Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 février 2021 à 14h00
Projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire — Examen en nouvelle lecture du rapport et du texte proposé par la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

La situation de notre pays, du point de vue de l'épidémie, est incertaine. En comparant les chiffres des semaines précédant le reconfinement du 30 octobre 2020 et ceux des quinze derniers jours, je comprends que le Président de la République n'ait pas procédé à un nouveau reconfinement. Nous sommes pourtant sur le fil du rasoir, certains indicateurs étant plus mauvais qu'en octobre, d'autres voisins et d'autres encore meilleurs. Toutefois, nous n'assistons pas à une explosion des contaminations aussi forte qu'en octobre dernier.

Dans la semaine qui a précédé le reconfinement d'octobre, la hausse des nouveaux cas détectés était de 54 %, contre 9 % la semaine dernière, soit 141 000 nouveaux cas, contre 263 000 en octobre. La situation est, à cet égard, préoccupante, mais éloignée de ce qu'elle était en octobre dernier. De même, les nouvelles hospitalisations étaient passées, entre les semaines 42 et 43, de 7 530 à 12 176, soit une hausse de 62 %, tandis qu'elles ont augmenté de 16 % entre la deuxième et la troisième semaine de janvier, passant de 9 631 à 11 155. L'augmentation est donc moins rapide, même si le niveau reste très élevé. De même, les admissions en réanimation sont passées de 1 418 à 1 706 entre les deux semaines de janvier, contre une progression de 1 343 à 1 816 avant le confinement. La hausse est donc légèrement inférieure quoique presque égale en valeur absolue. Quant aux décès, la situation est bien plus grave qu'avant le reconfinement. Quelque 2 567 décès ont eu lieu la troisième semaine de janvier, contre 1 318 à la veille du reconfinement.

La situation est donc contrastée et ne donne pas le sentiment d'une flambée comme celle que la France a connue fin octobre, mais elle montre un très haut niveau de contaminations, tandis que l'appareil hospitalier est très fortement sollicité.

Il me semble que cela justifie la position du Sénat de ne pas refuser la reconduite des pouvoirs exceptionnels que nous avions déjà accordés au Gouvernement, tout en étant très prudents sur un éventuel reconfinement, que nous ne pouvons accepter sans que l'on inscrive dans la loi que sa prolongation, au-delà d'un mois, devra être autorisée par la loi.

Nous avons abordé la commission mixte paritaire (CMP) dans cet état d'esprit, mais n'avons pas obtenu satisfaction. Certes, la majorité gouvernementale a fait un pas, acceptant le report de la CMP en fin d'après-midi, parce que le Premier ministre avait convoqué les présidents des assemblées ainsi que les présidents de groupes politiques pour discuter de la situation sanitaire. À cette occasion, le Président du Sénat et le président du principal groupe du Sénat, ainsi que plusieurs autres présidents de groupes, ont demandé le renforcement du contrôle du Parlement sur l'exercice des pouvoirs exceptionnels. Le Premier ministre a bien voulu proposer le recours à l'article 50-1 de la Constitution qui prévoit un débat du Parlement sur une déclaration du Premier ministre, assorti éventuellement d'un vote. Et le soir, en CMP, c'est la proposition qui nous a été opposée pour tenir en échec la disposition législative que nous voulions adopter. Nous souhaitions une entente entre le Sénat et l'Assemblée nationale, mais un débat sur une sorte de déclaration de politique sanitaire générale, suivi d'un vote, ne vaut pas une loi !

À l'automne déjà, une disposition analogue, que nous avions ciselée ensemble, avait été refusée. Je me méfie de ces débats avec vote par lesquels les gouvernements tentent de faire cautionner l'ensemble de leur politique dans un domaine donné. L'interprétation du vote, dont la force juridique est nulle, risque, à l'instar de celle d'un référendum, d'être ambiguë. J'avoue n'avoir pas compris l'obstination du Gouvernement à refuser un vrai contrôle parlementaire sur ses pouvoirs exceptionnels quand ils sont portés à leur point culminant.

Nous avons donc échoué à nous entendre et nous sommes revenus bredouilles. Devons-nous alors adopter de nouveau le projet de loi en y réintroduisant l'ensemble des dispositions que nous y avions insérées, ou bien devons-nous prendre acte qu'il n'y a pas d'accord possible et rejeter, par une motion tendant à opposer la question préalable, purement et simplement le texte de l'Assemblée nationale, cette dernière n'ayant que très partiellement tenu compte des apports du Sénat ? Après avoir hésité, je vous propose cette dernière solution.

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