Intervention de Stéphane Le Rudulier

Réunion du 4 février 2021 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Stéphane Le RudulierStéphane Le Rudulier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à quatre reprises, en mars, en mai, en juillet et, enfin, en novembre dernier, le Sénat a accepté d’accorder au Gouvernement des pouvoirs exceptionnels pour faire face à la crise sanitaire que nous traversons. Nous voici de nouveau réunis aujourd’hui pour discuter de la prorogation de telles mesures. Ces derniers jours ont été riches en rebondissements et en confusion sur ce sujet pourtant crucial et essentiel !

En votant la semaine dernière le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, nous avions bon espoir que les ajustements proposés par le Sénat puissent trouver un écho chez nos collègues députés.

Or cet espoir ne s’est pas concrétisé, les divergences entre nos deux assemblées étant trop fortes, mais il n’en demeure pas moins hautement regrettable qu’aucune position commune n’ait été trouvée alors qu’il y va de la santé et des libertés fondamentales des Français.

Pourtant, le texte voté initialement par les députés traduisait une forme d’infléchissement dans le sens de la position du Sénat. Car, depuis l’origine, notre Haute Assemblée a manifesté une certaine circonspection à l’égard du régime transitoire de sortie de l’urgence sanitaire, que nous nous félicitons d’ailleurs de ne plus voir figurer dans le projet de loi.

De même, le Sénat a, dans sa majorité, retenu le principe de la prorogation tant du régime de l’état d’urgence que de son application.

À l’issue de travaux très fouillés, le rapporteur Philippe Bas a fait le constat d’une situation sanitaire préoccupante, comme en attestent les indicateurs. Car si l’explosion des contaminations qui a été observée au mois d’octobre dernier était sans commune mesure avec la situation actuelle, il n’en demeure pas moins que l’appareil hospitalier reste fortement sollicité.

En outre, la mortalité cumulative est – hélas ! – beaucoup plus importante actuellement, 2 567 décès ayant été dénombrés la troisième semaine de janvier, contre 1 318 avant le confinement d’octobre.

Mais l’élément nouveau par rapport au mois d’octobre est la découverte et la production d’un vaccin, qui nous permet d’entrevoir la fin du tunnel. Et c’est une véritable course contre la montre qui est dès lors engagée !

C’est pourquoi la durée pendant laquelle nous sommes prêts à autoriser le Gouvernement à user de ses pouvoirs exceptionnels dépend non seulement de l’efficacité de la stratégie vaccinale mise en œuvre, mais également de l’approvisionnement en doses de vaccin sur l’ensemble du territoire national afin d’atteindre l’objectif fixé voilà deux jours par le Président de la République : permettre à la totalité des personnes souhaitant être vaccinées de l’être avant la fin du mois d’août.

Pour cela, monsieur le secrétaire d’État, il vous faudra davantage tenir compte des offres de service qui vous sont faites par bon nombre de collectivités, communes, départements, régions, ainsi que par des médecins de ville, des pharmaciens, voire des infirmiers.

Certes, le confinement n’est pas une fatalité. Mais, reconnaissons-le aujourd’hui, le rationnement du vaccin et les difficultés d’accès aux centres de vaccination risquent d’enrayer la campagne vaccinale, qui, pour l’heure, n’a permis la vaccination définitive que de 150 000 de nos compatriotes. Cette situation, si elle perdure, pourrait malheureusement vous forcer dans quelques semaines ou quelques mois à revenir vers nous pour nous demander une nouvelle autorisation de restreindre nos libertés fondamentales.

Certes, le Gouvernement nous informe régulièrement du contenu des mesures qu’il prend. Il a été brièvement question d’un débat en application de l’article 50-1 de la Constitution. J’ose espérer qu’il s’agit d’un commencement de contrôle parlementaire. Mais cela n’est manifestement pas suffisant, car le contrôle parlementaire doit de préférence se traduire par un acte positif, suivi de conséquences.

Comprenez-moi bien : notre intention n’est pas de priver l’exécutif des outils de maîtrise de la crise sanitaire dont il a fait jusqu’ici l’usage. Nous avons d’ailleurs consenti très largement à la proposition du Gouvernement de prolonger l’état d’urgence eu égard à la situation.

Mais cette acceptation prudente du principe du prolongement des pouvoirs exceptionnels ne signifie pas pour autant que nous souscrivons à leur emploi tous azimuts sans un contrôle parlementaire fin. Ces pouvoirs doivent être limités dans le temps et le Parlement doit être appelé à se prononcer régulièrement sur un éventuel prolongement au regard de l’évolution de la situation.

Ajoutons qu’en dernier ressort, les juges constitutionnel et administratif doivent s’assurer de la proportionnalité des mesures prises.

Pour toutes ces raisons, notre position s’est toujours articulée autour de deux idées-forces.

D’une part, nous voulons réduire la durée de prorogation d’application de l’état d’urgence sanitaire, afin que le Gouvernement revienne devant le législateur avant le début du mois de mai plutôt qu’en juin, dans un souci de donner corps au contrôle démocratique des pouvoirs exceptionnels.

Évidemment, on peut nous opposer des contraintes d’agenda législatif, comme l’a fait le ministre Olivier Véran en première lecture. Mais ce serait méconnaître le fait que, tout au long de la crise, l’institution parlementaire s’est toujours montrée à la hauteur du défi lorsqu’il s’est agi d’agir vite quand la santé des Français était en jeu.

D’autre part, nous avions proposé un encadrement spécifique du prolongement d’un éventuel confinement. Et pourtant, cette idée frappée au coin du bon sens fut la pierre d’achoppement qui a conduit à l’échec de la commission mixte paritaire de jeudi dernier. Nous le regrettons vivement.

Ainsi, à l’issue de son examen en nouvelle lecture par les députés, le projet de loi nous est revenu vidé de l’essentiel de nos modifications. La proposition de territorialiser, à travers les préfets, les décisions d’ouverture de commerce si la situation locale le permet a ainsi été balayée d’un revers de main par l’Assemblée nationale.

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