Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du 18 février 2021 à 14h30
Élection du président de la république — Discussion générale

Marlène Schiappa :

Mesdames, messieurs les sénateurs, jamais votre assemblée n’aura, dans son histoire récente, examiné en aussi peu de temps autant de textes électoraux : la loi organique du 24 décembre 2020 relative aux délais d’organisation des élections législatives et sénatoriales partielles, la loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux et des conseils régionaux que vous venez d’adopter définitivement et, cet après-midi, le projet de loi organique relatif à l’élection du président de la République.

Les deux textes de report devaient gérer l’immédiat, l’urgence de concilier impératifs démocratiques et impératifs sanitaires. Vous les avez examinés dans un esprit foncièrement républicain, dans un esprit de rassemblement et de responsabilité, au moment où notre pays reste confronté à une crise sanitaire sans précédent.

Le projet de loi organique que vous examinez ce soir nous invite, pour sa part, à renouer avec une forme de « normalité démocratique » tout en nous projetant résolument dans l’avenir.

Pour renouer avec une forme de normalité, le texte procède, comme chaque année qui précède l’élection présidentielle, à l’actualisation de la loi organique du 6 novembre 1962, afin de rendre applicables au scrutin présidentiel les évolutions des règles du code électoral, intervenues depuis la dernière élection. Il permet aussi, comme chaque fois, de tenir compte des remarques formulées par le Conseil constitutionnel à l’occasion du dernier scrutin.

Ces adaptations ont été examinées par votre commission des lois et ne posent pas de problème de principe, puisqu’elles s’en tiennent, pour l’essentiel, à l’application du droit commun.

Ce souhait de s’en tenir au droit commun explique que le Gouvernement ait défendu, par exemple, au cours de l’examen parlementaire de ce texte, le fait d’écarter le recours à la double procuration. Il a en effet considéré que celle-ci ne se justifiait qu’en cas de circonstances exceptionnelles. Autre exemple sur lequel je reviendrai, le Gouvernement a défendu le maintien de la durée de la campagne présidentielle à un an.

Ce projet de loi organique est donc un texte classique qui correspond à un rendez-vous traditionnel, solidement ancré dans notre tradition républicaine.

Cependant, il s’agit aussi d’un texte qui nous invite à nous projeter collectivement au-delà de la crise sanitaire – dont nous espérons tous que, grâce au vaccin, elle sera derrière nous en 2022 – pour envisager plus largement la question des modalités de vote dans notre pays.

En effet, face à ce que certains experts qualifient parfois de « désenchantement démocratique », le Gouvernement s’est donné pour objectif de créer les conditions de la participation la plus large possible de nos concitoyens aux élections.

Pour cela, il faut commencer par assurer l’accessibilité du vote à tous nos concitoyens en situation de handicap. Vous savez combien le Gouvernement est sensible à cette cause pour laquelle il s’est engagé encore tout récemment, en rétablissant le droit de vote de tous les majeurs sous tutelle, et en prévoyant la production par les candidats à l’élection présidentielle de professions de foi en langage « facile à lire et à comprendre ».

Je sais que cette préoccupation est largement partagée par votre assemblée et nous aurons l’occasion d’y revenir, lorsque nous examinerons l’amendement de M. Mouiller.

Toujours dans l’objectif d’une participation la plus large possible, ce projet de loi organique met en œuvre plusieurs mesures ambitieuses. La déterritorialisation du vote par procuration sera appliquée, pour la première fois dans notre pays, lors de ce scrutin, avant d’être généralisée, comme prévu, à l’ensemble des élections. Grâce au « répertoire électoral unique », qui sera pleinement opérationnel à compter du 1er janvier 2022, le recours au vote par procuration sera facilité sans amoindrir en rien le respect de l’impératif de sécurité en la matière.

Je voudrais rappeler, à ce sujet, que nos concitoyens pourront également profiter du dispositif de « e-procuration » déployé en ce moment par le ministère de l’intérieur, qui dématérialise l’essentiel de la procédure de demande et de transmission des procurations en mairie.

