Nous n’avons manifestement pas la même vision de la transcription.
Plus que des réticences, madame Benbassa, il existe en droit français une interdiction claire et formelle de la GPA, en raison de la non-marchandisation du corps humain. De ce fait, pendant longtemps, la jurisprudence de la Cour de cassation a refusé la transcription des actes d’état civil étrangers des enfants nés de GPA, car transcrire ces actes revenait à contourner l’interdiction formelle dans notre droit. Cela n’avait pas pour effet de laisser ces enfants sans filiation, ces derniers disposant bien d’un état civil établi à l’étranger, comme c’est d’ailleurs le cas de beaucoup d’enfants vivant en France.
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a influé sur celle de la Cour de cassation. Ce faisant, elle a rendu obligatoire une transcription au moins partielle des actes d’état civil établis à l’étranger, surtout lorsqu’ils retraçaient la réalité d’une filiation biologique. La plupart du temps, c’est d’ailleurs un homme désirant être le père de l’enfant porté par une tierce personne qui recourait à la GPA. Cet homme étant le père biologique, il a fallu transcrire la filiation de cet enfant en droit français.
Qu’advient-il de l’autre parent ? Sur ce point, je n’ai pas la même analyse que vous : la Cour européenne des droits de l’homme laisse aux législations nationales la possibilité de décider, par des procédures sûres et rapides, de la façon dont ce lien de filiation sera établi à l’égard de l’autre parent. Dans ces conditions, l’adoption était le mode de filiation retenu en droit français. Il me semble que, encore aujourd’hui, la Cour européenne des droits de l’homme ne nous en demande pas plus, contrairement à ce que vous indiquez.
C’est sur ce fondement que la commission spéciale a adopté un amendement qui est devenu l’article dont nous discutons aujourd’hui. Cependant, assez récemment, la Cour de cassation est allée plus loin, en transcrivant intégralement les actes d’état civil qui étaient établis à l’étranger pour les enfants issus d’une GPA.
Vous souhaitez que nous en restions à ce stade, et, monsieur Yung, vous indiquez qu’il ne faudrait pas que le législateur s’oppose à la décision de la Cour de cassation. C’est un peu inverser les rôles ! C’est le législateur qui fait la loi, la Cour de cassation doit appliquer les textes.