Monsieur le garde des sceaux, ce texte a suscité beaucoup d’attentes. Vous l’avez dit vous-même, cela fait longtemps que l’on dit qu’il faut revoir cette ordonnance de 1945.
Nous sommes attachés à une idée très forte, celle de la césure du procès, qui est demandée à la fois par les magistrats, les avocats et les éducateurs. En effet, il y a d’abord le temps de la reconnaissance d’une culpabilité, puis celui des mesures éducatives. Il y a aussi éventuellement ensuite le temps de la sanction, si celle-ci demeure nécessaire ou si elle se décline sous la forme de sanctions éducatives, ce qui est souhaitable.
Tout cela est très bien, mais – car il y a un « mais », qui nous empêchera de voter le projet de loi – ce texte suscite un certain nombre de désillusions par rapport aux très grands espoirs qu’il a éveillés.
J’avancerai cinq arguments dans le temps qui m’est imparti, madame la présidente, si bien que je m’excuse par avance de ne pouvoir m’en expliquer davantage.
Le premier concerne la procédure. Nous aurions voulu un projet de loi en lieu et place d’une ordonnance. Nous regrettons également que la procédure soit éternellement et sempiternellement accélérée, tout comme le fait qu’une circulaire soit prise avant même que le texte ne soit adopté.
Le deuxième a trait aux moyens. Comme cela a été dit, quand on regarde les choses attentivement, bien peu de moyens sont malheureusement consacrés à la justice des mineurs et au suivi éducatif dans le budget de la justice, malgré l’annonce d’une hausse de 8 % des crédits que nous avons saluée à cette tribune, monsieur le garde des sceaux. Je ne développe pas davantage, mais le constat est évident.
Le troisième porte sur la présomption simple. Nous n’en voulons pas : nous voulons la présomption irréfragable pour les mineurs de moins de 13 ans. Ce point est absolument central pour nous, car il induit le primat de l’éducatif sur le répressif.
Le quatrième est lié à la réapparition de l’audience unique. J’espère avoir tort – on verra bien –, mais le recours à cette audience unique risque malheureusement de se généraliser. Si tel est le cas, c’en est fini de la césure que j’évoquais. Et l’état d’esprit initial des auteurs de l’ordonnance de 1945 risque d’être remis en cause.
Enfin, le cinquième et dernier argument concerne la spécialisation de la justice des mineurs. Vous voyez, madame la présidente, que je fais court…