Intervention de Valérie Létard

Réunion du 6 mai 2008 à 16h00
Modernisation du marché du travail — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Valérie Létard, secrétaire d'État :

La flexicurité est l’intérêt naturel des entreprises et des salariés : depuis presque vingt-cinq ans – depuis 1984, pour être précis, date de l’échec des négociations sur « l’adaptation des conditions de l’emploi » –, la flexicurité attendait de prendre forme en France.

En apportant des réponses concrètes à cette question, les partenaires sociaux ont témoigné du succès de la négociation collective et le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui est né de l’accord interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail qui a été signé le 11 janvier 2008.

Premier accord conclu dans le cadre de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, il a été signé par les partenaires sociaux, qui ont su trouver eux-mêmes les solutions adaptées aux problèmes qui les concernent. Cet accord prouve que nous sommes entrés dans une nouvelle ère du dialogue social ; il prouve que, dans une société moderne, on a toujours raison de privilégier la voie de la négociation, voire de la concertation, selon les sujets.

Le projet de loi qui vous est soumis atteste que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre cet accord et lui donner force obligatoire le plus rapidement possible.

Ce texte a été élaboré en étroite concertation avec les signataires. Nous avons identifié les points qui nécessitaient une loi, sachant que, à terme, tout l’accord sera applicable à tous les salariés selon des modalités négociées.

Comme les parties signataires en sont convenues, certains sujets feront l’objet de négociations ultérieures, comme la formation professionnelle, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, GPEC, ou l’assurance chômage.

D’autres domaines seront précisés dans les décrets et arrêtés d’application de ce projet de loi. Nous avons travaillé à ces décrets avec les signataires et avec les parlementaires, afin qu’ils puissent être publiés aussitôt que la loi aura été promulguée. Ces projets de décrets que Xavier Bertrand vous a fait parvenir ont été transmis à la commission nationale de la négociation collective, qui les examinera le 13 mai prochain. C’est également le cas de l’arrêté prévoyant le formulaire type pour la rupture conventionnelle.

Enfin, nous avons également mis en place le groupe de réflexion tripartite demandé par les signataires de l’accord sur le contexte juridique nécessaire pour fixer le minimum et le maximum des indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce groupe s’est réuni le 31 mars et se réunira de nouveau le 20 mai.

Le présent texte rendra applicables les avancées considérables introduites par l’accord du 11 janvier. Celles-ci façonnent un nouvel équilibre entre flexibilité et sécurité, pour une flexicurité à la française.

Ce projet de loi apporte tout d’abord des garanties nouvelles aux salariés.

Il pose un principe essentiel : la forme normale de la relation de travail, la forme de droit commun, est le contrat de travail à durée indéterminée.

Les représentants du personnel seront désormais informés sur le recours prévisionnel aux contrats de travail à durée déterminée et temporaire.

En cas de maladie, l’ancienneté requise pour bénéficier d’une indemnisation complémentaire sera réduite de trois ans à un an.

La durée des stages de fin d’études sera comprise dans la période d’essai, jusqu’à réduire celle-ci de moitié.

Le montant de l’indemnité de licenciement sera unifié en doublant celui qui est prévu en cas de licenciement pour motif personnel, et l’ancienneté nécessaire pour percevoir l’indemnité passera de deux ans à un an.

Enfin, ce projet de loi pose le principe selon lequel tout licenciement doit être motivé, et il vient clarifier une situation de fait : il abroge le contrat « nouvelles embauches », le CNE.

Désormais, tout salarié dont le contrat de travail est rompu par son employeur connaîtra donc le motif de son licenciement, selon le principe présent dans l’accord qui demandait aux pouvoirs publics de prendre les dispositions nécessaires pour que l’exigence de motivation et de cause réelle et sérieuse en cas de licenciement « s’applique à tous les contrats ». Xavier Bertrand l’avait dit dès qu’ont été connus la décision de l’Organisation internationale du travail, en novembre 2007, et les arrêts des cours d’appel qui ont rendu inopérant le CNE.

