Intervention de Brigitte Lherbier

Réunion du 8 mars 2021 à 16h00
Droit au respect de la dignité en détention — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Brigitte LherbierBrigitte Lherbier :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre d’une proposition de loi importante.

Certes, les individus placés en détention ont commis des actes répréhensibles. Ces personnes doivent subir une véritable sanction, mais attenter à leur dignité nous semble inadmissible. Fermer les yeux sur des conditions de détention dégradantes n’honore ni notre pays ni notre justice.

De nombreux rapports dénoncent à juste titre la surpopulation carcérale, l’impossibilité d’utiliser des sanitaires de manière privée ou la prolifération d’espèces nuisibles dans certains établissements. Si les conditions d’un enfermement digne ne sont pas réunies, l’incarcération risque de perdre tout son sens. Le but de la prison est, bien entendu, de punir, mais elle doit aussi réhabiliter des individus qui, lorsqu’ils auront payé leur dette à la société, devront y être réintégrés.

Je tiens à préciser que je ne jette pas la pierre aux personnels de l’administration pénitentiaire, qui essaient de faire au mieux, alors que les conditions ne le permettent pas toujours. Les raisons sont bien connues : personnel en nombre insuffisant, infrastructures vieillissantes et manque de places complexifient inexorablement leur travail. Leurs conditions d’exercice difficiles avaient d’ailleurs été abordées par la commission des lois lors de nos travaux sur l’état des forces de sécurité intérieure. Je pense que nous sommes tous d’accord sur ce constat, dans la mesure où la totalité des groupes politiques s’est montrée favorable à ce texte.

J’aimerais profiter de cette tribune pour vous faire part de problèmes dont j’ai été témoin lorsque j’ai eu l’occasion de visiter des prisons pour femmes. On parle moins souvent de leurs conditions de détention, mais cela ne signifie pas que leur incarcération se passe sans accroc. Elles ne représentent que 3, 6 % de la population carcérale en France et sont mieux loties que les hommes, certes, en ce qui concerne la surpopulation.

Au 1er janvier 2021, on estimait que 2 500 femmes étaient incarcérées pour 2 000 places opérationnelles, mais cette statistique globale cache d’importantes disparités. En effet, certains quartiers pour femmes, comme ceux de Toulouse, Perpignan, Nîmes ou Limoges, sont occupés à plus de 140 %. Ce chiffre peut grimper jusqu’à 170 % à Bordeaux.

Pour assurer leur sécurité et éviter des débordements si elles venaient à croiser des hommes, les femmes sont isolées dans leurs quartiers, mais cette séparation rend souvent impossible leur participation à des formations, des activités sportives, socioculturelles et rend plus compliqué leur accès aux soins, ce qui est inquiétant. Elles sont aussi plus exposées, lors de leur incarcération, aux ruptures de liens familiaux ou conjugaux. Les visites sont plus compliquées pour leurs proches dans la mesure où seuls treize établissements en France accueillent des femmes condamnées à plus de deux ans de prison. Un tel état de fait rend plus difficiles leurs chances de réhabilitation.

Si les conditions de détention des femmes sont aussi à améliorer, j’aimerais aussi profiter de ces quelques minutes pour soulever un problème qui me tient à cœur : les enfants qui naissent et grandissent en prison dans les premiers mois de leur vie.

Environ 60 accouchements auraient lieu chaque année en prison et 95 enfants seraient accueillis chaque année en cellule « mère-enfant ». Si 29 établissements pénitentiaires sur 191 disposent d’une nurserie, 76 places seulement y sont réservées à des mères avec des enfants.

Comme vous le savez peut-être, mes chers collègues, les mères d’enfants de moins de 18 mois peuvent demander à être incarcérées avec leur bébé. J’ai pu le vérifier à la prison de Sequedin, près de Lille, dont je suis ressortie très touchée.

Si les mères ont parfois commis des crimes et méritent amplement leur incarcération, leurs enfants, eux, ne sont pas responsables et ils doivent, comme tout être humain, voir leur dignité respectée. Les établissements, s’ils sont généralement propres et bien tenus, n’apparaissent pas adaptés pour le développement et le bien-être de nouveau-nés. Pourquoi ne pas remédier à cette situation, monsieur le garde des sceaux ?

J’aimerais insister ici sur la nécessité de lancer une réflexion large, ouverte à tous, pour que les conditions de vie des enfants se trouvant en quartiers « mère-enfant » soient améliorées. Ces bébés n’ont pas demandé à naître ou grandir en prison. C’est à nous de faire en sorte que les choses se passent au mieux.

Pourquoi ne pas créer des prisons pour femmes, avec un plus petit nombre de personnes incarcérées, ce qui permettrait de respecter leurs exigences familiales ? En bref, des prisons plus petites, plus nombreuses, mieux réparties géographiquement. Cela permettrait non seulement d’améliorer les conditions de vie des enfants nés en détention, mais aussi, de manière plus pragmatique, de libérer des places pour les détenus masculins.

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