Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire a révélé les limites de notre système de santé. Elle nous a aussi permis de « reprendre » conscience du travail remarquable réalisé au quotidien par tous les professionnels qui participent à notre parcours de santé. Sommes-nous à la hauteur de leur investissement ? Répondons-nous clairement à leurs attentes légitimes ?
Lancé en mai 2020, à l’issue du premier confinement, le Ségur de la santé a suscité beaucoup d’espoirs. Cet effort inédit est incontestablement une belle avancée. En revanche, nombreux sont ceux qui nous disent avec amertume qu’il ne s’agissait pas du Ségur de la santé mais plutôt du Ségur de l’hôpital public
Jour après jour, les parlementaires ont été et sont encore interpellés par des professionnels qui se retrouvent exclus des revalorisations sans en comprendre les raisons. Récemment, ce sont les personnels de certains établissements médico-sociaux qui nous ont alertés.
À la fin de l’année dernière, nous étions soixante-quatre sénateurs à interpeller le ministère de la santé pour qu’il trouve une réponse adaptée à l’ensemble des professions « oubliées du Ségur ».
Aujourd’hui, nous examinons la proposition de loi de notre collègue députée, Mme Stéphanie Rist, visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification. Elle a pour objet de concrétiser les mesures non budgétaires du Ségur de la santé signé par les partenaires sociaux.
Avant d’entrer dans le détail de l’examen du texte, je souhaite vous faire part de quelques remarques générales.
Alors que nous examinons cette proposition de loi composée de trente-cinq articles dans le cadre d’une semaine gouvernementale, l’ordre du jour prévoyait initialement de ne lui consacrer qu’une seule et unique demi-journée. Cela promettait un examen au pas de course ! Je salue donc l’ouverture de la journée de jeudi pour examiner ce texte dans de bonnes conditions.
Une proposition de loi ne permet ni étude d’impact ni avis du Conseil d’État. Je le regrette, car ce texte porte sur des questions fondamentales.
Un autre sujet qui m’inquiète tient au peu d’enthousiasme qu’ont manifesté celles et ceux que j’ai entendus lors des auditions. Les demandes d’entretiens et le nombre d’amendements proposés corroborent ce sentiment d’un manque total d’adhésion à cette proposition de loi. Je ne peux que regretter que les uns se sentent injustement écartés, quand les autres sont pour le moins déconcertés. Nous devons y prendre garde, car nous ne sommes pas loin d’observer une réelle démotivation des professionnels.
Je salue notre rapporteur, Alain Milon, qui a mené un important travail d’auditions auquel j’ai essayé de participer le plus possible, ce qui m’a permis de livrer ce témoignage sur le manque d’enthousiasme suscité par le texte.
Enfin, cette proposition de loi se veut la traduction de la partie non budgétaire des conclusions du Ségur de la santé. Force est de constater qu’elle n’atteint pas cet objectif, puisque seulement cinq des trente-trois mesures du Ségur se retrouvaient dans le texte de commission de l’Assemblée nationale.
J’entends les arguments de son auteure : « Nombre de mesures attendues par les professionnels de la santé relèvent du niveau réglementaire et des ordonnances prévues dans le cadre de la loi Ma santé 2022, et ne figurent donc pas dans ce texte. »
Cependant, nous sommes en droit de nous interroger sur l’intitulé de cette proposition de loi. Vise-t-elle réellement à améliorer notre système de santé par la confiance et la simplification ? J’en doute.
S’il y a urgence à redonner de l’attractivité aux carrières au sein des hôpitaux publics, les sentiments d’injustice et de frustration ne cessent de monter sur le terrain. Il faudra un jour y répondre !
Je m’arrête là pour les considérations générales, et j’en viens aux articles de la proposition de loi.
Je commencerai par ce que je considère comme des avancées bienvenues. Il s’agit du chapitre II relatif à l’évolution des professions de sage-femme et de certains auxiliaires médicaux.
Si les articles 2 et suivants n’engagent pas de révolution, ils sont autant de bouffées d’oxygène pour les professions concernées et surtout pour les patients. Il conviendrait d’amplifier ce mouvement.
Aussi, une fois n’est pas coutume, je ne partage pas la position de notre rapporteur – qu’il me pardonne ! – sur l’article 2 quinquies B qui permettait aux sages-femmes d’adresser leurs patientes à un médecin spécialiste, sans pénaliser celles-ci en termes de remboursement des frais de soins par l’assurance maladie.
Je ne crois pas que cette disposition induise une confusion dans la logique du parcours de soins coordonné, articulé autour du médecin traitant. C’est au contraire une mesure de simplification du parcours des patientes qui serait bienvenue, d’autant qu’elle est conforme à l’objet de la proposition de loi.
Nous le savons, le temps de la grossesse est un temps à part dans la vie d’une femme. Les sages-femmes n’ont donc pas vocation à se substituer aux médecins.
Aussi, dans un objectif de simplification du parcours de santé et d’un meilleur accès aux soins, j’ai déposé plusieurs amendements pour amplifier ce qui restait à l’état d’esquisse dans ce chapitre II.
J’appelle cependant le ministre à la vigilance sur le fait que nous ne pouvons pas étendre indéfiniment le champ d’intervention de ces professionnels sans améliorer leur statut.
Concernant la mesure phare portée initialement par l’article 1er, je partage en tout point l’analyse de notre rapporteur. Introduire une nouvelle strate de professionnels de santé ne peut se faire sans l’assentiment des principaux concernés. Cela n’a pas été le cas. Dont acte.
Le chapitre IV relatif à la gouvernance des établissements publics de santé suscite de vives réactions. Nombreux sont les acteurs de proximité qui ne comprenaient pas que les préconisations du professeur Claris n’aient pas été reprises. Je remercie notre rapporteur d’avoir respecté ce travail unanimement salué en réécrivant ces articles.
Dans la même dynamique, l’article 5 modifié par la commission est bienvenu tant la notion de « service » fait consensus chez les professionnels.
Enfin, nous ne pouvons que souscrire à l’objectif d’associer davantage le personnel soignant à la gestion de l’hôpital, notamment par le biais de l’élaboration du projet médical, dont la finalité est de répondre aux besoins de santé de la population.
Pour conclure, cette proposition de loi a fait naître des sentiments très ambivalents, oscillant entre l’espoir et la déception. Les mesures contenues dans le texte ne parviennent pas à se hisser à la hauteur des ambitions et des attentes bien légitimes de celles et ceux qui donnent le meilleur d’eux-mêmes en cette période particulièrement éprouvante.
Le Sénat apporte un certain nombre d’améliorations salutaires. Aussi, le groupe Union Centriste votera favorablement le texte ainsi modifié.