Enfin, le texte prévoit le vote des détenus par correspondance, qui aura lieu pour la première fois lors d’un scrutin présidentiel, après le succès de l’expérimentation qui a été conduite au moment des élections européennes.

L’Assemblée nationale a validé ces avancées à l’unanimité. Elles ont également reçu l’accord de la commission des lois de votre assemblée. J’espère qu’elles recevront ce soir l’aval de votre hémicycle.

Au-delà de ces innovations, les discussions parlementaires qui se sont tenues à l’occasion de l’examen des différents projets de loi ont confirmé l’intérêt porté par toutes les formations politiques à la question des nouvelles modalités de vote.

À cet égard, je tiens à saluer la très grande qualité des travaux de la mission d’information consacrée à ce sujet. Présidée par le François-Noël Buffet, elle a rendu ses conclusions au mois de décembre dernier.

Tout comme les nombreuses contributions reçues par le Gouvernement, ces travaux font ressortir, tout à la fois, une attente et ce que je qualifierai de « retenue prudente ». On constate, en effet, une forme d’impatience dans l’attente de propositions nouvelles, et en même temps une conscience aiguë des questions de principe, de faisabilité technique et de sécurité qui méritent d’être étudiées et pesées avant de s’éloigner des modalités de l’urne traditionnelle et du vote papier.

Ainsi que vous l’indiquez vous-mêmes, aucune des options classiques, aujourd’hui identifiées, n’est pleinement satisfaisante.

Le vote à distance n’est ni sûr ni fiable, en l’état, en tout cas pas à l’échelle nationale. Le vote électronique n’est techniquement pas possible. Enfin, nous convenons tous que le vote personnel « à l’urne » est le plus souhaitable.

Face à cette situation, et soucieux d’apporter une réponse à la demande de modernisation, le Gouvernement a cherché à proposer une troisième voie qui concilie l’ensemble des contraintes, grâce à un dispositif qui simplifie et renforce la participation tout en assurant un vote personnel et secret, respectueux de la sincérité globale du scrutin.

Un mot d’abord sur le choix du texte destiné à accueillir cette proposition.

À l’évidence, les textes de report ne permettaient pas d’envisager des innovations, et nos concitoyens n’auraient pas compris qu’ils prévoient, au-delà des mesures d’adaptation au contexte sanitaire, des changements dans les modalités de vote.

En revanche, le texte dont nous discutons ce soir constitue cette occasion favorable.

Tout d’abord, il porte sur une élection, certes structurante, mais qui reste extrêmement simple dans son principe : quelques candidats sont départagés dans une circonscription unique par l’ensemble des électeurs. L’élection présidentielle se prête mieux qu’aucune autre à la mise en place d’un dispositif nouveau, contrairement aux scrutins territorialisés dont les variables, nombreuses, rendent plus hasardeux le recours à des solutions non éprouvées.

Ensuite il s’agit d’une élection qui mobilise, et pour laquelle les Français seront heureux que les modalités de vote soient facilitées, afin de leur permettre d’y participer le plus largement possible.

Le dispositif que nous proposons vise, comme vous le savez, à offrir la possibilité aux électeurs et aux électrices qui le souhaitent de voter sur une machine électronique, quelques jours avant le scrutin présidentiel. Ce dispositif, très innovant, – j’en conviens volontiers – vise fondamentalement à tenir l’équilibre, en ne quittant pas la ligne de crête très bien esquissée par votre mission d’information.

Cette proposition est motivée par le souci de répondre à l’attente exprimée par les élus de la Nation, de tous niveaux et de toutes sensibilités politiques, tout en respectant les principes et les exigences qui régissent l’organisation de nos élections.

Je ne doute pas qu’elle sera, comme l’ensemble du texte examiné ce soir, l’occasion de l’un de ces débats de haute tenue et profondément républicains qui honorent votre assemblée.

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