Intervention de Philippe Bonnecarrere

Réunion du 4 février 2021 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Union Centriste est favorable à la motion tendant à opposer la question préalable : nous sommes peu convaincus par cette douzième décision visant à proclamer l’état d’urgence en cinq ans et demi. Nous avons pris acte, avec l’échec de la CMP, du fait que le Gouvernement voulait un chèque en blanc. Nous n’acceptons pas la logique du « donnez-moi les pouvoirs et je vous dirai après ce que j’en ferai ».

Nous partageons complètement, monsieur le rapporteur, cher Philippe Bas, l’argumentation que vous avez développée sur la situation sanitaire, mais aussi sur les différences entre mars 2020 et février 2021. La situation sanitaire et, surtout, les moyens dont nous disposons pour y faire face, sont différents aujourd’hui. L’état de la société, sa capacité de résilience ont également changé. Les conséquences économiques, sociales, psychologiques qui résulteraient d’un confinement seraient différentes cette fois-ci.

À notre sens, tout confinement devrait être soumis au Parlement, a fortiori sa prolongation au-delà d’un mois, comme vous l’avez indiqué, Philippe Bas, au nom de la commission.

Nous considérons, pour le bon fonctionnement de nos institutions, pour que chacun prenne ses responsabilités, et tout simplement pour l’acceptabilité des mesures sociales, sanitaires par nos concitoyens, que l’intervention du Parlement est nécessaire. Plutôt que l’état d’urgence, nous préférerions l’examen en urgence des mesures sanitaires souhaitées par le Gouvernement. À cet égard, je me retrouve assez dans les propos de Mme Assassi.

De la même manière, nous ne sommes pas enthousiastes à l’idée d’un débat au titre de l’article 50-1 de la Constitution, au cours duquel le Gouvernement nous présenterait une politique générale, ferait des déclarations purement consultatives, dépourvues de caractère normatif, sans demander l’autorisation de prendre telle ou telle mesure, sans même définir d’ailleurs quelles seraient ces mesures.

Il nous semble que le Parlement devrait normalement être consulté en cette matière. C’est en particulier le rôle du Sénat, gardien des libertés, d’une France des territoires, garant tout simplement d’une efficacité prenant appui sur l’équilibre des pouvoirs.

Nous avons, et nous l’apprécions, une Constitution présidentielle. Elle l’est devenue plus encore avec le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, qui produit une majorité à l’Assemblée nationale tenant sa légitimité du Président de la République. Elle nous semble aujourd’hui basculer dans l’excès, du fait de la pratique qui en est faite, à travers le conseil de défense, et surtout d’un état d’urgence semi-continu. Dit autrement, l’exécutif nous semble aller trop loin : nous ne pensons pas que la proposition qui nous est faite puisse rendre service à nos concitoyens ou leur être utile.

L’efficacité sanitaire tient beaucoup à l’acceptabilité sociale des mesures, laquelle passe par une décision partagée. Tout ne peut pas être décidé de manière verticale dans ce pays, en particulier pour lutter contre la pandémie. Le Parlement et nos concitoyens sont aptes à comprendre les enjeux sanitaires. Il est paradoxal, chers collègues, de faire appel à l’esprit de responsabilité des Français et, en même temps, de refuser de consulter ses représentants sur les mesures sanitaires.

En conclusion, autorisez-nous une proposition : la crise sanitaire, si vous me permettez cette formule, écrase dans les esprits la crise économique, sociale, financière, culturelle, psychologique. Notre groupe souhaiterait que le travail sur l’après-covid-19 puisse démarrer dès maintenant. Non pas que nous sous-estimions la gravité de la situation actuelle, non pas que nous pensions en être sortis, mais nous considérons que cette crise sera gérée d’autant plus facilement avec nos concitoyens que ceux-ci auront une vision de l’après-covid, de l’après-« quoi qu’il en coûte ». La meilleure manière d’avoir cette vision, c’est bien sûr de la préparer, de l’anticiper. Aussi proposons-nous d’entamer un travail avec l’exécutif sur l’après-covid-19.

Telles sont les raisons pour lesquelles, vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste est clairement favorable à la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission des lois.

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