, prorogation du régime de sortie de l’état d’urgence : deux décisions qui devaient appeler deux lois. Aussi, nous saluons la suppression, en première lecture par l’Assemblée nationale, des dispositions relatives au régime transitoire de sortie de l’état d’urgence. Nous en débattrons le moment venu.
Il faut toutefois aller plus loin pour que le virus n’atteigne pas durablement nos institutions dans leur essence démocratique.
De ce point de vue, les modifications apportées par notre commission des lois sont à saluer, en particulier celle qui institue un contrôle parlementaire du confinement. Nous avions déjà voté au mois d’octobre dernier en faveur de cette disposition, laquelle permettrait que l’adoption des mesures dites d’urgence suive un processus non exceptionnel respectant la procédure parlementaire traditionnelle.
Il est possible d’aller plus loin, ainsi que nous le proposerons par un amendement, en établissant un contrôle parlementaire non seulement du confinement, mais également des couvre-feux, qui en viennent à être tout aussi contraignants pour la population.
Instituer une telle restriction est également une atteinte significative à nos libertés : cela devrait faire l’objet d’un consentement de la représentation nationale.
D’une autre façon, nous avons beaucoup discuté, au mois d’octobre dernier, de la possibilité d’adapter localement les mesures sanitaires. Nous regrettons que cet aspect du régime juridique de l’état d’urgence ne soit pas davantage étudié et approfondi, afin de permettre, le cas échéant, la réouverture locale de certains établissements accueillant du public, si les conditions sanitaires le permettaient.
Ces remarques n’empêcheront pas mes collègues du groupe RDSE et moi-même de nous prononcer majoritairement en faveur de ce projet de loi tel qu’il a été modifié par la commission des lois.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en premier lieu, je souhaite affirmer une nouvelle fois ma solidarité avec tous ceux, à commencer par les soignants, qui sont en première ligne face à cette pandémie qui n’en finit plus ; je tiens aussi à affirmer ma profonde solidarité avec nos concitoyens qui, loin de s’afficher en procureurs, résistent et tiennent bon dans une situation qui, semaine après semaine, devient très pénible sur les plans sanitaire, social et psychologique.
Aujourd’hui, ils veulent des résultats, ils veulent connaître les objectifs, ils veulent comprendre pourquoi la santé publique n’est pas érigée « quoi qu’il en coûte » en grande cause nationale. Transparence, cohérence de choix politiques clairs pour enfin se donner les moyens de faire face, tel est ce qui est attendu.
Monsieur Véran, nous sommes face à l’inconnu : nous sommes sous la menace des variants et nous ne savons pas combien de mois cette situation va durer. Il faut donc associer le Parlement, maintenant et à chaque étape, à l’élaboration des décisions – et, bien sûr, lui permettre d’en débattre.
Vous nous répondez : l’état d’urgence sanitaire, c’est le seul moyen d’agir. Mais, monsieur le ministre, le Parlement peut siéger jour et nuit pour décider, voter, contrôler !
Pourquoi ne pas avoir soumis le couvre-feu au vote des assemblées ? Nous ne sommes plus dans l’état de sidération de mars dernier, qui pouvait exiger de prendre des mesures dans la précipitation.
Il faut maintenant cesser de s’en remettre aux seules décisions du chef de l’État, entouré d’un conseil de défense qui n’existe, selon l’article 15 de la Constitution, que pour conseiller le chef des armées.
Les réunions qui se tiennent dans ce cadre sont soumises au secret-défense. Comment en sommes-nous arrivés là ? Après la mise à l’écart du Parlement, c’est le Gouvernement lui-même, pourtant chargé de conduire la politique de la Nation, qui est collectivement mis sur la touche !
Monsieur le ministre, vous proposez de proroger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin, donc de quatre mois, sans retour devant le Parlement. Quant au cadre juridique de cet état d’urgence, il est maintenu jusqu’au 31 décembre de cette année.
Par ailleurs, le projet de loi prévoyait à l’origine de fixer la fin de cet « état d’exception bis » qu’est la sortie de l’état d’urgence au 31 septembre prochain. En affichant un geste à l’égard du Parlement, la majorité En Marche de l’Assemblée nationale a, avec votre accord, supprimé cette date butoir. Mais la vérité vraie, c’est que vous n’en avez plus besoin, puisque vous avez déposé en catimini, le 21 décembre dernier, un projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires : c’est ce texte que vous entendez appliquer après le 1er juin.
Or ce projet de loi, sur le mode des lois antiterroristes qui ont intégré des mesures de l’état d’urgence de 2015 dans le droit commun, tend à graver dans le marbre du droit ordinaire des dispositions portant atteinte aux libertés institutionnelles.
D’abord, vous intégrez dans le droit un état de crise sanitaire impactant, essentiellement, les libertés individuelles. Le Parlement se verra généreusement accorder le droit d’étudier un rapport au terme de six mois d’exercice de cet état d’exception… Ensuite, l’état d’urgence sanitaire continuera d’être déclaré par décret – une validation par la loi intervenant seulement ensuite. Nous refusons cette mise à l’encan des libertés individuelles et collectives !
Pourquoi cette obstination antidémocratique ? Pourquoi ces confinements et reconfinements successifs ? Parce que vous n’avez pas fait le choix de soustraire la santé publique, la santé de notre peuple, à cette loi du marché qui place l’humanité après les profits financiers !
L’affaire des vaccins est symptomatique : pourquoi notre pays n’a-t-il pas su se doter d’un vaccin, pourquoi n’a-t-il pas été possible d’organiser le début de la campagne – ce qui a fait perdre un mois précieux ?
C’est bien cela, monsieur le ministre.
Comme pour les masques et les tests, c’est l’intervention citoyenne, celle de la population, des élus locaux et des parlementaires – ce que nous appelons la démocratie et que d’autres appellent la polémique – qui a permis d’avancer.
Reste à savoir si nous aurons les vaccins tant attendus pour nos concitoyennes et nos concitoyens : la question demeure posée…
Monsieur le ministre, l’obstination à restreindre la démocratie dissimule de moins en moins des choix auxquels vous ne renoncez pas, des choix à nos yeux ultralibéraux.
Pourtant, je l’affirme avec force : c’est ensemble que nous vaincrons ce fléau ! C’est pourquoi la solidarité et la démocratie doivent aujourd’hui prendre le pas sur l’exercice solitaire et hasardeux du pouvoir.
Sans poignarder qui que ce soit – soyez rassuré, cher président Malhuret –, le groupe CRCE votera contre la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, en dépit des améliorations apportées au texte par la commission des lois, malheureusement vouées à un probable échec.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et reportant la date de caducité des régimes institués pour faire face à la crise sanitaire.
Son article 1er reporte au 31 décembre prochain la caducité du régime d’état d’urgence sanitaire, initialement fixée au 1er avril.
L’article 2, qui prorogeait jusqu’au 1er juin de cette année l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national, a été modifié par la commission des lois pour ramener cette limite au 3 mai, sur l’initiative du rapporteur, dont je salue les travaux sur ce texte.
Notre collègue a fait adopter un autre amendement, aux termes duquel aucune mesure de confinement ne pourra être prolongée au-delà d’un mois pendant l’état d’urgence sanitaire sans l’autorisation préalable du Parlement. Je soutiens cette mesure également.
De même, à l’article 4, qui reportait au 31 décembre prochain la caducité des systèmes d’information institués pour suivre l’évolution de l’épidémie, la commission des lois, toujours sur l’initiative du rapporteur, a avancé l’échéance au 1er août, soit trois mois après la date du 3 mai, par souci de cohérence.
L’article 5 du projet de loi étend à l’outre-mer les dispositions qui le nécessitent.
Enfin, l’article 3, prorogeant jusqu’au 30 septembre prochain le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, a été supprimé par nos collègues de l’Assemblée nationale. Je m’en félicite, car il paraît essentiel aux sénateurs Les Républicains que le Gouvernement justifie régulièrement sa politique en la matière devant le Parlement.
Notre groupe a voté les précédentes prorogations par souci de responsabilité devant les Français, et non par confiance en la politique sanitaire du Gouvernement.
Mes chers collègues, nous le savons bien : de telles mesures ne sont pas neutres. De fait, nous parlons de réduire, même temporairement, les libertés individuelles de nos concitoyens. Nous devons donc peser chacune des dispositions qui nous sont soumises avec prudence et justesse, d’autant qu’il s’agit du quatrième – tout de même – projet de loi sur l’état d’urgence sanitaire et, nous l’espérons, du dernier.
En creux, la question de la stratégie vaccinale se pose.
Voilà deux semaines, monsieur le ministre, lors des questions d’actualité au Gouvernement, j’avais appelé votre attention sur l’importance d’un travail en cohérence avec les élus locaux pour assurer au mieux et le plus rapidement possible le déploiement de la vaccination.
La semaine dernière, vous laissiez entendre que quelques élus locaux ne seraient pas responsables, du fait qu’ils ouvraient des créneaux de rendez-vous surnuméraires pour avoir plus de doses ; en outre, vous assuriez que les maires auraient une visibilité à quatre semaines sur la distribution des doses. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) a dû publier un communiqué de presse pour démentir ces deux affirmations.
Un creux se fera sentir dans la vaccination des primo-vaccinés aux environs du mois de février, au moment même où, selon les projections, une nouvelle vague devrait submerger notre pays, ce qui est source d’une grande crainte. Des restrictions de liberté encore plus fortes seront alors très probablement envisagées.
Quand des pays comme l’Angleterre entrevoient 15 millions de vaccinés à la mi-février et que d’autres, comme Israël, qui compte déjà 7 millions de vaccinés, tablent sur 70 % de leur population vaccinée en mars, comment pouvons-nous nous contenter de l’espoir de 1, 3 ou 1, 4 million de vaccinés à la fin du mois ?
Vous nous demandez encore une fois de vous accorder un pouvoir exceptionnel – en somme, de vous faire confiance.
Pourtant, voilà moins d’une semaine, auditionné par la commission des lois, vous avez donné pour meilleure ligne d’horizon à l’été 15 millions de personnes vaccinées, parmi les plus fragiles, en précisant : « Avec toutes les personnes qui sont en maladie chronique et les personnes âgées de 60 ans et plus, on est plus proche des 25 à 30 millions de personnes, ce qui veut dire que, même avec la meilleure organisation et tous les approvisionnements qui arriveraient en temps et en heure, nous ne pourrions avoir vacciné tous les publics fragiles d’ici à l’été. »
Le soir même, miracle ! Vous annoncez à la télévision pouvoir vacciner d’ici à la fin d’août 70 millions de Français – soit plus que les 67 millions que nous sommes…
Monsieur le ministre, comment expliquez-vous cette différence faramineuse entre deux annonces faites le même jour ? Le chiffre donné le soir est-il tenable, réaliste, ou ne répond-il pas plutôt à l’assaut de critiques faisant suite au retard à l’allumage dans la livraison des vaccins et à votre manque d’ambition initial dans la stratégie vaccinale ?
Pour atteindre cet objectif, il faudrait, mes chers collègues, que la France soit en mesure de vacciner environ 327 000 personnes par jour, sept jours sur sept, entre le 1er février et la fin d’août, sans aucune rupture dans les livraisons de vaccins et de matériels – et encore, en supposant que les prochains vaccins soient rapidement autorisés sur le marché…
Or, justement, nous avons appris le week-end dernier que, après Pfizer et BioNTech, le laboratoire AstraZeneca annonçait des difficultés de production qui devraient conduire à un manque de l’ordre de 50 % dans les livraisons de vaccins prévues pour la France au premier trimestre de cette année. Le ministère de la santé a confirmé cette information hier. Ainsi, au lieu des 17, 5 millions de doses de décembre à mars prévues par le contrat initial, Paris n’en attendrait plus que 9 millions en février et mars.
Dimanche soir, le professeur Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique, a remis en question votre annonce de jeudi dernier, en expliquant : « Le problème de la pénurie relative des vaccins existe dans l’ensemble de l’Europe, mais aussi aux États-Unis ; on va vacciner un maximum de gens, probablement 6 à 8 millions de personnes d’ici à la mi-avril, mais il va nous falloir du temps, beaucoup de temps ; d’ici à la fin de l’été, on aura vacciné 40 % de la population française, pas plus. »
Lequel de ces scénarii est-il le plus probable ? Les prochains mois nous le diront sûrement. En tout cas, ces annonces ne doivent pas cacher la réalité de la situation actuelle : pendant ce temps, au-delà de la situation sanitaire terrible pour les Français, c’est une économie qui se meurt.
