Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 2 février 2021 à 14h30
Bioéthique — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner un texte attendu par un grand nombre de Français.

Alors que la recherche scientifique a plus que jamais démontré son importance, sa rapidité et son impact cette année, les sujets de bioéthique demeurent centraux.

Nous ne connaissons que trop bien cette maxime apprise sur les bancs de l’école : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Rabelais nous préparait déjà aux lois de bioéthique, qui nous réunissent depuis 1994, et aux débats qui vont animer cet hémicycle.

C’est une exigence, non seulement de la science, mais aussi de la société : cette dernière mérite que notre assemblée examine ces sujets pour répondre aux besoins des citoyens.

Ces besoins, ce sont ceux de la famille sous toutes ses formes ; ceux du don, signe d’une solidarité qui a démontré sa force depuis un an ; ceux de la recherche, en vertu du progrès ; et ceux de la protection des citoyens.

Cette deuxième lecture est essentielle. Un texte si complexe et important exigeait que l’on prenne le temps de la discussion sans recourir à la procédure accélérée.

À cet égard, notre assemblée s’est parfois dérobée en adoptant des motions de procédure. Avant tout, je tiens donc à me féliciter du choix fait aujourd’hui de privilégier le débat constructif.

Ce projet de loi relatif à la bioéthique porte en lui des avancées pour tous et, encore davantage, pour toutes.

En effet, les familles de 2021 ne sauraient se réduire à un modèle unique et l’on ne peut pas se limiter aux dictons si souvent scandés. Un enfant a surtout besoin d’être bercé dans l’amour, de grandir dans le respect et de s’épanouir dans la bienveillance.

À ces besoins, la famille sous toutes ses formes répond. Bien sûr, ces changements ne sont pas accueillis à l’unisson : des sujets si riches font forcément naître des points de vue divergents. Ces visions différentes, nous les connaissons au sein même du groupe RDPI. Nous en discutons et nous laissons à chacun une totale liberté de vote. Le respect des individus et des valeurs de chacun devra seul, je l’espère, nourrir nos discussions.

Les évolutions permises par ce texte sont nombreuses. Certaines ont bénéficié d’un vote conforme à l’Assemblée nationale et nous nous en félicitons. C’est notamment le cas de l’élargissement du don croisé d’organes à plus de deux paires de donneurs-receveurs et de la clarification des conditions d’interruption de grossesse pour raison médicale pour les mineures.

D’autres sujets cristallisant des positions divergentes demeurent en discussion. C’est le cas de l’extension de l’AMP pour toutes les femmes, qu’elles soient en couple hétérosexuel, en couple homosexuel ou bien seules.

Bien que les travaux de la commission spéciale n’aient pas remis en question cet élargissement, l’article 1er a perdu de sa substance par l’exclusion de la prise en charge par l’assurance maladie pour les femmes seules et les femmes en couple homosexuel.

Cette mesure, à rebours d’un élargissement égalitaire, met en péril la solidarité de notre système de santé. Le droit à l’AMP ne serait que partiellement acquis si des barrières économiques empêchaient les femmes d’y accéder pleinement.

Il nous paraît également dommageable d’avoir rétabli le consentement du conjoint du donneur de gamètes, à l’article 2, et limité l’accès à l’identité du donneur pour les enfants nés du don, à l’article 3.

À l’article 4, le présent texte précise les conséquences, sur le plan de la filiation, de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes afin qu’elles puissent être reconnues mères de l’enfant dès sa naissance.

Afin que l’AMP pour toutes soit prise en compte dans la globalité du cadre légal existant, nous proposerons un amendement de cohérence à l’article 19.

Le projet de loi est également empreint de solidarité, qu’il s’agisse de prendre en charge l’AMP – je viens d’évoquer cette question –, de permettre, à l’article 6, le prélèvement de cellules souches hématopoïétiques au bénéfice des parents, ou bien d’ouvrir le don de sang à des citoyens qui en sont aujourd’hui exclus.

Pour autant, on ne saurait faire du don un moyen d’opérer une distinction entre citoyens sans prendre le risque de le vider de son sens. N’oublions pas que donum en latin signifie « présent », « cadeau ».

C’est pourquoi, sans aller à l’encontre de la reconnaissance essentielle du donneur par la société, qui est aujourd’hui assurée, nous présenterons un amendement de suppression de l’article 5 A concernant l’établissement d’un « statut » de donneur d’organe. Le don doit rester un acte qui n’attend aucun retour, aucune distinction honorifique.

Enfin, par ce texte, les évolutions scientifiques pourront être favorisées tout en étant sécurisées. Nous pouvons noter les éléments de contrôle concernant les décisions prises grâce à l’intelligence artificielle, l’élargissement des compétences du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et les mesures en faveur du développement de la recherche.

Dignité, liberté et solidarité : tels sont les trois principes qui guident les grandes évolutions émanant de ce texte. Ces exigences doivent être protégées pour que les mesures aujourd’hui votées puissent devenir une réalité pour nos concitoyens.

Notre groupe, sans être une voix unanime, soutiendra pour l’essentiel les évolutions prévues par le projet de loi initial, ce qui nous conduira, sur certains points, à voter des amendements de suppression ou de réécriture du texte issu de la commission.

Toutes ces avancées sont nécessaires au sein d’une société qui ne cesse d’évoluer. Être à l’écoute des besoins des citoyens et y répondre avec exigence en assurant un cadre protecteur et respectueux de chacun : c’est tout le sens des débats qui s’ouvrent aujourd’hui. Nous devrons assumer notre mission avec responsabilité et bienveillance !

1 commentaire :

Le 13/02/2021 à 17:04, conservateur5 a dit :

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Dans le contexte actuel, on ne répond pas aux attentes des restaurateurs, des auto-entrepreneurs, du monde de la culture, mais seulement des celles des femmes souhaitant recourir à la PMA.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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