Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à doter les juridictions de nouveaux outils juridiques afin de les aider à rendre la justice au plus près de nos concitoyens et à répondre sans délai aux petits délits du quotidien. Elle répond ainsi aux objectifs que le Premier ministre Jean Castex avait assignés au ministère de la justice dans son discours de politique générale.
Cette proposition de loi fait suite à une circulaire de la chancellerie, en date du 15 décembre 2020, qui incite les chefs de juridiction à prendre différentes initiatives pour se rapprocher du terrain, tout en prenant mieux en charge les victimes. En allouant des moyens nouveaux au recrutement de magistrats à titre temporaire, de magistrats honoraires ou de délégués du procureur, le budget de la justice devrait faciliter la mise en œuvre de ces mesures.
Le texte dont nous sommes saisis résulte d’une initiative parlementaire, puisqu’il a été déposé par nos collègues députés du groupe Agir ensemble. Il présente néanmoins un caractère assez technique et plusieurs dispositions qu’il contient sont très ponctuelles.
Cette proposition de loi contient des dispositions de quatre catégories : des mesures qui concernent les alternatives aux poursuites et la composition pénale ; la mise en œuvre des peines de travail d’intérêt général ; le recouvrement des contraventions ; enfin, des mesures de simplification des procédures concernant l’appel des jugements d’assises et les pourvois en cassation.
Sur le premier volet, relatif aux alternatives aux poursuites et à la composition pénale, rappelons que ces deux procédures sont mises en œuvre par le parquet dans le but d’apporter une réponse pénale à des infractions de faible ou de moyenne gravité sans passer par une juridiction de jugement, ce qui évite d’engorger les tribunaux. Ces procédures représentent aujourd’hui une part considérable de l’activité des parquets, de l’ordre de 40 %. La composition pénale est entourée d’un plus grand formalisme, puisqu’elle est soumise, sauf exception, à la validation d’un juge du siège.
La présente proposition de loi complète et précise la liste des mesures pouvant être mises en œuvre par le parquet. Concernant les alternatives aux poursuites, elle précise que l’auteur des faits pourra être amené à se dessaisir au profit de l’État de biens qui ont servi à commettre l’infraction ou qui en sont le produit. Elle introduit également des interdictions d’entrer en contact avec la victime ou avec des complices.
Elle crée enfin – c’est sans doute la mesure la plus innovante – une contribution citoyenne, d’un montant maximal de 3 000 euros, que l’auteur des faits serait obligé de verser à une association d’aide aux victimes. La commission a été sensible à l’intérêt pédagogique de cette contribution – l’ancien conseiller pédagogique que je suis y est particulièrement attaché ! – qui aidera l’auteur des faits à prendre conscience des conséquences de ses actes, tout en exprimant une forme de reconnaissance pour le travail remarquable accompli par ces associations auprès des victimes d’infractions.
Concernant la composition pénale, le texte prévoit de porter de soixante à cent le nombre maximal d’heures de travail non rémunéré (TNR) pouvant être effectuées et il ouvre la possibilité de suivre un stage de responsabilité parentale. Il prévoit également de supprimer l’obligation de validation par un juge du siège des compositions conclues en matière contraventionnelle.
En ce qui concerne le travail non rémunéré, la commission a adopté un amendement afin de l’inclure dans le champ de l’expérimentation prévue par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Cette expérimentation vise à évaluer dans quelle mesure le secteur de l’économie sociale et solidaire peut participer à l’accueil des personnes condamnées à une peine de travail d’intérêt général. Il nous paraît intéressant que le secteur de l’économie sociale et solidaire puisse, lui aussi, accueillir des travaux non rémunérés. Au moment de dresser le bilan de l’expérimentation, il serait ainsi possible de croiser le regard du parquet et celui du juge de l’application des peines afin de disposer d’une évaluation plus complète.
Je remercie le Gouvernement d’avoir accueilli favorablement notre suggestion de modifier le code de la sécurité sociale afin que les personnes qui effectuent un travail non rémunéré dans le cadre d’une transaction conclue avec le maire puissent être indemnisées en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Cette modification permettra de combler une lacune qui compliquait la vie de nos communes.
Sur une proposition d’Alain Richard et d’autres collègues du groupe RDPI, la commission a également souhaité autoriser l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) à mettre des biens immobiliers saisis dans le cadre d’une procédure pénale à la disposition d’associations ou de fondations reconnues d’utilité publique ou d’organismes participant à la politique du logement.
