Intervention de Adrien Taquet

Réunion du 4 février 2021 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Adrien Taquet :

C’est unique en Europe, il faut le rappeler. Vous le savez probablement, une personne asymptomatique souhaitant se faire tester doit débourser près de 120 euros en Allemagne et jusqu’à 350 euros au Royaume-Uni.

Notre système repose ensuite sur la proximité. Chacun, qu’il présente des symptômes ou non, qu’il soit cas contact ou non, peut, au moindre doute, se faire tester près de chez lui, dans un laboratoire, chez son pharmacien, chez son médecin, dans un cabinet infirmier ou chez son dentiste. On compte ainsi plus de 12 000 points de test en France, sans compter les entreprises, les écoles et les collectivités territoriales, qui peuvent également mettre en place des opérations de dépistage, ou encore les aéroports, où ont été déployés des centres de test aux départs et aux arrivées. Cette stratégie distingue la France d’autres pays européens, où la question de l’accès aux tests n’est toujours pas réglée.

Notre système de dépistage repose également sur une exigence de rapidité : 94 % des résultats sont désormais transmis en moins de vingt-quatre heures. C’est un résultat très élevé par rapport à nos voisins ; seule l’Espagne s’approche de ce taux. En outre, près d’un tiers de nos tests sont des tests antigéniques, le résultat étant disponible en moins de 30 minutes.

Ce dispositif repose enfin sur la traçabilité, grâce au système d’information national de dépistage populationnel, ou Sidep.

Depuis le début de l’épidémie, les équipes de l’assurance maladie et des agences régionales de santé s’évertuent à retracer les cas contacts dans des délais toujours plus courts et à accompagner les personnes concernées, grâce aux systèmes d’information dont vous avez fixé le cadre en mai dernier, et qui seront prolongés à l’article 4 du présent projet de loi.

Notre plus grand défi consiste désormais à renforcer la compréhension et le respect de l’isolement.

Après un débat transparent, nous avons fait le choix de la confiance, en ne nous orientant pas vers un système d’obligation et de contrôle, préférant renforcer significativement l’accompagnement des personnes isolées.

Pour ce faire, nous supprimons tout obstacle financier à un isolement effectif et immédiat. Depuis le 10 janvier dernier, toute personne étant testée positive, ayant des symptômes ou étant cas contact peut se déclarer, éventuellement avant même d’avoir fait un test, sur le site de l’assurance maladie pour obtenir un arrêt de travail immédiat et être indemnisée dès le premier jour, sans jour de carence.

Nous avons également renforcé le télésuivi à domicile : depuis fin janvier, toute personne isolée est appelée au minimum deux fois par l’assurance maladie et davantage encore pour les personnes vulnérables.

Enfin, chaque personne isolée se verra proposer la visite à domicile d’un infirmier, via les cellules territoriales d’appui à l’isolement mises en place par les préfectures, en lien avec les collectivités territoriales. Près de 20 000 visites d’infirmières ont déjà eu lieu.

Nous avons ainsi significativement renforcé le dispositif de suivi, de prise en charge et d’accompagnement des personnes touchées par la covid-19. Les questions de police sanitaire, sur lesquelles, dans cet hémicycle, nos débats se concentrent à chaque nouveau projet de loi, ne doivent donc pas masquer l’ensemble des mesures d’accompagnement de la situation sanitaire prises en faveur des Français au quotidien, afin d’assurer leur santé dans les meilleures conditions.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie des travaux conduits depuis bientôt un an sur ce sujet ; le Gouvernement comprend tant la lassitude qui peut naître de la prorogation fréquente de l’état d’urgence sanitaire que le souci qui vous guide de mieux encadrer ce régime, lequel doit rester un régime d’exception.

J’en entends certains déplorer un déficit démocratique dans la gestion de la crise sanitaire. Pourtant, dans le respect des missions qui incombent à chacune de nos institutions, le Sénat et l’Assemblée nationale participent très régulièrement et très activement au contrôle de l’action du Gouvernement, pour gérer l’urgence sanitaire depuis le début de l’épidémie. Ainsi, je le rappelle, depuis fin mars 2020 – autrement dit, en seulement dix mois –, nous avons débattu de six projets de loi, qui ont fait l’objet de plus de 3 400 amendements, discutés un par un, pendant plus de 160 heures de débats en séance, réparties en une vingtaine de lectures différentes.

Par ailleurs, douze débats thématiques ont été organisés en séance, afin de discuter de points précis de la gestion de la crise sanitaire, notamment les masques, le déconfinement ou encore l’application StopCovid, et cela ne concerne que le travail du Parlement strictement lié à l’épidémie de covid-19 ; cela n’inclut donc pas les très nombreux travaux des deux chambres concernant les différentes dimensions de la crise, afin de contrôler l’action du Gouvernement et de formuler des propositions.

Le Sénat y a pris pleinement sa part, dès le début et jusqu’à ce jour, et, même si nous avons eu et avons toujours quelques divergences, vous avez directement contribué à l’édifice juridique qui guide notre action et vous participez, par votre vigilance, au bon fonctionnement de nos institutions en ces temps difficiles.

Je rappelle également que l’action du Gouvernement demeure directement soumise au contrôle du juge et que des centaines de référés d’urgence ont été formés et examinés par le Conseil d’État depuis le début de la crise ; ces référés ont conduit, chaque fois que le juge l’avait demandé, à faire évoluer notre réponse pour faire en sorte qu’elle soit le plus proportionnée possible aux risques sanitaires encourus.

Au total, malgré des circonstances exceptionnelles, nous avons contribué ensemble à assurer un fonctionnement plein et entier de notre démocratie en ces temps de crise. Même si un désaccord, de l’ordre de quelques semaines, subsiste entre nous sur l’échéance appropriée pour la nouvelle prorogation de l’état d’urgence sanitaire, il demeure que vous aurez à nouveau à vous prononcer dans les trois prochains mois sur ce sujet, si la crise devait appeler des mesures de prévention au-delà du 1er juin prochain.

En tout cas, soyez-en assurés, le Gouvernement souhaite tout comme vous sortir de ce régime d’état d’urgence ; simplement, aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous priver d’outils pour lutter contre le virus ; je pense qu’il s’agit là d’un principe général que nous partageons.

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