Intervention de Bernard Jomier

Réunion du 17 février 2021 à 15h00
Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification — Discussion générale

Photo de Bernard JomierBernard Jomier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crains que ce texte ne simplifie pas plus qu’il ne crée davantage de confiance.

À l’issue de son passage en commission au Sénat, neuf articles ont été supprimés. Le texte a un peu dégonflé, sans atteindre toutefois la taille usuelle d’une proposition de loi. Le rapporteur a procédé à un important travail de réécriture sur de nombreux sujets complexes et pourtant absolument essentiels pour notre système de santé.

Nous ne pouvons que déplorer le rejet de la motion de renvoi à la commission, qui aurait pu nous octroyer le temps nécessaire pour effectuer un travail à la hauteur des enjeux, en pleine conscience notamment des ordonnances en préparation.

Monsieur le ministre, vous faites le choix d’un examen du texte bâclé. Or nous considérons que les soignants mobilisés depuis un an pour faire face aux différentes vagues de l’épidémie méritent mieux.

Je m’attarderai brièvement sur quelques articles qui ont particulièrement retenu notre attention.

L’article 1er, supprimé par le rapporteur, visait à créer une profession médicale intermédiaire entre infirmiers et médecins sans en détailler les modalités techniques et juridiques. Face au mécontentement général, il est devenu une simple demande de rapport dressant un état des lieux de la mise en place des auxiliaires médicaux en pratique avancée et des protocoles de coopération. Or ce sont ces mêmes protocoles de coopération que l’article 1er bis visait à étendre, avant donc qu’ils ne soient évalués ! Cherchez la logique…

L’article 1er bis n’était, en outre, guère compréhensible dans sa version initiale, puisqu’il avait pour objet d’étendre les protocoles de coopération à tout le champ de l’exercice coordonné, alors même que les dispositions votées dans la loi Santé de 2019 sont encore à peine appliquées.

Le chapitre II introduit quelques dispositions attendues et réclamées par les sages-femmes depuis longtemps. Même si c’est un progrès, d’autres professions nécessitent encore qu’on leur prête attention. Par exemple, le rôle des infirmières et des infirmiers dans l’offre de soins demeure insuffisamment reconnu. Nous proposerons des amendements pour que de nouvelles compétences leur soient octroyées.

En ce qui concerne la gouvernance de l’hôpital, l’article 5 part d’une intention positive, puisqu’il a pour ambition de réaffirmer le rôle des services et du chef de service. Nous pensons en effet que ces derniers constituent une unité pertinente dans la prise de décision, d’organisation et de mise en œuvre de l’offre de soins, et que les réformes successives de l’hôpital les ont trop éloignés des instances décisionnelles.

Pour autant, l’article 5 procède-t-il réellement à ce changement de cap ? Je ne le crois pas, et je doute que nous puissions promettre aux personnels hospitaliers le changement qu’ils attendent, si nous ne posons pas clairement la question de la répartition des compétences entre les pôles d’activités et les services.

Dans la même logique, nous défendons une place plus importante donnée à la parole des personnels paramédicaux représentés au sein de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques. La gestion de la crise de la covid à l’hôpital a souvent permis de « mettre autour de la table » la direction, les médecins et les soignants, dans le cadre d’un travail collectif pour organiser la prise en charge. Les verrous financiers ne sont pas les seuls à être passés au second plan pendant cette crise : celui de la verticalité, souvent bureaucratique, qui caractérise la prise de décision à l’hôpital a lui aussi sauté temporairement. Telle est la direction dans laquelle il nous faut travailler pour faciliter la reconnaissance de l’implication des soignants dans la prise en charge quotidienne des patients.

Pour cette raison, nous nous opposerons aux dispositions de l’article 6 qui prévoient la fusion de la commission médicale d’établissement et de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT).

Nous sommes convaincus qu’il faut au contraire conforter une plus grande autonomie de la CSIRMT, et par conséquent ne pas permettre une telle fusion.

L’article 8 vise à introduire la possibilité pour un établissement de santé, sur son initiative, de déroger à une organisation des soins en pôles d’activités, ou d’adopter une gouvernance sans directoire, qu’il s’agisse de la CME ou de la CSIRMT.

Il nous paraît surprenant d’avoir introduit dans le texte plusieurs articles visant à modifier la gouvernance de l’hôpital, afin d’accorder davantage de place aux services et aux soignants, alors que cet article 8 permettrait d’y déroger ! De plus, celui-ci ne répond à aucun souhait exprimé sur le terrain et il ne satisfait aucune demande formulée dans les rapports Claris et Notat.

Enfin, la proposition de loi s’achève sur un énième article décevant sur le handicap. Le Ségur de la santé n’a-t-il pas d’autres ambitions pour le secteur médico-social que la commande d’un rapport et l’instauration d’une plateforme en ligne venant s’ajouter à un numéro vert déjà en place et dont tout le monde s’accorde à dire qu’il ne remplit pas son rôle ?

Monsieur le ministre, il est difficile de masquer notre grande insatisfaction, voire notre colère, alors que nous entamons l’examen de ce texte.

Vous avez refusé d’inscrire le sujet de la gouvernance dans les discussions du Ségur de la santé. Or cette proposition de loi, censée mettre en œuvre les mesures issues de ces discussions, comprend plus d’une dizaine d’articles, et non des moindres, sur la gouvernance !

La vérité, c’est que seulement quatre ou cinq mesures du Ségur figurent dans ce texte.

La vérité, c’est que vous avez refusé d’ouvrir des états généraux de l’hôpital public qui auraient permis de traiter convenablement de l’organisation et de la gouvernance de l’hôpital.

La vérité, c’est que l’on attend toujours le Ségur de la santé publique.

La vérité, c’est que vous nous demandez de voter cette loi dans la confusion.

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