Je pense aux restaurants, aux bars et aux cafés, fermés depuis des mois et auxquels on fait miroiter désormais une possible ouverture en avril, après le fiasco de la date du 20 janvier. Je pense aux professionnels de la montagne, qui vont connaître une saison blanche, et aux professionnels du tourisme, qui misent tout sur la prochaine saison estivale. Aux professionnels de la culture, aussi, qui n’attendent que de voir rouvrir cinémas, théâtres et espaces de spectacle et de concert. Je pense encore aux professionnels de l’aviation. Et à tant et tant d’autres secteurs que je ne puis pas mentionner : les « non-essentiels », en réalité si vitaux pour notre économie et pour nos vies, bien malmenés ces derniers mois.
Monsieur le ministre, vous le comprenez, nous avons des réticences à vous donner encore ce pouvoir immense, en particulier après votre double message du 21 janvier dernier. Pourtant, comme les fois précédentes et comme il le fera toujours, le groupe Les Républicains du Sénat prendra ses responsabilités vis-à-vis des Français. C’est pourquoi, au regard de la situation sanitaire dégradée, nous voterons votre projet de loi, en respectant les équilibres résultant des propositions du rapporteur et des travaux de la commission des lois.
Nous le ferons pour garantir le dialogue démocratique et les libertés des Français, mais nous attendons du Gouvernement qu’il prenne la mesure de la situation dans ce contexte tout à fait inédit et qu’il ne cherche pas à pérenniser – pour ne pas dire banaliser – cette exception qu’est et doit rester un état d’urgence. Mes chers collègues, gardons en mémoire cette phrase de Victor Hugo, notre devancier dans cette chambre haute : « Sauvons la liberté, la liberté, sauve le reste ! »
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je commencerai par vous exprimer toute notre sympathie. Il y a quelques instants, en effet, un sénateur a cru bon de mettre en cause votre responsabilité personnelle ou celle résultant de vos actes dans le décès de son médecin de famille. Mes chers collègues, il y a des arguments qui ne doivent pas avoir droit de cité au Parlement !
Applaudissements.
Il est important que nous puissions discuter librement, sans qu’une position, comme l’a dit Éliane Assassi, soit assimilée à un coup de poignard dans le dos. Nous avons le droit d’être d’accord ou non, d’amender, dans le respect – nous sommes là pour cela.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Je tenais, monsieur le ministre, à vous le dire avec le cœur, sans que cela n’enlève rien, bien sûr, à nos désaccords sur ce texte.
Marie-Pierre de La Gontrie a exprimé la position de notre groupe, résolument attaché à ce que le Parlement joue pleinement son rôle. Nous pensons qu’il est quelque peu contradictoire de vouloir reporter la caducité de l’état d’urgence au 31 décembre, après avoir affirmé que, au mois d’août, tout le monde serait vacciné…
Au-delà de cette contradiction et de quelques autres, il est certain, comme presque tous les orateurs l’ont signalé, que, en toute circonstance, rien n’empêche le Parlement de se réunir pour statuer sur d’éventuels confinements ou couvre-feux, sans limite.
En outre, nous pensons que ce texte présente plusieurs lacunes.
Nous avons débattu du report des élections régionales et départementales, mais, plus globalement, nous avons besoin d’un débat de fond sur le fonctionnement de la démocratie en période de crise. On ne peut pas rafistoler tout le temps des systèmes ! Notre collègue Éric Kerrouche a avancé moult propositions dans ce domaine, parmi lesquelles le vote par correspondance et l’extension des périodes de vote. Je ne dis pas que ces formules sont parfaites, mais nous devons réfléchir au devenir de la démocratie, y compris en période de crise.
Manque aussi un volet social : on a assez dit le malheur des gens en grande précarité du fait de cette crise. Mme Dominique Simonnot vient de vous écrire une lettre, monsieur le ministre, qu’elle nous a transmise, sur les difficultés des détenus et des personnels des établissements pénitentiaires. Par ailleurs, nous avons beaucoup parlé de la situation des étudiants, dont beaucoup vivent très mal cette situation difficile et dépriment.
Il manque encore à votre texte, monsieur le ministre, un volet économique. Car ne croyons pas que, un jour, la dette s’évanouira comme par enchantement ! Nous devons nous préparer à faire face à la situation économique qui arrive et aux difficultés liées à la gestion de la dette, en mettant au premier plan l’exigence de justice !
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie d’avoir exprimé votre souhait de voter un texte portant sur une prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Je le dis, parce que, à l’Assemblée nationale, la quasi-totalité des groupes d’opposition ont voté contre ce projet de loi…
Madame la sénatrice Françoise Dumont, personne ne vote un état d’urgence sanitaire de gaieté de cœur !
Je n’ai pas, pour ma part, préparé ce texte sur l’état d’urgence sanitaire de gaieté de cœur. Couvre-feu, fermeture d’établissements recevant du public, limitation des déplacements, confinement : toutes ces décisions sont lourdes, pesantes, pour la France et les Français, leur vie sociale, économique, sportive et culturelle ; elles sont extrêmement lourdes de conséquences.
Nous avons décidé de confiner le pays à deux reprises. Cette mesure a été utile, indispensable, vitale puisqu’elle a permis de sauver un grand nombre de vies.
Nous devons veiller à la proportionnalité entre les mesures visant à protéger les Français et les conséquences qu’elles peuvent avoir, par exemple sur le plan de la santé mentale : un grand nombre de Français sont en souffrance, voire en détresse, en ont marre, notamment parmi les publics dits fragiles, dont les étudiants.
La question qui se pose, nous l’envisageons régulièrement, y compris avec les présidents des groupes parlementaires, que le Premier ministre continue à recevoir. On peut la formuler ainsi : d’autres mesures ont-elles été prises dans d’autres pays qui auraient fait la preuve de leur efficacité contre l’épidémie tout en entraînant moins de conséquences sur la vie des gens ?
Ce n’est pas une question d’orientation politique. La droite anglaise et la droite allemande, le centre-droit portugais, la gauche italienne et la gauche espagnole ont, sans exception, pris des mesures de couvre-feu, de confinement, de fermeture d’établissements recevant du public – la plupart des gouvernements ont même fermé les écoles. Quand on est en mode « survie » pour la population, on prend les décisions nécessaires… Au reste, je suis persuadé que, chacun d’entre vous, à quelque parti que vous apparteniez, vous prendriez, en responsabilité, des mesures de même nature si vous étiez à notre place.
Je vous remercie donc, monsieur le rapporteur, pour votre accord de principe sur ce texte.
Mme de La Gontrie a évoqué le risque de refus d’un certain nombre de mesures. J’observe que, contrairement à ce qui se passe dans certains pays autour de nous, comme les Pays-Bas, les Français, depuis le début, comprennent le sens des mesures que nous prenons, leur importance, et font preuve dans cette période d’un esprit de solidarité et d’un courage qui me rendent extrêmement fier en tant que ministre. Je suis convaincu que personne de raisonnable et de responsable ne soufflera sur les braises, et que les Français se sentiront soutenus par l’ensemble de leur classe politique dans la période que nous connaissons.
Vous avez raison, madame la sénatrice, la différenciation territoriale est importante. Nous l’avons appliquée systématiquement, chaque fois que nous le pouvions.
Le 24 décembre dernier, j’ai contacté les directeurs généraux des ARS de Bourgogne-Franche-Comté et du Grand Est, les présidents de région, des présidents de département et des maires, pour les interroger sur la nécessité de mettre en place un couvre-feu dans leur région – couvre-feu finalement mis en place le 2 janvier. Je leur ai demandé : « Où l’épidémie flambe-t-elle ? » Or elle ne flambait pas au cœur des villes, mais dans les toutes petites communes rurales, parmi les personnes âgées, parfois isolées. Allez comprendre pourquoi des personnes âgées, en zone rurale, au fin fond de la Bourgogne-Franche-Comté, étaient exposées…
On peut penser des mesures territorialisées et, je le répète, nous le faisons chaque fois que nous le pouvons et que cela a un sens – par exemple, pour le couvre-feu ; mais on ne peut pas considérer que des mesures de gestion générale devraient ne pas s’appliquer à certains territoires parce qu’ils sont moins urbains. La réalité, c’est que l’épidémie est particulièrement vicieuse : elle frappe là où on ne l’attend pas forcément – en Mayenne en juin dernier, en Guyane au cœur de l’été, aujourd’hui dans les Bouches-du-Rhône.
Monsieur Sueur, merci pour votre marque de soutien. Le sénateur Ravier, qui d’ailleurs est parti, a donné, une fois de plus, raison à Charles-Maurice de Talleyrand : tout ce qui est excessif est insignifiant… Votre collègue me paraît très, très excessif
Sourires.
: il démontre la réelle violence du Rassemblement national – une violence intense, morale et verbale.
M. Loïc Hervé opine.
Monsieur Malhuret, à propos de la grippe, j’avais fait un pari lors de mon audition au Sénat. Eh bien, figurez-vous qu’il me reste des doses de vaccin antigrippal, même si nous avons davantage vacciné que les années précédentes… La grippe est, à ce stade, plus faible, voire absente, dans notre pays, mais nous avons amélioré la couverture antigrippale. Nous serons capables d’organiser, avec la même dextérité, une campagne vaccinale massive, avec des vaccins d’usage assez simple, en nous appuyant sur les pharmaciens d’officine, les médecins, l’ensemble des professionnels et les centres.
À partir de mars, environ 1, 5 million de vaccins Pfizer, Moderna et, je l’espère, CureVac, auront déjà été attribués aux centres. Pour les vaccins supplémentaires, il faudra de toute façon s’appuyer sur les réseaux officinaux et les médecins.
Madame Dumont, en réponse à M. le rapporteur, j’ai déjà expliqué que, en additionnant les personnes qui ont une fragilité ou un âge les exposant à un risque de forme grave, on arrive à 25 à 30 millions de personnes. Je le répète, nous n’aurons pas fait les deux injections nécessaires à une protection vaccinale complète de ces 30 millions de personnes avant juin – avant l’été, si vous voulez.
Cela ne veut pas dire que nous n’aurons pas de quoi vacciner 70 millions de personnes – vous m’avez compris : tous les Français, certes un peu moins nombreux – d’ici à la fin du mois d’août. En effet, nous recevrons beaucoup de doses en juin, juillet et août. C’est pourquoi j’ai expliqué sur TF1 que nous aurions, si tous les vaccins sont validés et nous sont livrés, de quoi vacciner 70 millions de personnes.
Je reconnais que le sujet est complexe et j’ai lu un grand nombre d’articles affirmant que mon discours était contradictoire. Je profite donc de cette occasion pour préciser de nouveau mon propos.
Le rythme vaccinal – Mme Dumont a parlé de 300 000 personnes par semaine – n’est pas en soi un problème ; contre la grippe, on vaccine 5 à 6 millions de Français en une semaine…
Le seul enjeu, ce sont les doses. À cet égard, un laboratoire qui envisage de réduire de 75 % les quantités qu’il s’est engagé à nous livrer au premier trimestre, comme tout laboratoire qui ne respecterait pas ses engagements contractuels, met en difficulté la stratégie vaccinale et peut faire prendre du retard. Nous verrons : nous avons du temps et nous allons travailler avec l’ensemble de la filière industrielle pour compenser, rattraper tout ce qui sera possible.
Mme Assassi a affirmé que nous avions perdu un mois sur la campagne vaccinale. Mais, il y a un mois, nous n’avions pas de vaccins ! Évidemment, on peut toujours dire que nous avons mis quatre jours à décoller… Quant à la stratégie, je l’ai présentée trois semaines avant qu’un vaccin ne soit validé par une autorité européenne devant votre chambre parlementaire. On peut toujours critiquer, mais soyons factuels…
Je remercie le sénateur Mohamed Soilihi pour son soutien.
Madame Benbassa, je salue votre constance, puisque vous n’avez jamais voté un texte sur l’état d’urgence sanitaire ou le confinement. Être toujours contre est confortable, mais ne nous aide pas à prendre des mesures pour protéger les gens. Vous avez le droit d’exprimer votre désaccord, mais on ne fait pas avancer le schmilblick avec des non…
S’agissant enfin du débat parlementaire, sur lequel de nombreux orateurs ont insisté, il ne me pose aucun problème. Mais vous proposez une clause de revoyure au 3 mai : avec les vacances parlementaires, si je dois présenter un texte pour qu’il soit opérationnel avant le 3 mai, il faut que nous le préparions en mars. Or en mars, quoi qu’il arrive, nous aurons encore besoin d’outils pour protéger les Français.
Peut-être pouvons-nous trouver d’autres cadres de débat : je viens ici toutes les semaines, il y a les questions au Gouvernement, des travaux de contrôle, les réunions très régulières des présidents de groupe par le Premier ministre.
Soyons pragmatiques, en fixant des dates qui correspondent à des événements importants. Si vous votez pour l’état d’urgence qui nous autorise à confiner et que vous devez voter aussi pour le confinement, cela fait beaucoup de votes pour les mêmes dispositions. Ce n’est pas un problème de manque de temps ou de disponibilité pour le Parlement, mais il ne faudrait pas non plus emboliser les chambres – sans qu’il s’agisse de vous priver de débats, au contraire.
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour permettre à la commission des lois d’examiner les amendements déposés sur le texte.
Monsieur le président de la commission, de combien de temps avez-vous besoin ?
La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.
La séance est reprise.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
L’amendement n° 12, présenté par M. Cardon, Mme de La Gontrie, MM. Sueur, Kanner, Bourgi et Durain, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Antiste, Mmes Artigalas et Conconne, MM. Jacquin et P. Joly, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Mérillou, Mme Poumirol, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant l’urgence sociale chez les 18 – 25 ans. Dans ce rapport figurent également les dispositions prises par le Gouvernement en direction des publics jeunes et étudiants pour leur garantir l’accès à la dignité qui leur est due.
La parole est à M. Rémi Cardon.
La prolongation de l’état d’urgence est un sujet complexe. Sans parler de la crise environnementale que nous avons tendance à oublier, la crise sanitaire fait naître une crise économique, elle-même à l’origine d’une crise sociale redoutable. Il est donc nécessaire de légiférer pour adapter et accompagner notre pays dans cette crise sans précédent.
Cet amendement a pour objet de rappeler combien la jeunesse est dans une situation d’urgence sociale. Les conséquences économiques de la crise sanitaire de la covid-19 n’épargnent aucune couche de la société, mais elles frappent plus fortement et plus durement les jeunes entre 18 et 25 ans, qui sont très vulnérables en cette période.
Lors du débat sur la proposition de loi relative aux droits nouveaux dès 18 ans, qui visait à instaurer le revenu de solidarité active (RSA) pour les moins de 25 ans, le constat a été unanime sur toutes les travées de l’hémicycle quant à l’état social préoccupant, pour ne pas dire dramatique, de la jeunesse de notre pays.
Nous n’avons pourtant pas réussi à trouver d’accord sur l’accompagnement financier et matériel à mettre en place. La majorité sénatoriale s’est prononcée contre la proposition de loi et a préféré soutenir la piste suggérée par le Gouvernement d’étendre la garantie jeunes.
Tout en espérant que votre choix était le bon, je crains honnêtement et sincèrement qu’il ne soit insuffisant de tout miser sur l’insertion dans le monde du travail où les offres d’emplois fondent aussi vite que la banquise. Cela ne semble pas sérieux.
Notre mission de législateur passe aussi par le contrôle et l’évaluation des politiques publiques. Je vous propose donc un amendement relativement modeste qui vise à évaluer à court terme l’ensemble des dispositifs d’accompagnement des jeunes, afin de nous assurer que leur diversité ne transforme pas la forêt en jungle, si vous me permettez la comparaison.
Mes chers collègues, j’espère que vous dépasserez le clivage partisan. Si la situation des jeunes vous préoccupe réellement, je vous incite à adopter cet amendement dont le seul but est de nous doter de données supplémentaires, afin de prendre à l’avenir les bonnes décisions à leur encontre. C’est le moins que nous puissions faire, car ils le méritent.
Je remercie Rémi Cardon de porter une attention soutenue à la situation des étudiants. J’ai eu l’occasion de m’en entretenir avec lui, il y a une dizaine de jours, puisqu’il a présenté une proposition de loi visant à étendre le bénéfice du revenu social d’activité aux étudiants en difficulté. J’ai pensé que cette disposition comportait un certain nombre d’inconvénients.
Pour autant, monsieur le ministre, personne ne peut nier la situation extrêmement difficile dans laquelle beaucoup d’étudiants se trouvent. En effet, non seulement ils ont perdu le contact humain avec leurs camarades, l’université et leurs enseignants, même avec une journée de cours par semaine, mais en plus, ceux d’entre eux qui ont besoin de travailler pour financer leurs études, ont également très souvent été privés de la possibilité d’exercer leur emploi, qu’il s’agisse de cours particuliers à dispenser ou d’un travail dans les cafés et les restaurants.
Des mesures ont été prises, dont nous sommes nombreux à considérer qu’elles ne sont pas suffisantes.
Cependant, cher Rémi Cardon, votre amendement présente quelques défauts. Un rapport n’est pas une politique, et l’injonction donnée au Gouvernement par le législateur d’en produire n’a pas beaucoup d’impact sur la réalité de l’action publique. Elle se trouve être de surcroît inconstitutionnelle, car seule la Constitution peut enjoindre le Gouvernement à entreprendre telle ou telle action. Le législateur doit respecter la séparation des pouvoirs.
C’est pourquoi la jurisprudence constante de la commission des lois est de refuser les rapports. Celle-ci a donc émis un avis défavorable à votre amendement qui a cependant été l’occasion d’avoir un échange, aussi bref soit-il, sur la situation des étudiants. Nous devons continuer à nous montrer attentifs à l’évolution de cette dernière.
Monsieur le sénateur Cardon, les rapports sur l’ouverture du RSA aux 18-25 ans ne manquent pas. J’en ai moi-même commandé un, en tant que ministre, ou tout au moins j’ai demandé des éléments extrêmement factuels sur le sujet.
Vous avez raison de souligner l’urgence sociale chez les jeunes, qu’ils soient étudiants ou pas. Le Gouvernement a déjà apporté une réponse conséquente à cette situation, par le biais de mesures catégorielles spécifiquement destinées aux étudiants. Ils peuvent désormais bénéficier de deux repas au Crous, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires, au prix d’un euro, comme l’avait annoncé le Président de la République. Un « chèque psy » a été créé pour qu’ils aient accès au soutien psychologique dont ils ont cruellement besoin en ce moment.
Quant au plan « 1 jeune, 1 solution » qui a été proposé par Élisabeth Borne, j’ai eu l’occasion d’en débattre avec bon nombre d’acteurs qui se mobilisent pour le RSA jeune. Pour peu qu’il soit correctement appliqué et qu’il trouve son public, ce plan est beaucoup plus ambitieux que le RSA jeune, qui reste une allocation sociale sans accompagnement pratique pour un retour à l’emploi.
Le plan offre au contraire un panel de solutions, qu’il s’agisse ; de « l’école de la deuxième chance » à laquelle je crois beaucoup ; de l’apprentissage que nous soutenons grâce à une aide de 4 000 euros par an versée aux entreprises pour faciliter les embauches ; de la formation professionnelle ; ou de la garantie jeunes dont nous augmentons les volumes et dont nous reverrons la durée, s’il le faut, car c’est un bon dispositif complémentaire.
Le plan « 1 jeune, 1 solution » vise à ce qu’aucun jeune ne se retrouve sans proposition concrète. Toutes ces offres sont accompagnées d’une rémunération qui est supérieure à la rémunération théorique d’un RSA jeune. Le Gouvernement a mobilisé la somme globale de 6, 7 milliards d’euros pour ce plan, ce qui est un montant inédit.
Je dispose d’éléments factuels et chiffrés sur le coût du RSA jeune et ses bénéfices en termes de pouvoir d’achat. Encore une fois, les chiffres sont sans proportion égale avec ceux du plan « 1 jeune, 1 solution ». Nous devons le promouvoir dans nos territoires respectifs, auprès des entreprises, des préfets, des commissaires régionaux à la lutte contre la pauvreté. Il s’agit, je le redis, d’un plan très ambitieux, qui mérite qu’on fasse la démarche d’aller auprès des jeunes pour le leur faire connaître.
Quoi qu’il en soit, votre demande de rapport n’a pas grand-chose à voir avec l’état d’urgence sanitaire qui nous mobilise. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. –
Non modifié
II
1° Le I de l’article L. 3131-15 est ainsi modifié :
a) Le 6° est ainsi rédigé :
« 6° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public ainsi que les réunions de toute nature, à l’exclusion de toute réglementation des conditions de présence ou d’accès aux locaux à usage d’habitation ; »
b) Le 8° est abrogé ;
2° Au cinquième alinéa du II de l’article L. 3131-17, après le mot : « déroule, », sont insérés les mots : « pendant plus de douze heures par jour, » ;
3° L’article L. 3131-19 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le comité peut être consulté par les commissions parlementaires sur toute question concernant les sujets mentionnés à la quatrième phrase du premier alinéa du présent article.
« Un décret détermine les règles en matière de déontologie, de conflits d’intérêts, de confidentialité, d’indépendance et d’impartialité applicables aux membres du comité. »
L’amendement n° 8, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Cet amendement a pour objet de tirer les conséquences logiques de notre opposition claire à la prolongation de l’état d’urgence sanitaire, état d’exception institué par la loi du 23 mars 2020.
Les interrogations que nous avons exprimées il y a maintenant dix mois ont vu leur pertinence confirmée, mois après mois. Ni les restrictions des libertés publiques ni la mise sous cloche de la démocratie ne sont une nécessité sur le plan sanitaire. Elles sont l’aboutissement d’un choix juridique et politique qui confie au seul pouvoir exécutif l’essentiel des prérogatives.
Monsieur le ministre, les arguments sur l’efficacité de ces mesures que vous avez répétés à l’infini, depuis des mois, n’ont plus lieu d’être. Les fiascos successifs – faut-il le rappeler ?– des masques, gel et tests, l’inertie en matière de moyens supplémentaires pour l’hôpital public, le retard et les difficultés persistantes concernant le vaccin, suffisent à démontrer que l’efficacité de la gestion solitaire par le pouvoir exécutif a ses limites.
Les atermoiements de ces derniers jours et heures sont indécents. La population, les médias, les parlementaires et les élus locaux sont suspendus à la parole quasi divine du Président de la République : va-t-il décider de confiner ou pas ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi n’est-ce pas le Parlement qui prend cette décision si lourde de conséquences ? Si nous pouvions entendre l’urgence du mois de mars, il est possible aujourd’hui de prendre le temps de la démocratie et de laisser les représentants du peuple décider, ou au moins codécider des mesures à adopter pour la sécurité de nos concitoyennes et concitoyens.
Il faut pour cela de la transparence. Pourquoi le chef de l’État est-il le seul à détenir des informations sensibles et les chiffres divulgués au sein du « bunker » qu’est devenu le conseil de défense ? Le Parlement doit, lui aussi, pouvoir disposer des informations confidentielles nécessaires pour prendre les bonnes décisions.
Mes chers collègues, un outil constitutionnel existe pour permettre au Parlement de disposer des mêmes informations que l’exécutif, à savoir la réunion en comité secret prévue par l’article 33 de la Constitution.
Monsieur le ministre, allez-vous le mettre en œuvre afin que les assemblées soient informées et puissent décider ?
La commission a émis un avis défavorable, car nous pensons que dans les circonstances actuelles, il est responsable de continuer de demander aux Français de respecter un certain nombre de règles qui leur sont, certes, de plus en plus pesantes, mais dont le relâchement induirait les risques d’accélération des contaminations, dans un contexte sanitaire dont chacun perçoit parfaitement qu’il se dégrade de jour en jour.
Madame la sénatrice Apourceau-Poly, demain et après-demain, je serai aux côtés du Premier ministre pour recevoir les comités de liaison des différents chefs de groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Nous recevons également les partenaires sociaux, que ce soit les représentants des syndicats ou du patronat. Nous recevons aussi les associations d’élus. Qui pourrait donc dire qu’il n’y a pas de concertation ?
Pardonnez-moi de ne pas être d’accord avec vous, mais il n’y a pas d’atermoiements de la part du Gouvernement. Les processus de décision sont conformes au droit, à la Constitution et aux habitudes de fonctionnement de l’État. Cela n’empêche pas les uns ou les autres de s’exprimer dans les journaux et autres médias, selon une tradition propre à notre pays et qui perdure depuis un an.
Cependant, faut-il croire, au motif que M. Untel affirme qu’il faut confiner ou qu’un autre explique que le cousin du préfet a appelé la voisine de M. Bidule qui lui a dit que le confinement interviendrait à partir du 5 du mois, qu’il y aurait forcément un plan caché, de l’atermoiement, et qu’on livrerait les Français au « supplice chinois » avant de prendre une décision ? Ce n’est pas du tout la réalité !
Madame la sénatrice, quand vous dites que le Président de la République est le seul à disposer d’informations sensibles, précisez-moi celles dont vous voudriez disposer et que je n’aurais pas déjà données en transparence ! Je suis prêt à partager avec vous toutes les informations, notamment celles que j’ai encore livrées ce matin au Président de la République, en conseil de défense et de sécurité nationale.
J’ai fait de la transparence une règle. Pour l’anecdote, l’une des rares fois où il m’est arrivé de rentrer dans mes terres grenobloises, un ami m’a interrogé sur « ce qu’il y avait à savoir ». Je lui ai répondu qu’il n’y avait rien de plus que ce que j’avais dit en conférence de presse.
Celle de demain matin sera encore une fois l’occasion de donner toutes les informations dont nous disposons en termes épidémiologiques et sanitaires, chiffres et courbes à l’appui. Il n’y a pas d’information sensible qui ne soit pas partagée en totalité avec les Français.
Par conséquent, je vous repose la question, si vous considérez qu’il vous manque une information, précisez-moi laquelle et je vous la donnerai.
L’avis du Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1, présenté par Mme Benbassa, M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Le présent amendement a pour objet de supprimer l’alinéa de l’article 1er qui reporte au 31 décembre 2021 la caducité du régime juridique d’état d’urgence sanitaire.
Ce régime juridique exceptionnel doit être appliqué dans les délais les plus brefs et strictement proportionné au contexte sanitaire. Or la prolongation prévue jusqu’au 31 décembre 2021 nous apparaît excessivement longue et injustifiée.
Le Gouvernement s’était engagé à réviser ce cadre juridique dérogatoire avant le 1er avril 2021, mais il ne tient pas sa parole. Sa gestion centralisée et l’opacité des décisions prises lors du conseil de défense privent le législateur de tout contrôle, et les collectivités territoriales de toute concertation.
La gestion de cette épidémie devrait pourtant tenir compte des évolutions du virus en fonction des territoires, car le risque d’une dégradation sanitaire n’est pas le même en Guyane ou en Bretagne. Or l’exécutif ne prend nullement en considération ces disparités.
Enfin, la date retenue du mois de décembre 2021 entre en contradiction avec les prévisions du calendrier de vaccination. La campagne vaccinale doit en effet prendre fin en juin 2021 : pourquoi donc prolonger le régime de l’état d’urgence jusqu’en décembre ?
Telles sont les nombreuses incohérences qui nous conduisent à présenter cet amendement de suppression de l’article 1er.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par Mme V. Boyer, MM. Paccaud, Boré et Le Rudulier, Mme Belrhiti, M. Sautarel, Mmes Joseph et de Cidrac, M. Regnard, Mmes Garriaud-Maylam et Dumas, MM. Frassa et Bouchet, Mme Thomas, MM. Klinger, Belin et Saury, Mme Micouleau et MM. Genet, C. Vial et B. Fournier.
L’amendement n° 13 est présenté par Mme de La Gontrie, MM. Sueur, Kanner, Bourgi et Durain, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Antiste, Mmes Artigalas et Conconne, MM. Jacquin et P. Joly, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Mérillou, Mme Poumirol, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Remplacer la date :
31 décembre
par la date :
30 septembre
La parole est à Mme Valérie Boyer pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.
Cet amendement vise à « territorialiser » l’urgence sanitaire, en prenant en compte les critères locaux. Il n’a pas pour objet de fragiliser les mesures qui doivent nécessairement être uniformes au niveau national afin d’être lisibles et efficaces.
M. le rapporteur a insisté sur la nécessité de faire passer un message. C’est la raison pour laquelle je vais retirer cet amendement.
Néanmoins, il ne faut pas négliger les difficultés que nous rencontrons sur nos territoires. Lors de conférences avec le préfet, au téléphone ou en « visio », il arrive qu’il nous demande notre avis pour ne jamais en tenir compte.
Les acteurs locaux doivent changer leur manière de travailler, car ils ne participent pour l’instant qu’à des réunions d’information où la concertation n’existe pas. Il en découle une difficulté sur la territorialisation de l’état d’urgence.
Même si je comprends les arguments qui ont été donnés, la situation reste difficile à vivre sur le terrain, non seulement pour nous, mais aussi pour tous les collègues qui sont confrontés localement à la crise sanitaire et qui doivent faire face aux carences de l’État central.
Ma chère collègue, vous nous avez présenté l’amendement n° 4 rectifié bis. Qu’en est-il de l’amendement n° 2 rectifié bis ?
Nous n’avons jamais reçu autant de mails et n’avons jamais été aussi interpellés par les citoyens, qui souhaitent que l’on en termine avec cet état d’urgence.
Notre rôle est d’accompagner ce mouvement dans le cadre d’un débat respectueux et étayé avec le Gouvernement. Vous n’obtiendrez pas toujours notre vote, monsieur le ministre, mais nous serons toujours là pour vous faire part de ce que nous ressentons de l’état de la population, notamment de son épuisement psychologique.
Nous avons compris que le pilotage de cet état d’urgence était un pilotage fin : les différentes étapes de vaccination que vous nous avez présentées supposent une supervision millimétrée. Le pilotage démocratique de l’état d’urgence doit, lui aussi, être très fin.
La qualité des échanges que nous pouvons avoir avec vous, au Parlement, permettra d’accroître l’acceptation sociale de l’état d’urgence. Comme l’a souligné Philippe Bas jeudi dernier, lors de votre audition, l’état d’urgence impose des restrictions très importantes aux libertés publiques. Pilotons tout cela ensemble, dans la plus grande régularité, avec des échanges très réguliers.
Cet amendement vise donc à avancer la date de caducité du régime de l’état d’urgence du 31 décembre au 30 septembre 2021.
À cette date, nous pourrons apprécier la nécessité et la proportionnalité des mesures que vous souhaitez prendre et faire le point à la fois sur la situation de la crise sanitaire, sur l’état de la campagne vaccinale et sur les mesures sanitaires à adopter.
Mes chers collègues, vous vous souvenez certainement que c’est le Sénat, en mars 2020, qui a obtenu que l’état d’urgence sanitaire soit un régime temporaire. Le Gouvernement avait initialement proposé d’instaurer ce régime par analogie avec celui de la loi de 1955 sur l’état d’urgence – loi toujours en vigueur depuis soixante ans…
Nous avions alors dit que nous ne souhaitions pas ajouter dans notre droit un nouveau régime d’exception au nom duquel un gouvernement pourrait, à l’avenir, restreindre les libertés publiques. S’il nous paraissait utile de permettre au Gouvernement de disposer de pouvoirs exceptionnels pendant cette période de crise sanitaire, il fallait que ce dispositif soit temporaire et limité à la durée de la crise.
Nous avions estimé qu’une période d’un an conviendrait. Le Gouvernement nous avait en effet expliqué que, même si nous parvenions à juguler l’épidémie à l’été, il n’était pas impossible que cette dernière reparte à l’automne, comme c’est le cas de beaucoup de virus.
Or nous nous rendons compte aujourd’hui que ce qui nous paraissait prudent voilà près d’un an ne l’était peut-être pas suffisamment, puisque nous devons maintenir le régime de l’état d’urgence sanitaire au-delà de la date d’échéance du 1er avril prochain.
Ce régime confère certes au Gouvernement des pouvoirs d’exception, mais seulement s’ils sont activés, et pour une durée limitée. Autrement dit, ce n’est pas parce que le régime existe que les pouvoirs d’exception seront utilisés par le Gouvernement ; cela signifie simplement que le dispositif existe et que le Gouvernement peut y recourir.
Certains de nos collègues se demandent s’il ne serait pas préférable de porter le terme de ce régime de décembre à septembre 2021.
Il me semble que le choix de décembre est raisonnable. Par ailleurs, n’oublions pas que le Parlement doit se prononcer si le régime est activé pendant plus de deux mois et demi. En cas de confinement, mesure particulièrement grave et restrictive des libertés, le Parlement doit se prononcer dans les trente jours.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à ces trois amendements.
Je soutiens bien évidemment la position de notre rapporteur et je ne voterai pas ces amendements. En effet, il ne s’agit plus d’un état d’urgence, mais d’une pandémie chronique !
Monsieur le ministre et, si vous me le permettez, cher confrère, vous avez lancé un défi à Mme Assassi et vous êtes engagé à lui fournir les données dont elle ne disposerait pas. Je pense que vous tiendrez le même discours à mon égard… Je souhaite justement vous interroger très précisément sur trois données que je n’ai pas.
Premièrement, quelle est votre position sur l’ivermectine ?
Deuxièmement, quelle est votre position sur la vaccination passive au travers du traitement par anticorps monoclonaux ? L’Allemagne vient d’acheter des doses. Le gouvernement français travaille-t-il sur cette éventualité ?
Troisièmement, que pensez-vous d’un renforcement de l’isolement, qui est un confinement individuel, alors que le confinement collectif devient de plus en plus insupportable pour tous ?
Je vous remercie, monsieur le ministre, de me répondre précisément sur ces trois points. Il s’agit de traitements qui viendraient en sus de la campagne de vaccination et qui, peut-être, permettraient d’éviter une mesure aussi lourde qu’un confinement généralisé.
Monsieur Savary, je répondrai bien volontiers à deux de vos trois questions, la troisième portant sur une opinion, non sur des données factuelles.
Je n’ai pas vocation à faire part de mon opinion personnelle, même si j’entends parfaitement les impatiences et les questionnements. Le porte-parole du Gouvernement a déclaré, à l’issue du conseil des ministres, que beaucoup d’options étaient sur la table, y compris celle d’un « confinement très serré ».
En ce qui concerne les anticorps monoclonaux, plusieurs traitements sont potentiellement intéressants. Hier soir, une demande d’autorisation temporaire d’utilisation, ou ATU, de cohorte a été déposée auprès des autorités sanitaires françaises ; cette demande pourrait nous permettre d’exploiter l’un de ces traitements, ne serait-ce que dans le cadre d’une étude clinique. Mais les données sont encore trop fragiles pour une diffusion auprès de la population.
En ce qui concerne l’ivermectine, comme la colchicine ou d’autres traitements en « ine », il faut être extrêmement prudent. On se souvient d’ailleurs d’un traitement en « ine » dont on a beaucoup parlé dans notre pays… Il a fallu un peu de temps pour que les promoteurs les plus fameux de ce traitement reconnaissent eux-mêmes que les choses n’étaient pas aussi claires que cela.
Je vois passer sur internet des ordonnances recommandant, par exemple, d’associer colchicine et azythromycine, alors que le Vidal indique une contre-indication, car les interactions de ces deux médicaments peuvent avoir des conséquences sanitaires désastreuses.
Pour autant, il faut toujours avoir l’esprit alerte, et nous l’avons en France : lorsqu’un traitement peut faire preuve d’efficacité in vitro, nous nous donnons bien évidemment la peine de pousser cette piste, pour voir s’il est efficace ou non.
Pour l’instant, aucun résultat validé n’a été publié qui permette de penser qu’une quelconque molécule soit efficace, hélas. Nous verrons quelle sera la réponse des autorités sanitaires. C’est à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, quand elle sera saisie de la question, qu’il reviendra de dire en toute indépendance si elle souhaite mettre en œuvre des protocoles cliniques fondés sur l’ivermectine.
