Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chaque élection présidentielle sous la Ve République a marqué notre histoire républicaine.
Cela s’explique par le rôle joué par le Président de la République, qualifié par Michel Debré de « clé de voûte » de nos institutions, et par l’organisation, à compter de 1965, d’un scrutin au suffrage universel garantissant un lien direct entre les électeurs et le chef de l’État.
L’importance de cette élection se traduit par le niveau des normes qui en arrêtent les modalités. Les principales règles relatives à l’élection présidentielle sont fixées par l’article 7 de la Constitution, ainsi que par la loi organique du 6 novembre 1962.
Les règles de l’élection présidentielle doivent s’adapter aux évolutions de notre droit électoral : depuis son adoption par référendum, la loi du 6 novembre 1962 a déjà été modifiée à vingt-trois reprises.
Depuis 1988, chaque élection présidentielle est précédée d’une adaptation législative. Cet usage est ancré dans notre tradition républicaine, notamment pour prendre en compte les observations du Conseil constitutionnel sur la précédente élection.
Le dernier exemple est celui de la loi organique du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, adoptée un an avant le scrutin de 2017.
Le projet de loi organique qui nous est présenté, comme le veut l’usage plus d’un an avant le scrutin, constitue ainsi un texte de réglage qui comporte divers ajustements techniques dans la perspective de l’élection présidentielle du printemps 2022.
Il comprend plusieurs axes.
L’article 1er concerne les opérations préparatoires au scrutin. Il fixe notamment le délai de convocation des électeurs à dix semaines avant le premier tour de l’élection.
L’article 2 reporte en outre à 2027 la procédure dématérialisée de transmission des parrainages annoncée en 2016, en raison du retard pris dans l’identification numérique des citoyens.
Il s’attache également aux règles de financement de la campagne et prévoit la dématérialisation des « reçus-dons » et du dépôt des comptes de campagne auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Enfin, cet article concerne le vote par correspondance des détenus, qui peuvent aussi bénéficier d’une autorisation de sortie pour voter ou établir une procuration.
Je veux soulever un important point de vigilance sur cet article à cause d’un amendement déposé par le Gouvernement au dernier moment, qui vise la mise en place d’un vote par anticipation pour l’élection présidentielle.
Cette mesure fait naître beaucoup d’interrogations : où les machines à voter seront-elles disposées ? Sous la responsabilité de qui seront-elles placées ? Qui les paiera ? Avons-nous le même avis une semaine avant le vote et le jour même du scrutin ? Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas fait état de ce nouvel amendement lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale il y a quelques semaines ?
Par ailleurs, les articles 2 et 3 procèdent à plusieurs actualisations à la suite d’évolutions intervenues dans le code électoral : l’inscription sur les listes électorales sera possible jusqu’au sixième vendredi avant le scrutin ; le droit de vote est maintenu pour les majeurs sous tutelle ou curatelle ; les dons sur les plateformes numériques seront autorisés.
On notera une modification importante : la « déterritorialisation » des procurations rendue possible par la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.
Enfin, un dernier volet du texte a trait à l’inscription sur les listes électorales consulaires.
Je me félicite que notre commission des lois ait apporté un certain nombre de modifications qui sont venues enrichir ce texte.
Je suis heureux notamment qu’elle ait souhaité éviter tout chevauchement avec les comptes de campagne des élections régionales et départementales de juin 2021, en faisant débuter la période de financement de l’élection présidentielle au 1er juillet 2021.
Je me réjouis également qu’elle impose aux instituts de sondage de publier leurs marges d’erreur et qu’elle confère un caractère expérimental à la dématérialisation des comptes de campagne de l’élection présidentielle.
J’approuve aussi la commission lorsqu’elle souhaite que les électeurs soient convoqués par décret simple plutôt que par décret en conseil des ministres, par cohérence avec l’article 7 de la Constitution.
Enfin, je la rejoins lorsqu’elle entend permettre aux présidents des conseils consulaires des Français de l’étranger et des conseils exécutifs de Corse et de Martinique de parrainer un candidat à l’élection présidentielle, et lorsqu’elle rend obligatoire la publication des comptes de campagne en open data, comme c’est la règle pour les autres élections.
Madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique apporte plusieurs adaptations en vue de l’élection présidentielle du printemps 2022. L’ambition de ses auteurs reste toutefois limitée, puisqu’il s’agit de mesures techniques.
Le groupe Les Indépendants votera ce texte dans sa version modifiée et enrichie par la commission des lois de notre assemblée.