Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 27 janvier 2021 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Un exemple : la France s’est sentie humiliée pendant des mois, en 2020, par les comparaisons avec l’Allemagne. Aujourd’hui, les Allemands ont 1 000 morts par jour et nous 300 ; l’Europe centrale et balkanique, presque épargnée au printemps, est aujourd’hui la plus frappée. Il y a donc, dans l’expansion de l’épidémie, des déterminants qui vont bien au-delà de l’application des mesures de protection et que nous ne comprenons pas.

Nous ne pouvons pas plus prévoir les mutations, non plus que la date et le lieu de leur apparition.

Face à tant de difficultés et d’incertitudes, il semble au médecin que je suis que le premier impératif pour les politiques est de faire face ensemble, ou tout au moins avec un minimum d’unité nationale.

C’est le cas, et je m’en réjouis, quant à la loi qui nous réunit ce jour, qui sera très largement votée avec pour seul désaccord 25 jours dans la durée de la prorogation, un obstacle qui ne devrait pas être insurmontable.

Je m’en réjouis pour deux raisons. Tout d’abord, parce que tout le monde, dans notre assemblée – à une ou deux exceptions près, comme nous venons de le constater – a bien compris que ne pas voter cette prorogation reviendrait à poignarder l’exécutif dans le dos en plein milieu de la bataille ; ensuite, parce que la préoccupation actuelle des Français est ailleurs : comment se protéger du virus, comment affronter la crise économique à venir, comment surmonter les difficultés passées, présentes et futures et la profonde lassitude qui, peu à peu, étreint nos concitoyens ?

Cet accord sur la prorogation ne doit pas signifier que le Parlement soit privé des débats nécessaires avec le Gouvernement, si ce dernier envisageait des modifications substantielles de l’état d’urgence ou si des développements imprévus de l’épidémie intervenaient.

Cette hypothèse n’est en effet pas exclue. Le professeur Lévy, dans Le Journal du dimanche, et le professeur Delfraissy, dans son interview télévisée, ont tous deux délivré un message essentiel : ne croyons pas que, comme dans les contes de fées, le bon vaccin nous délivrera du méchant virus à l’été.

Tous les Français ne seront pas vaccinés à cette date et, lorsque tous le seront, le virus continuera d’être menaçant par ses mutations. Nous vivrons longtemps avec lui.

D’aucuns jugeront ce rappel peu opportun au moment où nous sommes tous fatigués, certains épuisés et d’autres déprimés ou sans ressources. Si je le fais quand même, c’est pour trois raisons. D’abord, parce que c’est la vérité ; ensuite, parce que les extraordinaires progrès scientifiques qui ont produit le vaccin en quelques mois nous donnent la certitude que le combat sera gagné à terme. C’est une immense chance : le sida, quarante ans et 30 millions de morts plus tard, n’a toujours pas de vaccin. Enfin, parce que ce n’est pas en nous apitoyant sur nous-mêmes que nous nous en sortirons, mais en agissant.

« Du sang, de la sueur et des larmes », disait Churchill en 1940. Comparons le sang, la sueur et les larmes que nous avons à verser à ceux qu’ont versés les générations précédentes, dans une épreuve bien pire. Nous découvrirons alors que le seul mot d’ordre aujourd’hui est : montrons-nous à la hauteur !

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