La meilleure sécurisation juridique, pour les salariés comme pour les entreprises, consiste à mettre en cohérence le droit et la réalité, dans un souci de pragmatisme, pour éviter aux entreprises et aux salariés de courir des risques inutiles. Tel était le vœu des signataires de l’accord du 11 janvier 2008, mais telle était aussi la volonté du Gouvernement.

Ce projet de loi modernise les relations individuelles de travail en offrant des règles plus simples, qui s’appuient sur des garanties.

Les partenaires sociaux ont voulu mettre en place de nouvelles périodes d’essai interprofessionnelles par catégories, qui seront donc applicables dans toutes les professions et dans tous les secteurs d’activité.

Les rares périodes d’essai plus longues que prévoient aujourd’hui les accords de branche resteront applicables, comme le requiert l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2008. Pour les périodes d’essai plus courtes, le projet de loi ménage une période de transition d’une année avant de les rendre inopérantes. Ce délai, qui correspond à la période légale de survie d’un accord collectif dénoncé, permettra aux négociations de branche d’adapter la durée des périodes pour les cas où cela s’avérerait nécessaire.

Le projet de loi permet aussi au contrat de travail ou aux accords collectifs qui seront conclus après l’entrée en vigueur de la loi de fixer des périodes d’essai plus courtes.

Le projet de loi rendra possible la rupture conventionnelle du contrat de travail. Il s’agit d’une modernisation sans précédent des relations individuelles de travail. Cela rejoint la décision 145 du rapport de la commission pour la libération de la croissance française, présidée par Jacques Attali. La modernisation de l’économie souhaitée par les membres de cette commission trouve ici son premier écho concret dans le domaine social. Ce ne sera pas le dernier ; nous avons besoin de mettre en œuvre ce type de propositions contenues dans le « rapport Attali ».

Ainsi, l’employeur et le salarié pourront convenir ensemble de rompre leurs relations de travail dans un cadre légal entouré de garanties : assistance des parties, délai de rétractation de quinze jours et homologation par le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. Ces garanties sont reprises par le projet de loi, qui en précise la mise en œuvre.

Cette nouvelle forme de rupture vise à la simplification : c’est pourquoi il est apparu naturel que les recours juridictionnels soient tous traités par les conseils de prud’hommes, que les contentieux portent sur l’homologation ou sur la convention.

Il s’agit d’une innovation essentielle dans notre droit : elle devrait sécuriser les modes de rupture et réduire la judiciarisation dans notre pays, où un quart des licenciements pour motif personnel donne aujourd’hui lieu à un recours en justice.

Le projet de loi offrira aux entreprises des outils pour accompagner et sécuriser leur activité.

Pendant cinq ans sera expérimenté un contrat à durée déterminée à objet défini. Il permettra à une entreprise d’embaucher un ingénieur ou un cadre afin de réaliser un projet pour une durée de dix-huit à trente-six mois. Cela offrira aux entreprises une plus grande souplesse pour recruter les compétences nécessaires à l’exécution de certaines missions ponctuelles. Un accord collectif devra être préalablement conclu pour garantir les conditions d’utilisation de ce contrat.

Enfin, le portage salarial pourra être encadré par un accord qui sera conclu d’ici à deux ans dans la branche du travail temporaire, comme l’ont souhaité les partenaires sociaux. Nous souhaitons que, dans cette perspective, les intérêts de tous soient pris en compte, et Xavier Bertrand a écrit à cet effet au syndicat des entreprises de travail temporaire, qui lui a donné des assurances à ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion qui s’ouvre aujourd’hui va nous permettre de donner force obligatoire à cet accord et, sur certains points, d’améliorer le texte qui vous est soumis, dans le respect de l’équilibre de l’accord.

L’Assemblée nationale a d’ores et déjà procédé à quelques améliorations, que je voudrais rappeler brièvement.

En premier lieu, les députés ont souhaité préciser que les personnes qui signeront une rupture conventionnelle bénéficieront des droits à l’assurance chômage.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion