Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 16 février 2021 à 14h30
Code mondial antidopage et lutte contre le dopage — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France doit transcrire en droit interne la dernière version du code mondial antidopage, ce avant le 12 avril prochain. L’horloge tourne !

En cas de non-conformité, notre pays s’exposera à des sanctions, avec notamment l’interdiction de la participation de ses athlètes aux compétitions sportives internationales ou d’organisation d’épreuves sur son sol, ce que personne ne souhaite.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui tend donc à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance, afin de répondre à l’urgence de la mise en conformité de notre droit national avec le nouveau code mondial antidopage.

Pourquoi une telle urgence à agir maintenant, alors que le processus de révision du code mondial antidopage a été engagé en 2017 ? La raison tient à notre calendrier parlementaire, percuté par la crise sanitaire. Dans cette affaire, le Gouvernement ne peut être tenu responsable puisque son projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnance avait été déposé bien en amont, le 19 février 2020.

Il nous faut donc légiférer maintenant, dans l’urgence, certes, mais aussi avec responsabilité.

Sur le contenu de ce code antidopage, force est de le constater, il s’agit non pas d’une révolution, mais de quelques améliorations assez techniques et bienvenues visant à renforcer l’efficacité de la lutte contre le dopage.

Sont ainsi prévus : la protection des personnes dénonçant des actes de dopage, protection bienvenue pour les lanceurs d’alerte ; la création d’une nouvelle catégorie de substances englobant les stupéfiants utilisés dans un contexte sportif ; et l’assouplissement des sanctions pour les sportifs de loisirs. Ces réformes, plutôt consensuelles, sont saluées par l’ensemble des acteurs.

Toutefois, deux points en particulier ont retenu, en commission, l’attention du Sénat et l’ont empêché de voter le texte en l’état.

Tout d’abord, concernant les pouvoirs confiés à l’Agence française de lutte contre le dopage, nous souhaitons que cette agence soit dotée de pouvoirs supplémentaires, notamment de convocation, d’audition et d’enquête. Ces pouvoirs d’enquête administrative sont d’ailleurs prévus par le nouveau code mondial antidopage.

Ensuite, pour ce qui concerne le nouveau laboratoire antidopage, qui doit désormais être indépendant pour des raisons évidentes de lutte contre les conflits d’intérêts, des interrogations subsistent sur son modèle économique et les moyens nécessaires à son fonctionnement au sein de son organisme d’accueil, l’université Paris-Saclay.

C’est pourquoi ma collègue Monique de Marco et moi-même avons décidé de cosigner les trois amendements déposés par nos collègues. Il s’agit, madame la ministre, non pas de mettre en danger le processus législatif et de prendre le risque d’une seconde lecture en cas de vote non conforme au Sénat, mais simplement de vous permettre de lever tous les doutes qui pourraient subsister, auprès de la représentation nationale et du public qui nous regarde, concernant l’ordonnance que nous examinons aujourd’hui.

Je le sais, vous avez mené un important travail de concertation avec l’AFLD, Paris-Saclay et nos rapporteurs. Le débat d’aujourd’hui est l’occasion d’en faire part publiquement. Mais ce projet de loi est aussi l’occasion d’aborder un sujet central, celui de la prévention.

Madame la ministre, je crois comprendre que votre projet d’ordonnance prévoit simplement de confier aux fédérations sportives la tâche d’organiser des actions de prévention et d’éducation en lien avec votre ministère.

L’intention est louable, mais elle reste encore déclarative. Le même reproche peut d’ailleurs être adressé au code mondial antidopage lui-même, qui fait de l’éducation et de la prévention des valeurs centrales, sans pour autant expliquer comment mettre celles-ci en œuvre.

On ne peut s’empêcher de voir dans la lutte contre le dopage les mêmes errements que ceux de nos sociétés dans le cadre de la lutte contre les stupéfiants. Car les deux catégories de produits sont similaires, avec parfois les mêmes risques, les mêmes addictions et les mêmes dégâts pour la santé et l’intégrité physique. Ces questions ne seront pas simplement résolues en les limitant à la compétition du sport de haut niveau.

Le dopage n’est pas un acte accompli uniquement par des athlètes soucieux de s’assurer les meilleurs classements. C’est une pratique présente partout dans le sport, depuis les amateurs qui se procurent des produits douteux sur internet jusqu’aux sportifs de haut niveau aidés par des équipes médicales peu scrupuleuses.

Tous les sports, tous les milieux, sont concernés.

Ainsi, comme souvent, le tout-répressif montre-t-il ses limites. Il nous faut de l’éducation, de la prévention, mais aussi de l’accompagnement sanitaire, et des politiques de sortie de l’addiction.

Abstraction faite de ce débat nécessaire, auquel notre société ne pourra se soustraire encore trop longtemps, les sénatrices et sénateurs du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires reconnaissent les avancées contenues dans l’évolution présente du code mondial antidopage et souhaitent leur transcription dans le droit national.

C’est pourquoi, une fois levées les interrogations dont j’ai fait état, nous voterons ce projet de loi.

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