En ce qui concerne la colchicine, une revue canadienne a publié une étude que nous n’avons pas encore évaluée. Il faut donc rester prudent. Cela fait d’ailleurs un an que les Canadiens parlent de ce traitement… Chaque pays semble avoir son traitement miracle, mais celui-ci n’existe pas encore. Et cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas chercher ni se battre pour être prêt le jour où il sera trouvé.
En revanche, je crois aux vaccins : c’est factuel, c’est publié, c’est validé, et nous n’avons pas attendu pour les mettre à la disposition de la population.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
Sourires.
… mais je présenterai tout de même cet amendement, qui vise à supprimer les dispositions modifiant le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire, introduites sur l’initiative de la commission des lois du Sénat.
Ce n’est pas que les travaux de votre commission ne soient pas intéressants ou légitimes sur le fond, mais ils relèvent très clairement du texte que nous avions présenté en conseil des ministres, avant de le retirer – avec l’approbation des parlementaires, me semble-t-il –, pour en reprendre l’examen à froid, hors du contexte de crise sanitaire.
J’entends votre volonté d’adjoindre ces éléments, mais ce texte n’est pas, aujourd’hui, le bon vecteur. Et cela ne veut pas dire que nous ne reprendrons pas ces dispositions.
L’amendement n° 14, présenté par M. Leconte, Mme de La Gontrie, MM. Sueur, Kanner, Bourgi et Durain, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie et Antiste, Mmes Artigalas et Conconne, MM. Jacquin et P. Joly, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Mérillou, Mme Poumirol, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le deuxième alinéa de l’article L. 3131-13 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils sont destinataires, mensuellement, d’un rapport du Gouvernement rendant compte des décisions prises par les juridictions administratives dans le cadre des contentieux soulevés par l’application des mesures fondées sur le présent chapitre. » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Cet amendement vise à préciser et à renforcer le contrôle parlementaire prévu à l’article L. 3131-13 du code de la santé publique.
Nous demandons que le Gouvernement publie un rapport incluant une description des contentieux auprès du Conseil d’État liés à l’état d’urgence sanitaire.
Le document que nous recevons aujourd’hui comporte une cinquantaine de pages : deux requêtes sont présentées sur chaque page avec le nom des requérants et le sujet du litige, mais nous ignorons la réponse du Conseil d’État. Il est possible d’aller chercher le détail des contentieux, mais cela s’avère fastidieux. Or il peut être utile de connaître la position du Conseil d’État avant d’examiner un texte.
Monsieur le ministre, je profite de mon intervention pour revenir sur une question qui avait conduit à un échange un peu vif entre nous, en septembre dernier, sur les tests PCR, lesquels sont justement l’objet de contentieux auprès du Conseil d’État.
La semaine dernière, vous avez changé de nouveau les règles pour les voyages intraeuropéens, sauf pour les frontaliers – on se demande comment il est possible de protéger nos concitoyens en procédant ainsi !
Ce week-end, j’ai reçu beaucoup d’appels téléphoniques de personnes obligées, pour rejoindre la France, de faire un test PCR qui coûtait parfois de 120 à 150 euros, soit trois fois plus cher que leur billet d’avion ! Elles se sont retrouvées bloquées, car la décision avait été prise vendredi dernier.
Cet exemple montre qu’il serait utile que nous connaissions les dernières décisions du Conseil d’État, lequel a rappelé, cet été, que tout citoyen français avait le droit de rentrer sur notre territoire. Il s’agit de permettre au contrôle parlementaire de s’exercer dans les meilleures conditions.
L’amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Savin et Piednoir, Mmes Deroche et L. Darcos, MM. Hugonet, Savary et Levi, Mmes Belrhiti, Garriaud-Maylam et Micouleau, M. D. Laurent, Mme Joseph, MM. Longeot, Laménie, Bazin, Belin et S. Demilly, Mme Schalck, MM. Sol, Regnard, Courtial et Burgoa, Mme Puissat, MM. P. Martin, Folliot et Menonville, Mme Férat, MM. Bouchet, Laugier, Mouiller et Chauvet, Mmes Deseyne et Paoli-Gagin, MM. Vogel et Wattebled, Mmes Procaccia, Malet et Borchio Fontimp, M. Husson, Mme Guidez, MM. Gremillet, Houpert et E. Blanc, Mmes Boulay-Espéronnier et Lassarade, M. Genet, Mme Dumont, M. Henno et Mme Noël, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le I du même article L. 3131-15, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Les mesures prévues aux 2° et 5° du I du présent article ne peuvent conduire, ni à interdire aux personnes munies à cet effet d’une prescription médicale ou présentant un handicap reconnu par la maison départementale des personnes handicapées ainsi que l’encadrement nécessaire de pratiquer une activité physique dans un établissement sportif même couvert, ni à limiter leur accès à de tels établissements. » ;
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
Certaines personnes disposant d’une ordonnance d’activité physique adaptée, ou APA, ou se trouvant en situation de handicap reconnu par une maison départementale des personnes handicapées, ou MDPH, bénéficient d’un encadrement nécessaire à la pratique de leur activité.
Ces soins et activités peuvent être en partie dispensés en journée, mais l’impossibilité d’y avoir accès après dix-huit heures en raison du couvre-feu est très pénalisante. Il est aujourd’hui inacceptable que ces personnes ne puissent bénéficier des soins qui leur sont prescrits, soit en raison du couvre-feu, soit en raison d’un possible confinement à venir.
Une telle situation est d’autant plus inimaginable que les soins médicamenteux sont parfois moins efficaces que l’activité physique adaptée.
Autorisée depuis 2016 pour les affections de longue durée, l’APA a fait la preuve de son efficacité pour vingt-six d’entre elles. Nous en avons encore eu la confirmation lors de la table ronde sur le sport-santé organisée conjointement, la semaine dernière, par la commission de la culture et la commission des affaires sociales.
L’APA ne remplace pas les médicaments, mais s’associe pleinement aux traitements : elle permet ainsi de diminuer de 28 % la mortalité des malades du cancer du sein, d’assurer le maintien de l’activité physique des patients en rémission ou de diminuer de 48 % à 50 % le risque de récidive, ce qui est tout à fait significatif.
Cet amendement vise donc à permettre l’accès à l’ensemble des équipements sportifs, en plein air ou couverts, aux bénéficiaires de l’APA, en dérogeant au couvre-feu.
L’amendement n° 16, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Sueur, Kanner, Bourgi et Durain, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Antiste, Mmes Artigalas et Conconne, MM. Jacquin et P. Joly, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Mérillou, Mme Poumirol, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la fin de la première phrase du III du même article L. 3131-15, les mots : « de lieu » sont remplacés par les mots : « aux spécificités de lieu selon des caractéristiques liées au taux d’urbanisation et de densité démographique » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Cet amendement vise à reprendre un point que j’avais abordé en discussion générale, à savoir la nécessiter d’adapter les mesures de restriction aux spécificités des territoires.
L’article L. 3131-15 du code de la santé publique dresse la liste de l’ensemble des restrictions pouvant être décidées par décret. Il se conclut par une expression « valise » indiquant que les mesures prescrites doivent être « strictement proportionnées aux risques encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ». Fort bien !
Le ministre a évoqué des circonstances de fait pour montrer que le raisonnement que j’avais suivi en discussion générale n’était pas forcément pertinent. Quand bien même, des communes rurales peu peuplées sont plus contaminées que d’autres, ce qui témoigne justement de cette disparité des situations.
Comme l’a souligné Mme Boyer, nous savons que les Français vivent très difficilement ces mesures uniformes. Dans un premier temps, le Gouvernement avait d’ailleurs instauré un couvre-feu de manière différenciée selon les départements.
Il est essentiel d’adapter ces mesures à la situation locale. Je suis consciente qu’il s’agit d’un travail complexe, que l’on pourrait presque qualifier de titanesque, mais si les Français ont la certitude que les mesures sont adaptées à la situation de leur territoire, et non plaquées uniformément, ils accepteront d’autant mieux les contraintes considérables qu’ils subissent depuis plusieurs mois, me semble-t-il.
L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Paccaud, Boré et Le Rudulier, Mme Belrhiti, M. Sautarel, Mmes Joseph et de Cidrac, M. Regnard, Mmes Garriaud-Maylam, Lassarade et Dumas, MM. Frassa et Bouchet, Mme Thomas, MM. Klinger, Belin et Saury, Mme Micouleau et MM. Genet, C. Vial et B. Fournier, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la fin de la première phrase du III de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, les mots : « de lieu » sont remplacés par les mots : « aux spécificités de lieu lorsqu’elles ne s’appliquent pas, dans le dernier cas, de manière uniforme sur le territoire national ».
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Je me range aux arguments de M. le rapporteur et retire donc cet amendement, madame la présidente.
L’amendement n° 4 rectifié bis est retiré.
Quel est l’avis de la commission ?
Donner la position de la commission des lois est une tâche intimidante, madame la présidente, que je vais néanmoins m’efforcer de remplir.
Monsieur le ministre, nous sommes en désaccord, mais ce n’est pas si grave, et notre divergence n’est d’ailleurs que partielle : deux des trois mesures que nous avons ajoutées au texte et dont vous souhaitez le retrait ont été adoptées voilà quinze jours en conseil des ministres dans le projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires.
Il s’agit tout d’abord de reconnaître l’impossibilité de réglementer les réunions à la maison dans le cadre de l’urgence sanitaire. On ne peut pas mettre un gendarme au domicile de chaque Français et, par conséquent, on ne peut les sanctionner s’ils reçoivent du monde chez eux, sauf en cas de tapage nocturne. Dès lors, pourquoi refuser aujourd’hui ce que vous proposiez vous-même voilà quelques semaines ?
La deuxième disposition tire les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel précisant qu’une décision du juge des libertés est nécessaire pour maintenir en quarantaine plus de quatorze jours, pendant plus de douze heures par jour, nos concitoyens contagieux. Je ne vois pas d’inconvénient à inscrire dans la loi cette exigence du Conseil constitutionnel.
Enfin, la troisième disposition supprime la possibilité de prendre des mesures dérogatoires au contrôle des prix, dans la mesure où le droit commun permet déjà au Gouvernement d’atteindre cet objectif, à la seule condition de consulter le Conseil national de la concurrence, ce qui n’est tout de même pas une formalité impossible à remplir, même dans une certaine urgence.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 28. J’espère, monsieur le ministre, que vous vous y résignerez, eu égard aux explications que je viens de donner.
L’amendement n° 14 de M. Leconte et de plusieurs de nos excellents collègues du groupe socialiste vise à demander au Gouvernement la remise d’un rapport mensuel sur le contentieux administratif des mesures prises au titre de l’état d’urgence sanitaire.
Mes chers collègues, le Gouvernement, dont je ne suis pas le principal avocat ici, j’y insiste, a devancé votre désir, puisqu’il adresse toutes les semaines, et non tous les mois, les informations que vous demandez.
Monsieur Leconte, je vous vois venir : vous reprochez à ce document, qui est transmis aux groupes, de dresser une simple liste des requêtes. Toutefois, rien ne vous empêche, à partir de cette liste, d’aller consulter les décisions sur le site du Conseil d’État.
Vous n’allez tout de même pas demander au Gouvernement de vous mâcher le travail ! Nous savons, nous aussi, chercher l’information à la source. Peut-être voudriez-vous que le Gouvernement rédige un commentaire juridique pour bien vous faire mesurer la portée de ces décisions ?…
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Pour ma part, je souhaite faire ce travail en toute indépendance. À partir du moment où le Gouvernement m’aura fourni la liste des requêtes, je saurai très bien aller les consulter et, le cas échéant, interpeller le ministre sur telle ou telle décision dont il n’aurait pas suffisamment tenu compte.
Pour ces raisons, et sans même invoquer notre excellente jurisprudence, que je défends ardemment, visant à éviter de multiplier les injonctions au Gouvernement de faire des rapports, la commission est défavorable à l’amendement n° 14.
L’amendement n° 27 rectifié est intéressant, monsieur le ministre. Qu’êtes-vous prêt à en faire ?
