Intervention de Bernard Jomier

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 2 février 2021 à 8h00
Projet de loi relatif à la bioéthique — Examen des amendements au texte de la commission, amendement 90

Photo de Bernard JomierBernard Jomier, rapporteur :

Ce commentaire vaut pour les amendements n° 90, 138, 119 rectifié, 120 rectifié et 77 qui sont en discussion commune. Il s'agit d'éviter que des enfants présentant des variations du développement génital ne subissent des interventions chirurgicales précoces uniquement fondées sur une modification de leur identité sexuelle.

Il n'y a pas de consensus sur cette question. Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) a rendu un avis sur lequel nous nous sommes appuyés pour élaborer notre position. La plupart des associations de personnes nées avec une variation sexuelle demandent que l'on rejette ces opérations pouvant être mutilantes et pas conformes à l'intérêt de l'enfant.

La position des associations de patients atteints d'hyperplasie congénitale des surrénales - le trouble le plus fréquent - est en faveur d'une intervention précoce. Mais, dans ce cas, il n'existe pas de doute sur le sexe de l'enfant et le traitement hormonal est même vital et doit être appliqué de façon précoce.

La plupart des chirurgiens et endocrinologues français justifient les interventions par leurs fins réparatrices et fonctionnelles. Il est parfois difficile de distinguer une opération avisée fonctionnelle réparatrice d'une intervention sur les caractères sexuels.

Le code civil interdit les opérations chirurgicales et les traitements irréversibles pratiqués de manière précoce sur un enfant quand il n'y a pas de nécessité médicale, voire en cas d'opération mutilante, lorsqu'il n'y a pas de motif médical très sérieux. Des recommandations internationales demandent à la France d'aller plus loin et d'exclure les interventions chirurgicales ou hormonales opérées sur des patients avant leur âge de discernement.

L'amendement n° 90 de Mme Cohen vise à interdire tout acte médical de conformation sexuée irréversible. Il viendrait limiter les opérations précoces sur les enfants présentant des variations du développement génital aux seuls cas d'urgence vitale immédiate, ce qui me paraît difficilement applicable.

L'amendement n° 138 de M. Salmon et l'amendement n° 120 de Mme Guillotin tendent à interdire tout traitement irréversible, à la définition des caractéristiques sexuelles hors nécessité vitale ou défaillance fonctionnelle ou seulement à définir des caractéristiques sexuelles. Ils sont donc plus nuancés que le premier, puisqu'ils pourraient permettre des interventions visant à éviter des pertes de chance fonctionnelle.

Toutefois, ces rédactions poseraient des difficultés d'interprétation pour les médecins, sachant que les interventions chirurgicales en question sont toujours très complexes et concernent souvent l'appareil urinaire. Ces propositions correspondent à l'objectif que l'on doit atteindre à terme dans le cadre mis en place par l'article 21 bis, un objectif que je partage, mais il est prématuré d'inscrire cette interdiction dans la loi.

L'article 21 bis tel qu'issu des travaux de l'Assemblée nationale - cette dernière a repris nos apports en première lecture - a atteint un point d'équilibre satisfaisant permettant une véritable procédure de concertation pour proposer aux parents les meilleures solutions thérapeutiques pour leur enfant, tout en leur apportant une information complète et un accompagnement psychosocial. C'est donc un avis défavorable pour ces trois amendements.

L'amendement n° 119 rectifié de Mme Guillotin vise à qualifier de « nationale » la concertation pluridisciplinaire chargée de proposer une prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital. Elle est toutefois déjà prévue dans la rédaction actuelle de l'article 21 bis. Reprendre cette précision complémentaire pourrait contrevenir à l'adoption conforme de cet article qui me semble avoir atteint un bon point d'équilibre.

Enfin, l'amendement n° 77 de Mme Cohen est satisfait par les dispositions en vigueur du code civil et du code de la santé publique.

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