Cette mesure a déjà été adoptée par le Sénat et par l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen de la proposition de loi relative à l’amélioration de la trésorerie des associations ; comme nous ne savons pas quand ce texte sera inscrit à l’ordre du jour, c’est pour nous l’occasion d’avancer…
Le deuxième volet du texte vise à fluidifier l’exécution des peines de travail d’intérêt général (TIG). Ces dernières présentent un réel intérêt pour prévenir la récidive et favoriser la réinsertion sociale et professionnelle des condamnés. L’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (Atigip) a été créée à la fin de l’année 2018 pour prospecter de manière plus systématique les employeurs susceptibles de proposer des TIG.
Deux mesures complémentaires sont envisagées par le texte.
Premièrement, il est proposé de confier aux directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) certaines tâches actuellement dévolues au juge de l’application des peines (JAP). Ainsi, les directeurs de SPIP deviendraient compétents pour fixer les modalités d’exécution de la peine et seraient chargés d’instruire les demandes des employeurs désireux de proposer des TIG. Responsable de la bonne exécution des peines, le JAP conserverait toutefois la possibilité de statuer lui-même, lorsque cela lui paraît justifié.
Dans une large mesure, ces dispositions ne font qu’entériner la pratique constatée sur le terrain : dans les faits, c’est bien le directeur du SPIP qui assume ces missions, tandis que le JAP se contente, sauf exception, de valider les décisions qui lui sont soumises.
Deuxièmement, il est prévu de supprimer l’obligation de l’examen médical préalable à l’accomplissement d’un TIG. Il serait toutefois maintenu dans certaines hypothèses, précisées par décret et justifiées par la nature des travaux à accomplir ou par les caractéristiques du condamné, par exemple s’il s’agit d’un mineur.
Sur ce volet du texte, la commission s’est surtout attachée à clarifier les interventions respectives du directeur du SPIP et du JAP. Les directeurs de SPIP effectuent un travail remarquable qui n’est pas toujours apprécié à sa juste valeur. Il me paraît donc important de souligner, à l’occasion de l’examen de ce texte, les responsabilités éminentes qu’ils assument.
Le troisième volet de la proposition de loi concerne les amendes forfaitaires, l’objectif étant d’en améliorer le taux de recouvrement. Le dispositif de l’amende forfaitaire a fait la preuve de son efficacité pour sanctionner des infractions « de masse », sans engorger les tribunaux. Il autorise une verbalisation immédiate et automatique de certaines infractions contraventionnelles, mais aussi de quelques infractions délictuelles, telles que la conduite sans permis ou sans assurance et l’usage illicite de stupéfiants.
Afin d’accélérer leur recouvrement, la loi a prévu que le montant de l’amende forfaitaire due au titre de certaines infractions routières peut être minoré, si l’amende est réglée au moment de la constatation de l’infraction ou au plus tard dans un délai de quinze jours. Le contrevenant est ainsi incité financièrement à s’acquitter rapidement du montant de l’amende. Il est proposé d’élargir le mécanisme de l’amende forfaitaire minorée, en l’appliquant aux contraventions de la cinquième classe et en autorisant le pouvoir réglementaire à l’étendre à d’autres catégories de contraventions.
Une autre disposition, plus ponctuelle, vise à éviter que les auteurs de certaines infractions routières échappent à une sanction, notamment à un retrait de points, parce que leur véhicule aurait été immatriculé, par erreur, sous le nom d’une personne morale.
J’en viens enfin au dernier volet du texte, qui s’inspire de suggestions formulées par la Cour de cassation dans son rapport annuel et qui présente un caractère assez technique.
Il tend à simplifier le désistement de l’accusé ayant interjeté appel d’une décision de cour d’assises, à harmoniser le délai accordé au demandeur en cassation pour déposer un mémoire et à autoriser le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation à désigner le magistrat chargé de rapporter une affaire après le dépôt des mémoires des avocats, de manière qu’il soit plus facile de sélectionner le rapporteur le mieux à même de traiter le dossier.
La commission a approuvé sans modification ces trois dispositions ponctuelles.
Vous le voyez, mes chers collègues, ce texte cherche à parfaire des dispositifs existants qui sont déjà largement utilisés sur le terrain ou gagneraient à être développés.
La commission des lois vous demande donc de l’approuver, tout en soulignant que d’autres mesures seront nécessaires pour faire vivre la promesse d’une justice de proximité : des mesures d’organisation, bien sûr, mais aussi l’allocation de moyens adaptés pour maintenir sur l’ensemble de notre territoire, notamment dans les territoires ruraux, des lieux de justice en nombre suffisant.