Il s’agit d’un cas très circonscrit : certains de nos concitoyens ont besoin de faire de l’exercice pour leur santé ou leur rééducation, sous contrôle d’un professeur d’éducation physique et sportive ou, oserais-je dire en vieux français, d’un « coach ».
Sourires.
Il s’agit de leur permettre de faire ces exercices en dehors des horaires de travail, malgré le couvre-feu. Si vous acceptiez de prendre le décret nécessaire, étant entendu qu’il ne s’agit pas de créer une ligne de fuite au sein du couvre-feu, je suis certain que notre collègue retirerait cet amendement ; à défaut, la commission, qui estime que cette disposition pourrait être adoptée, s’en remettrait à la sagesse de notre assemblée.
Notre excellente collègue Marie-Pierre de La Gontrie propose, au travers de l’amendement n° 16, propose d’adapter les restrictions aux libertés prises dans le cadre de l’état d’urgence aux spécificités locales.
Ma chère collègue, vous n’avez pas l’habitude d’enfoncer des portes ouvertes, et moi non plus. Pour autant, nous n’avons pas besoin de cet amendement pour que cette exigence s’impose au Gouvernement dans ses décisions. En effet, l’article L. 3131-15 du code de la santé publique prévoit déjà que les mesures prises doivent être « strictement proportionnées au risque sanitaire encouru et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. ».
Pourquoi voulez-vous entrer dans le détail des circonstances de lieu et de temps ? Nous pourrions broder autour de cette notion, mais celle-ci est en fait assez courante. Je puis vous garantir que la règle que vous voulez poser existe déjà, raison pour laquelle la commission est défavorable à votre amendement.
Enfin, je remercie Mme Boyer, qui visait le même objectif, d’avoir parfaitement compris que la législation actuelle était suffisante et d’avoir retiré son amendement. À mon avis, madame de La Gontrie, vous devriez en faire autant.
Monsieur le rapporteur, l’article 42 du décret du 29 octobre 2020 prévoit déjà que les établissements sportifs peuvent continuer à accueillir, par dérogation, les bénéficiaires d’une prescription d’APA ou les personnes présentant un handicap reconnu par la maison départementale des personnes handicapées.
Cela montre, premièrement, que cette décision n’est pas du domaine de la loi, deuxièmement, que nous l’avons déjà prise, et, troisièmement, que nous ne l’avons manifestement pas assez fait connaître.
Le Gouvernement demande donc le retrait de l’amendement n° 27 rectifié, pour les raisons que j’ai évoquées, et il émet un avis défavorable sur l’amendement n° 16.
Le Gouvernement tient beaucoup à son amendement n° 28 : nous sommes d’accord sur le fond, monsieur le rapporteur, mais il s’agit de question de forme qui a son importance. Nous voulons remettre ces éléments de débat dans le bon contexte. Je ne veux pas me déjuger, et encore moins déjuger le Gouvernement.
Quel est donc l’avis de la commission sur l’amendement n° 27 rectifié ?
Monsieur le ministre, nous connaissions ce décret, mais il ne répond pas complètement à la question : il autorise simplement les établissements sportifs à accueillir certaines catégories d’usagers, notamment ceux qui ont des problèmes de santé ou qui sont handicapés. Des éducateurs sportifs diplômés peuvent aussi exercer leurs fonctions ou se former dans ce cadre.
Notre objectif n’est pas de définir par un décret les lieux où pourrait se pratiquer cette activité. Nous pensons même que, dans certains cas, cette dernière devrait se pratiquer en plein air. Nous voudrions simplement qu’elle puisse se pratiquer après dix-huit heures.
Nous parlons de personnes qui ont une prescription médicale ou un handicap justifiant qu’ils aient besoin d’une activité sportive. Ils peuvent continuer à l’avoir dans la journée !
Je le rappelle, le couvre-feu s’applique à toute la Nation, sauf quelques exceptions liées au travail ou à des problèmes de santé, notamment la consultation d’un médecin ou l’achat de médicaments. C’est la seule différence entre le décret et cet amendement, et je l’assume.
Pour ma part, je m’en remets à l’analyse de M. le rapporteur.
Certains éléments me permettent d’affirmer que le décret que vous avez évoqué, monsieur le ministre, ne satisfait pas complètement la demande que j’ai formulée. Il convient en effet d’ouvrir après dix-huit heures pour ce public très précis. M. le rapporteur l’a rappelé, le périmètre de l’amendement est très circonscrit.
Je le maintiens donc, profitant, en quelque sorte, de l’avis de sagesse émis par la commission. Il s’agit, si je puis dire, d’enfoncer le clou.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mon explication de vote porte sur les quatre amendements qui restent en discussion.
Notre groupe est défavorable à l’amendement n° 28 du Gouvernement, pour les raisons déjà rappelées et sur lesquelles je ne reviendrai pas.
Je trouve un peu étrange l’ironie de M. le rapporteur sur l’amendement n° 14. En effet, si l’on défend les droits du Parlement et la nécessité de son information, faire en sorte que les décisions administratives rendues sur requête puissent être communiquées aux parlementaires permet ensuite d’adapter la loi au mieux. Or tel est le sens de cet amendement, que nous maintenons donc évidemment.
Nous voterons l’amendement n° 27 rectifié, qui vient d’être défendu par M. Stéphane Piednoir. Je le confesse, je n’ai pas totalement compris la réponse du ministre. En revanche, j’ai très bien compris l’argumentaire des auteurs de l’amendement.
Enfin, s’agissant de l’amendement n° 16, j’entends les arguments de M. le rapporteur, selon lesquels l’article L. 3131-15 du code de la santé publique permet de satisfaire les dispositions prévues.
De ce fait, monsieur le rapporteur, connaissant votre exigence et votre précision, je suis très intriguée. Un seul amendement a été déposé par vos soins sur ce texte : il a justement pour objet l’article L. 3131-15 et vise à introduire une précision, laquelle doit donc également être satisfaite, si je suis votre raisonnement. Je ne comprends donc pas la cohérence de votre position.
De deux choses l’une : soit ces amendements sont satisfaits et ils n’ont pas lieu d’être, tout comme le vôtre d’ailleurs, soit ils ne le sont pas, et je vous suggère alors, mes chers collègues, d’adopter notre proposition, afin que les élus locaux puissent être consultés et associés, en vue de prendre les décisions les plus fines possible, en rapport avec leur territoire.
L’amendement n° 28 du Gouvernement touche à l’essentiel. Le ministre ayant exprimé sa position, nous connaissons l’issue de la navette parlementaire.
Nous aurons l’état d’urgence, sans les garanties demandées et sans le travail de la commission des lois du Sénat !
Le Gouvernement se dit disposé à informer, ce dont je prends acte. J’observe simplement, sans y voir un excès de condescendance à notre égard, monsieur le ministre, qu’informer n’est pas décider.
On vous a répondu, mes chers collègues, que, si vous étiez aux responsabilités, vous prendriez les mêmes mesures. Tel est justement le sujet ! Si, face à une situation grave, tous les groupes politiques des deux assemblées sont conduits à estimer qu’une mesure de confinement est nécessaire, il convient de partager la décision ! Celle-ci aura alors une autre force sociale.
Toute l’ambiguïté du Gouvernement est de demander l’état d’urgence en ayant sa propre idée sur la suite des opérations et en refusant une quelconque participation du Parlement.
Voilà quelques secondes, M. le ministre affirmait que tout ceci était parfaitement conforme à l’État de droit, et même à la Constitution. Mais bien sûr que non ! C’est justement parce que l’État de droit, monsieur le ministre, ne vous donne pas la possibilité de modifier les libertés, comme vous l’envisagez, que vous demandez l’état d’urgence.
Vous allez l’obtenir, sans qu’il soit assorti de garanties. Comprenez-le, c’est un problème institutionnel pour le Parlement, dont le rôle est complètement dénié. Il s’agit non pas d’une question d’ego, mais d’un problème institutionnel.
Par ailleurs, votre démarche soulève une difficulté liée à son acceptabilité pour la société civile, qui n’est pas associée, puisque le Parlement ne l’est pas.
Je formule une nouvelle fois notre demande, monsieur le ministre : il convient de prévoir un vote sur la décision qui sera prise d’un éventuel confinement. Dans ce cadre, nous pourrons prendre collectivement et rapidement nos responsabilités !
Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, MM. Paccaud, Boré et Le Rudulier, Mme Belrhiti, M. Sautarel, Mmes Joseph et de Cidrac, M. Regnard, Mmes Garriaud-Maylam et Dumas, MM. Frassa et Bouchet, Mme Thomas, MM. Klinger, Belin, Saury et Savary, Mme Micouleau et MM. Genet et B. Fournier, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après la troisième phrase de l’article L. 3131-19 du code de la santé publique, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il comprend également parmi ses membres deux députés et deux sénateurs. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mes chers collègues, avant de présenter cet amendement, permettez-moi de remercier la commission des lois, qui a déjà adopté un amendement que j’avais déposé visant à autoriser les commissions parlementaires à saisir le conseil scientifique sur des questions relatives à la crise sanitaire.
Même si l’Opecst, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, organe bicaméral et transpartisan, joue le rôle de conseil scientifique pour le Parlement, de nombreuses décisions ont été prises, ces derniers temps, au sein du conseil scientifique, qui a parfois joué le rôle du Parlement, tandis que le président de cette autorité jouait le rôle du Gouvernement !
Sans remettre en cause le rôle et l’importance des scientifiques dans la crise sanitaire, cet amendement vise à mieux associer le Parlement aux travaux du conseil scientifique, afin de conforter le rôle de ce conseil, tout en permettant d’enrichir utilement le travail parlementaire.
Ainsi, cet amendement a pour objet que deux députés et deux sénateurs, l’un de la majorité et l’autre de l’opposition, fassent partie de ce conseil. Nous reprenons, je le précise, la proposition n° 9, formulée dans le cadre de la mission flash sur le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire par le député Philippe Gosselin.
Vous-même, monsieur le ministre, avez été député. À l’époque, vous étiez tout à fait à même de comprendre les délibérations du conseil scientifique. En outre, compte tenu de l’importance de cette instance, du manque de transparence de ses décisions et de l’importance de ces dernières sur nos vies, le Parlement devrait, me semble-t-il, exercer un contrôle beaucoup plus approfondi de ce conseil.
Cette demande ne me semble pas jeter l’opprobre ou la suspicion. Au contraire, la mise en œuvre d’une telle mesure permettrait de créer un climat de confiance, lequel s’étiole malheureusement au fur et à mesure que la crise sanitaire perdure.
Dans la mesure où nous entrons dans une sorte de crise sanitaire chronique, il me semble important que des membres du Parlement intègrent le conseil scientifique.
Ma chère collègue, je vous remercie d’avoir rappelé que la commission, inspirée par votre travail, avait déjà resserré les liens entre le Parlement et le conseil scientifique, en permettant aux commissions parlementaires de saisir celui-ci.
Parmi les amendements relatifs au Comité scientifique que vous avez présentés, celui auquel nous avons souscrit et que nous avons intégré au texte de la commission est sans doute le plus important.
Les dispositions de l’amendement n° 3 rectifié bis relèvent d’une conception que je respecte, mais qui ne correspond pas exactement à l’approche retenue par la commission.
Au fond, votre souci est le même que le nôtre. Il s’agit d’assurer la crédibilité des avis du conseil scientifique, afin que ces derniers, dont le rôle est déterminant dans la décision politique, inspirent davantage confiance à la population.
Toutefois, si l’on mélange des politiques et des scientifiques pour dégager un consensus scientifique et si les politiques peuvent peser sur une discussion scientifique, on risque de soulever encore plus de doutes. En effet, au lieu de prendre en considération exclusivement les données de la science, on s’appuierait également sur les impératifs portés par les représentants de la Nation. Par conséquent, si la composition du conseil scientifique était ainsi modifiée et politisée, celui-ci serait encore plus critiqué.
Telle est la raison pour laquelle, malgré la référence que vous faites à l’excellent rapport auquel a collaboré mon collègue parlementaire de la Manche Philippe Gosselin, dont j’apprécie particulièrement le travail, la commission ne peut souscrire à cet amendement, ce que je regrette.
