Intervention de Thierry Cozic

Réunion du 4 février 2021 à 10h30
Accord fiscal avec monaco — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Thierry CozicThierry Cozic :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vous surprendrai pas si je commence mon propos en vous rappelant que, par le passé, la principauté de Monaco a développé au fil des ans son statut de paradis fiscal par le biais de baisses d’impôts et en autorisant des sociétés-écrans qui permettaient de réaliser des opérations financières sans vérification de l’identité des bénéficiaires.

Le laxisme monégasque avait pour conséquence de créer un État dans l’État pour les plus fortunés de notre pays. Il est d’ailleurs salutaire que des ajustements significatifs aient été consentis par la principauté.

À ce titre, les rapports entre la France et Monaco ont régulièrement été marqués, depuis le début du XXe siècle – mon collègue Éric Bocquet l’a rappelé –, par des périodes de tensions dont la plus connue est le blocus imposé par le général de Gaulle en 1962.

Malgré les avancées obtenues et une plus grande coopération entre la France et la principauté de Monaco, dont nous ne pouvons que nous réjouir, la richesse monégasque et, concomitamment, l’attractivité fiscale de ce pays restent un point de vigilance, sachant en outre que, selon les dernières données publiées en 2018 par l’Insee, notre pays a connu une hausse significative du taux de pauvreté cette année-là. Nul doute que, après la crise de la covid-19, les inégalités seront exacerbées.

En ce sens, le dernier rapport en date d’Oxfam est édifiant. Il y est décrit une société à deux vitesses dans laquelle on trouve au sommet de l’échelle les milliardaires, qui ont vu leur fortune augmenter de 3 900 milliards de dollars entre mars et décembre, leur patrimoine cumulé ayant été porté à près de 12 milliards de dollars. C’est tout simplement effarant lorsque l’on sait que c’est l’équivalent des montants dépensés par les pays du G20 pour faire face à la pandémie !

Les travaux de Thomas Piketty démontrent que la composante patrimoniale de ces inégalités est aujourd’hui très lourde et que celles-ci sont revenues à un niveau équivalent à celui d’avant la Première Guerre mondiale.

De fait, les liens fiscaux et patrimoniaux revêtent une importance prépondérante dans une perspective de justice fiscale.

C’est avec cette situation à l’esprit que j’évoque devant vous, mes chers collègues, ce projet de loi prévoyant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé.

Sur les travées de mon groupe, et plus largement sur le côté gauche de notre hémicycle, la mise en place d’un mécanisme de défiscalisation au bénéfice de ressortissants monégasques ou au profit de contribuables français réalisant des opérations de dons ou de legs sur le territoire de la principauté aurait pu soulever les passions. Après une lecture et une analyse approfondies de ce texte, il n’en sera rien.

Par ailleurs, nous notons que si l’accord prévoit une rétroactivité de la norme fiscale en matière de legs, cela ne semble pas poser de difficulté juridique, dans la mesure où le dispositif profite aux contribuables.

Nous notons aussi que ces types d’accords transfrontaliers sont légion. Ainsi, la France a notamment conclu des accords avec l’Allemagne, l’Autriche et la Belgique.

Par conséquent, au regard du faible coût en valeur et en quantité que ce mécanisme représente, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera favorablement ce texte.

Cependant, notre groupe demeure convaincu, comme il l’a montré ces derniers mois par ses réflexions et ses propositions fortes – je pense notamment à la proposition de loi présentée par notre ancien collègue Thierry Carcenac –, qu’il convient aujourd’hui, en matière de fiscalité du patrimoine au sens large, de réformer en profondeur un système qui n’est plus vecteur de justice fiscale.

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