Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, même si, d’un point de vue statistique, la part des mineurs dans la délinquance générale reste stable, le ressenti est que la violence est de plus en plus grande chez nos jeunes. La délinquance a changé de nature. Aujourd’hui, près de la moitié des sanctions prononcées à l’égard des mineurs sont des peines alors que les mesures éducatives devraient être prioritaires et majoritaires.
C’est dire combien l’enjeu de ce texte était de taille, et nous nous réjouissons que la commission mixte paritaire ait été conclusive. Il s’agissait bien sûr d’apporter une réponse pénale adaptée à l’enfance délinquante, mais avant tout d’entretenir l’esprit de l’ordonnance de 1945, qui consacre la primauté de l’éducatif sur le répressif, la spécialisation des juridictions, ainsi que l’atténuation de la responsabilité en fonction de l’âge. Enfin, l’enjeu était de mieux accompagner les mineurs et de leur éviter de sombrer dans une délinquance durable.
Il n’est pas commun de se satisfaire du report de l’entrée en vigueur d’une réforme, mais permettez-moi de le faire ici. Une mise en œuvre de la réforme dès le mois prochain aurait été très compliquée et aurait donné lieu à l’application de deux procédures, qui se seraient chevauchées, comme nous l’avions indiqué en première lecture. Aussi, je me réjouis que la CMP ait pu trouver un accord sur ce point.
Concernant le discernement, là encore, un pas a été fait en notre direction, la définition que nous avons introduite à l’article 1er ter A ayant été retenue. La fixation d’un seuil de discernement est aussi la bienvenue, car elle permet à la France de se mettre en conformité avec les accords internationaux. Le choix d’une présomption simple est difficile, mais selon moi nécessaire, afin de limiter les effets de seuil et de laisser une libre interprétation au juge.
La CMP a enfin amélioré le texte à l’article 6 bis. Le texte prévoyait le doublement de l’amende encourue par les représentants légaux de mineurs poursuivis qui ne répondent pas à une convocation à comparaître devant un magistrat ou une juridiction pour mineurs. Son maintien aurait représenté une double peine pour des familles souvent très fragiles socialement et économiquement. Son remplacement par l’obligation de participer à un stage de responsabilité parentale est en ce sens une solution équilibrée.
Je ne réitérerai pas mes craintes sur l’audience unique, que je redoute de voir se généraliser, sur l’accent davantage mis sur la privation de liberté que sur les mesures éducatives ou encore sur les moyens financiers qu’il faudra continuer à mobiliser pour que cette réforme soit effective et qu’elle améliore considérablement le traitement de la jeunesse délinquante. Cette amélioration devra nécessairement passer par un recours plus faible à la détention provisoire, car l’enfermement n’est jamais une solution en soi. Il est même parfois, hélas ! le début d’un parcours carcéral continu.
Pour conclure, je rappellerai les propos que j’ai tenus lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021. Monsieur le garde des sceaux, j’avais souhaité que nous ayons un réel débat sur un texte aussi fondateur, au vu des circonstances dans lesquelles il nous avait été présenté. Malgré la procédure accélérée et grâce au travail de nos deux assemblées – je remercie notre rapporteur Agnès Canayer pour son engagement sur ce texte –, je pense que le débat a pu être mené jusqu’au bout. Soyez assuré que le groupe du RDSE suivra de manière exigeante la mise en œuvre de ce nouveau code.
Comme nous l’avons fait en première lecture, nous voterons le texte tel qu’il résulte des travaux de la commission mixte paritaire.