Monsieur le rapporteur, je comprends vos propos. Je réitère d’ailleurs mes remerciements pour ce qui concerne l’amendement retenu par la commission.
Toutefois, je regrette que l’on ne puisse pas aller plus loin. Il s’agit, selon moi, d’une nécessité. Sans politiser ni polémiquer, il convient d’informer et de rendre les choses plus transparentes. M. le ministre nous a encouragés à poser toutes les questions que nous souhaitions. Or il me paraît important, notamment, de savoir comment les décisions sont prises.
Quand le président du conseil scientifique prend la parole, à quel titre le fait-il ? Parle-t-il en son nom propre, sur la demande du Président de la République ou sur celle du conseil scientifique ? Toutes ces questions jettent le trouble dans l’opinion publique et créent un climat de défiance ne permettant pas d’améliorer nos relations dans cette crise sanitaire, surtout quand celle-ci tend – c’est du moins ce qu’on pressent – à devenir chronique.
C’est la raison pour laquelle j’aurais apprécié que nous allions plus loin, afin de mieux accompagner nos concitoyens dans les difficultés qu’ils traversent. Nous avons tous le souci de voir nos libertés un peu moins bridées et d’être mieux informés. En effet, quand on ne comprend pas comment les décisions sont prises, on les accepte moins bien : c’est exactement ce qui est en train de nous arriver !
En tant que membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et vice-présidente depuis un certain nombre d’années, je puis dire que nous travaillons en permanence avec tous les scientifiques. Cela ne pose pas de problème.
Ainsi, nous auditionnerons jeudi dernier au soir M. Delfraissy, que notre collègue vient d’évoquer. Les sites de l’Assemblée nationale et du Sénat permettent même à la population, en amont, de formuler les questions qu’elle souhaiterait nous voir poser.
Selon moi, le moyen le plus efficace de ne pas rompre le lien de confiance avec la population serait, pour le Gouvernement, de suivre un peu plus systématiquement les avis de l’Opecst.
Chaque fois, nous faisons en sorte que les rapporteurs soient d’une couleur politique différente, afin de donner plus de poids aux rapports qu’ils rendent. Je pense notamment au rapport sur la stratégie vaccinale, qui a fait l’objet de plusieurs mois de travail, en collaboration avec des scientifiques.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote sur l’article 1er.
On parle beaucoup de la lassitude des Français face à l’arrivée imminente d’un possible nouveau confinement.
On parle moins, à l’exception de certains de mes collègues, de la lassitude des parlementaires face à un gouvernement qui, certes, affronte une pandémie d’une rare gravité, mais qui souhaite le faire seul, en conseil de défense ou avec un conseil scientifique créé ex nihilo, dont les membres sont choisis sans l’intervention du législateur, si j’en crois ce que nous a expliqué M. le rapporteur.
Monsieur le ministre, vous nous présentez aujourd’hui une énième loi sur l’état d’urgence sanitaire. Toutefois, la périodicité des consultations des assemblées et leur incapacité à voter, notamment lors des déclarations du Gouvernement – je pense à l’annonce de la politique vaccinale –, pèsent sur notre démocratie, peut-être plus que vous ne le pensez.
Quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, les sénateurs ont exprimé aujourd’hui leur souhait d’être consultés plus régulièrement. Le combat que nous menons tous contre la covid ne doit pas se faire au prix de renoncements à des libertés décidés uniquement par l’exécutif.
Le trop grand nombre de mesures restrictives de liberté prises au nom de l’état d’urgence aurait dû être justifié devant le pouvoir législatif. Si je comprends des restrictions parfois nécessaires, je ne puis me résoudre, à l’instar de mes collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, à ce que la discussion cesse entre les parlementaires et le Gouvernement, au nom d’une urgence qui se pérennise.
Mauvais hasard du calendrier, voilà quarante-cinq minutes, l’Assemblée nationale a voté à la majorité la dissolution de la mission d’information sur la covid-19, qui avait déjà remis deux rapports et qui aurait pu être prolongée. Je le déplore, car c’est un mauvais signal.
L ’ article 1 er est adopté.
L’amendement n° 18, présenté par Mmes Lubin et de La Gontrie, MM. Sueur, Kanner, Bourgi et Durain, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Antiste, Mmes Artigalas et Conconne, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Le Houerou, M. Mérillou, Mme Poumirol, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
En cas de déclaration ou de prorogation de l’état d’urgence sanitaire, il est réuni sans délai un comité de suivi économique et social.
Son président est nommé par décret du Président de la République sur proposition des Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Le comité de suivi économique et social comprend neuf députés et neuf sénateurs, nommés pour la durée de l’état d’urgence et désignés suivant une procédure visant à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques. Ce comité comprend également dix-huit personnalités qualifiées nommées par décret.
Le comité de suivi économique et social rend bimensuellement des avis sur la situation des personnes ayant perdu leurs revenus, n’ayant plus moyen d’accéder à de nouveaux revenus ou privés des moyens de subsistance du fait de la déclaration ou de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et de ses modalités.
Il rend bimestriellement au gouvernement et au Parlement des recommandations visant à permettre à ces personnes d’accéder aux moyens de leur subsistance.
Les membres du comité de suivi économique et social ne sont pas rémunérés et aucun frais lié au fonctionnement de ce comité ne peut être pris en charge par une personne publique.
La parole est à Mme Michelle Meunier.
L’état d’urgence sanitaire et ses modalités ont pour effet de priver une partie de la population de toute source de revenus et de tout accès à des moyens de subsistance.
C’est par exemple le cas des bénéficiaires de contrats à durée déterminée d’usage, des jeunes de moins de 25 ans en situation de précarité et de toutes les personnes indépendantes, en emploi ou éloignées de l’emploi, qui subissent de plein fouet la destruction d’emplois liée à la crise sanitaire.
Cet amendement a pour objet de créer un comité de suivi économique et social visant à documenter la situation des personnes concernées et à formuler des propositions et recommandations permettant de ne pas les laisser sur le bord du chemin.
On ne peut pas faire le parallèle entre la convergence des analyses scientifiques dans le cadre du conseil scientifique et un comité économique et social qui devrait statuer tous les quinze jours sur les pertes de revenus des Français. Ces dernières n’ont pas besoin d’un éclairage scientifique.
En effet, nous avons déjà, au sein du ministère de la santé, la Drees, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, au sein du ministère du travail, la Dares, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, et, au sein du ministère des finances, l’Insee.
Tous ces éléments font l’objet de publications régulières. S’il est vital de surveiller l’évolution des revenus des Français quand il y a une crise économique, il n’est pas besoin, pour ce faire, d’instituer un organisme supplémentaire.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 3 mai 2021 au plus tard, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux conséquences sanitaires dues à la pandémie de covid-19 sur les établissements médico-sociaux et les établissements thermaux. Ce rapport détaille les mesures et les modalités garantissant l’accueil et la prise en charge des personnes au sein de ces établissements.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
La pandémie a placé une partie des établissements médico-sociaux et thermaux dans une situation particulièrement préoccupante. Qu’il s’agisse de l’accueil des personnels, des soignants ou bien des patients et des visiteurs, ces établissements souffrent de ne plus pouvoir fonctionner normalement.
Leur spécificité thérapeutique, tout particulièrement celle des stations thermales, mérite d’être prise en compte, afin de permettre au plus tôt la reprise d’une activité garantissant la sécurité et l’intégrité physique des personnels, des soignants et des patients.
Je reste persuadée, monsieur le ministre, que ces établissements thermaux seront, demain, des atouts incontournables dans les soins post-covid, notamment pour ce qui concerne l’appareil respiratoire.
Par cet amendement, il s’agit d’assurer une information auprès du Parlement sur cette situation et les solutions qui pourraient être apportées aux établissements médicaux et, plus spécifiquement, thermaux.
Je ne me fais pas d’illusion quant au sort qui sera réservé à cet amendement d’appel, qui est destiné à rappeler la détresse de nos territoires de montagne, déjà frappés par les fermetures des stations de ski. Ces dernières cumulent souvent, notamment dans les Hautes-Pyrénées, une activité thermale.
Je souhaite qu’une telle spécificité soit prise en compte, monsieur le ministre, dans les évaluations de l’impact de la crise que vous serez amené à faire. J’appelle également mes collègues sénateurs à considérer, dans le cadre de la mission d’information destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restriction de l’activité, la spécificité du thermalisme.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 17, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Bourgi et Durain, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Antiste, Mmes Artigalas et Conconne, MM. Jacquin et P. Joly, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Mérillou, Mme Poumirol, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 16 avril 2021 au plus tard, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux conditions sanitaires des personnes détenues ou retenues dans des établissements privatifs de liberté, dans le contexte de l’épidémie de covid-19. Ce rapport détaille les modalités mises en œuvre par les pouvoirs publics pour assurer dans tous les locaux clos ou partagés de ces établissements, la mise à disposition gratuite de matériels de protection à destination des personnes détenues ou retenues et du personnel ainsi que la stratégie vaccinale déployée à destination de ces personnes.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Comme Mme Carrère, je connais parfaitement les us et coutumes de la commission des lois. Aussi, monsieur le rapporteur, il sera inutile de me rappeler que cet amendement vise à prévoir un rapport, puisque je le sais parfaitement.
Néanmoins, si nous persistons dans la présentation de cet amendement, c’est parce que la situation des personnes détenues ou placées en centre de rétention est très sensible, compte tenu des caractéristiques particulières liées à leurs conditions d’enfermement.
À cet égard, elles risquent d’être plus touchées que la population générale par certaines infections liées à la covid-19. Ces personnes bénéficient du droit fondamental à la protection de la santé consacré par le préambule de la Constitution de 1946, qui implique que leur soit assurée la sécurité sanitaire, dans le respect du code de la santé et de la déontologie médicale.
Or il ressort de la jurisprudence administrative que le port du masque, obligatoire dans les lieux clos, ne l’est plus en cas de détention. J’insiste sur ce point, mes chers collègues.
Dans ces conditions, la question de l’accès au vaccin des personnes retenues et détenues se pose avec d’autant plus d’insistance, dans la mesure où les prisons et les centres de rétention sont des milieux à haut risque de transmission du virus.
Il est de la responsabilité de l’État de mettre en place au sein des prisons et des centres de rétention un dispositif sanitaire permettant de faire face à ce problème de santé.
Monsieur le ministre, je me permets d’évoquer de nouveau la lettre très argumentée de Mme Dominique Simonnot, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. J’espère que vous pourrez y répondre dans des délais rapides, puisqu’elle fait état, dans ce courrier, de la lettre qu’elle vous avait adressée le 23 décembre dernier et à laquelle elle n’a toujours pas reçu de réponse.
Je sais que vous êtes très occupé ; néanmoins, je me permets de relayer ses préoccupations.
M. Sueur ne sera pas surpris de l’avis défavorable de la commission sur cet amendement.
En le défendant, son souhait est surtout de vous entendre, monsieur le ministre, s’agissant des risques de contamination dans les prisons. Sans doute pourrez-vous ainsi vous économiser un rapport, en nous disant dès maintenant la manière dont vous prenez en charge cette problématique essentielle.
Monsieur le ministre, je souhaite donc que vous puissiez nous apporter les explications nécessaires, que tous nos collègues souhaitent certainement connaître, tout en émettant un avis défavorable sur cet amendement.
Il s’agit d’un sujet éminemment important, dont je me suis entretenu tout à l’heure avec le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, en marge du conseil des ministres.
Je ne vous satisferai pas sur le fond, monsieur le rapporteur. En effet, j’ai prévu de rencontrer Mme Simonnot, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, le 10 février à mon ministère, pour que nous ayons un échange concret et que nous puissions aboutir dans la foulée.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Non, je le retire, madame la présidente, eu égard aux engagements que va prendre M. le ministre !
I. – À l’article 1er de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire, la date : « 16 février 2021 » est remplacée par la date : « 3 mai 2021 ».
II
Le présent II s’applique aux mesures entrées en vigueur à compter du 26 janvier 2021.
Monsieur le ministre, on ne peut le nier, l’incertitude dans laquelle sont plongés les Français depuis maintenant un an relève en grande partie de la responsabilité du Gouvernement.
Aujourd’hui, vous souhaitez obtenir de cette assemblée un nouveau blanc-seing pour une gestion solitaire de la crise sanitaire.
Or, si la lutte contre l’épidémie est une priorité nationale, bon nombre des mesures prises sont attentatoires aux libertés individuelles. Celles-ci ne peuvent plus être mises en œuvre sans une consultation régulière du Parlement.
En ce sens, mon groupe et moi-même nous réjouissons de la nouvelle rédaction de l’article 2, qui prévoit qu’aucune mesure de confinement ne pourra être prolongée au-delà d’un mois sans l’autorisation préalable du Parlement.
À ce titre, nous demandons au Gouvernement plus de transparence sur la question du reconfinement.
Que pensez-vous, monsieur le ministre, de votre stratégie concernant cette épidémie ? Après une accumulation de couacs, nous sommes en droit de nous demander si ceux-ci ne se transforment pas en « Titanic de la communication », comme le dit déjà le professeur Philippe Moreau-Chevrolet.
Enfin, jeudi dernier au matin, alors que vous étiez auditionné par la commission des lois, vous disiez que le Gouvernement ciblait la vaccination de « 15 millions de personnes d’ici à l’été ». Le soir du même jour, vous affirmiez sur TF1 que le Gouvernement aurait fait vacciner 70 millions de Français d’ici à l’été… Qui dit vrai ? L’Olivier Véran du matin ou celui du soir ?
Nous vous demandons, monsieur le ministre, plus de rigueur dans vos chiffres ou, peut-être, moins de tergiversations inutiles.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
L’amendement n° 9, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Cet amendement de suppression de l’article 2 vise clairement à mettre un terme à toute prorogation de cet état d’exception.
Nous avons bien noté la volonté de la majorité de la commission des lois et de son rapporteur, volonté immuable, mais malheureusement peu efficace, d’atténuer les effets antidémocratiques de l’état d’urgence, ainsi que les attaques contre les libertés publiques.
Toutefois, de notre point de vue, si l’on veut remédier à cette mise sous cloche de la démocratie et du pays tout entier, il faut au moins redonner toutes ses prérogatives au Parlement.
N’en déplaise au Gouvernement, nous ne sommes plus en état d’urgence, mais en état de crise ! Or, pour résoudre cette crise profonde et dangereuse, il faut s’appuyer sur toutes les forces du pays, donc sur les institutions nationales et locales, comme l’a signalé la présidente de notre groupe, Mme Éliane Assassi, dans son intervention de tout à l’heure.
L’exercice solitaire du pouvoir ne porte pas ses fruits, vous le voyez bien. Affirmer que nous sommes les meilleurs ne suffit pas ; il faut, avec lucidité, regarder en face l’état de notre système de santé publique et de notre industrie pharmaceutique. Un sursaut national est aujourd’hui nécessaire pour en terminer avec la pandémie.
Le Parlement ne saurait être écarté de ce combat ; il doit en être un acteur majeur, en lien, bien sûr, avec les collectivités locales. La position de la commission des lois est utile, mais elle reste dans l’entre-deux. Cette crise sanitaire suscite – il ne faut pas se voiler la face ! – une crise institutionnelle. Notre devoir est aujourd’hui de dire « stop » et de proposer un autre mode de gestion de la crise.
Nous proposons donc de refuser la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, que ce soit jusqu’au 3 mai ou jusqu’au 1er juin.
Ma chère collègue, je vous le dis respectueusement, lorsque l’on appartient à un groupe minoritaire d’une assemblée, on ne se sent peut-être pas obligé d’assumer le poids des responsabilités. Mais, si vous étiez au gouvernement, croyez-vous vraiment que vous pourriez lutter contre la covid-19 sans que soit prise aucune mesure de restriction des interactions sociales entre les habitants de notre pays afin de réduire les contaminations ?
Il nous faut, me semble-t-il, être responsables. Et si vous supprimiez toute possibilité pour les pouvoirs publics d’agir pour réduire la circulation du virus, vous vous retrouveriez, dans l’hypothèse où vous seriez aux responsabilités, dans une situation intenable – on a vu ce qui s’est passé aux États-Unis comme au Brésil, où l’on n’a pas voulu prendre au sérieux l’épidémie et où l’on n’a pas pris les mesures nécessaires : ce sont les pays qui, aujourd’hui encore, comptent le plus de victimes.
Je crois donc qu’il est responsable de donner au Gouvernement des moyens d’action comme il est responsable, mais, en contrepartie, que nous contrôlions, nous, parlementaires, l’exercice de ces moyens aussi étroitement que possible.
Nous sommes la représentation nationale, et les Français attendent de nous que nous veillions à ce que les restrictions des libertés soient aussi réduites que possible, c’est-à-dire proportionnées aux objectifs visés. Ces derniers, nous les connaissons tous : il s’agit de contenir cette épidémie qui empoisonne actuellement la terre entière.
L’avis de la commission est donc évidemment défavorable sur cet amendement, et je vous invite à partager le sens des responsabilités qui s’exprime sur toutes les travées : un gouvernement doit avoir les moyens d’agir.
Je bois littéralement les paroles de M. le rapporteur ! Depuis le début de cette séance, je suis parfaitement en phase avec lui.
La responsabilité, c’est être capable d’assumer, d’assumer encore et d’assumer toujours les mesures que l’on prend quand on estime qu’elles sont nécessaires et, en l’occurrence, indispensables et – j’irai même plus loin – vitales pour la santé de nos concitoyens.
Encore une fois, et comme je le dis à chaque occasion, si des solutions existent qui permettent d’éviter de restreindre les libertés tout en freinant le virus, je suis preneur !
De telles solutions, nous ne les avons pas découvertes ; l’Europe non plus, les États-Unis non plus, la Russie non plus, l’Australie non plus, le Japon non plus, la Corée du Sud non plus
Mme Michelle Gréaume s ’ exclame.
C’est peut-être qu’il n’y a pas, à ce stade, d’autres moyens de lutter efficacement contre la diffusion d’un virus aussi contagieux que celui-ci.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Nous ne voterons pas cet amendement, mais nous sommes nombreux à souhaiter réagir aux propos de M. le rapporteur.
Monsieur le rapporteur, ce n’est pas parce que l’on n’est pas d’accord avec vous que l’on est irresponsable ! Et je ne trouve pas acceptable de dire à l’un de nos collègues parlementaires qu’il est irresponsable parce qu’il est minoritaire. Nous faisons tous ici preuve d’un investissement sérieux sur ce sujet, et un tel propos est à la limite de l’insulte.
Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.
Je veux moi aussi répondre à M. le rapporteur.
Je suis peut-être dans la minorité, mais si j’étais dans la majorité, et si j’étais au gouvernement, j’essaierais d’associer tout le monde ! Ne nous prenez pas pour des irresponsables ! Rien dans cet amendement ne peut le laisser penser.
Tout ce que nous demandons, c’est que le Gouvernement fasse travailler tout le monde, et surtout le Parlement, parce que c’est nécessaire.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC.
Monsieur le rapporteur, je prends la suite de mes deux collègues pour vous dire que vos propos ne sont pas acceptables : il n’y a pas ici des gens qui sont responsables et d’autres qui sont irresponsables !
Il n’y a que des gens en pleine responsabilité. Et nous sommes tous parlementaires.
Oui, à égalité. Notre groupe, comme l’ensemble des groupes d’opposition, fait preuve, depuis neuf mois, d’une grande responsabilité. Et nous avons fait beaucoup de propositions, …
… depuis le début de la crise, dans le cadre des nombreux débats que nous avons eus sur les projets de loi de finances rectificative successifs et sur les prorogations de l’état d’urgence, pour mieux associer le Parlement au travail effectué.
Vous dites que nous sommes associés, et que c’est bien suffisant. Nous considérons, nous, que ce n’est pas satisfaisant.
Je peux vous le dire en toute tranquillité, monsieur le rapporteur : si vous considérez que le retour tous les quatre mois devant le Parlement, les questions d’actualité et les auditions des ministres que nous menons via nos différentes commissions sont pleinement satisfaisants pour répondre à la crise sociale, sanitaire et économique que nous traversons, nous avons là une divergence.
Le Gouvernement a fait un choix : celui de gérer seul cette crise.
Seul ! Nous considérons, nous, que le Parlement n’est pas un ralentisseur de la démocratie ; nous pensons qu’il est une des clés pour sortir de cette crise épidémique, sanitaire, sociale et économique.
Le Gouvernement, lui, répond « non » ! Et je suis désolé de vous le dire, monsieur le rapporteur, mais que vous vous associiez ainsi au Gouvernement dans sa gestion solitaire de cette crise, cela nous surprend un peu…
C’est tout ce que nous avons voulu dire en déposant cet amendement, et nous continuerons à soulever un certain nombre de débats politiques, parce que nous considérons qu’il faut beaucoup de débats politiques en ce moment !
Nous avons un grand débat sur le thème : « Comment sortir de la crise sanitaire ? » Mais les grands oubliés de tous nos débats, pour l’instant, ce sont la crise sociale, qui est là et bien là et qui frappe des millions de personnes, et la crise écologique.
De cela, vous ne voulez pas débattre ; mais le groupe d’opposition minoritaire que nous sommes continuera à porter des propositions, y compris avec d’autres groupes. Et j’espère que, même si vous n’êtes pas d’accord avec nous, monsieur le rapporteur, vous souhaitez du moins débattre avec nous.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.
Monsieur le ministre, ne peut-on combattre le virus autrement qu’avec l’état d’urgence ? Vous avez cité toute une série de pays ; j’aimerais savoir si, dans ces pays, on utilise l’état d’urgence pour combattre le virus. Je ne vois pas, quant à moi, le lien entre les deux.
J’ajoute, comme mes collègues, que ce combat se mènera aussi avec les élus locaux.
Un gouvernement solitaire et vertical ne peut pas à lui tout seul mettre fin à cette épidémie.
Tournez-vous vers les élus locaux ! Ils connaissent la logistique, ils savent travailler sur place et ils peuvent être d’une grande aide. Je vous invite donc à réfléchir à cette solution, plutôt que d’en revenir toujours au confinement, qui est tout de même un vestige moyenâgeux rappelant les lazarets. Trouvez d’autres solutions plus efficaces pour mieux organiser la vaccination, par exemple ; en la matière, le retard est réel.
Ne commencez pas à faire des comparaisons : je ne sais pas où nous nous situons par rapport aux autres pays, et je ne veux pas me prêter à ce jeu, car il n’a aucune chance d’aboutir à quoi que ce soit ; vous avez, de toute façon, réponse à tout. Mais je note que, vous, vous comparez sans arrêt.
J’attends des réponses, monsieur le ministre.
Nous travaillons ici en bonne intelligence, mes chers collègues. Vous avez exprimé des convictions ; vous l’avez fait avec le caractère qui est le vôtre, et j’ai répondu avec celui qui est le mien. Mais je respecte votre position, bien évidemment – cela va sans dire…
Compte tenu de ce que vous avez ressenti, je tiens à le redire.
Je considère néanmoins, comme je l’ai dit, qu’il n’est pas raisonnable aujourd’hui, …
… alors que nous vivons une crise sanitaire aiguë, de désarmer le Gouvernement, qui doit faire face à cette crise sanitaire.
Et, à mon avis, ce n’est pas responsable non plus de le faire. C’est mon avis ! Il n’engage que moi et, en l’exprimant, je ne crois pas vous insulter.
Si nous devions priver le Gouvernement des moyens d’agir, cela n’honorerait pas le Parlement.
En revanche, quand vous dites qu’il faut renforcer le contrôle parlementaire, je vous rejoins parfaitement. C’est là tout le sens, d’ailleurs, du travail de la commission.
C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité réduire la durée de l’état d’urgence sanitaire, et c’est aussi la raison pour laquelle nous avons introduit dans le texte de la commission cette disposition très importante en vertu de laquelle si, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le Gouvernement décidait d’un confinement, alors il faudrait qu’il revienne devant le Parlement dans un délai d’un mois.
Si nous adoptons cette disposition, nous renforcerons le contrôle parlementaire sur une action qui, compte tenu des chiffres des contaminations, est sans doute aujourd’hui encore nécessaire. Et nous serons responsables !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.