Intervention de Jocelyne Guidez

Réunion du 9 mars 2021 à 14h30
Monde combattant — Vote sur l'ensemble

Photo de Jocelyne GuidezJocelyne Guidez :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec fierté que je rapporte aujourd’hui les travaux de la commission des affaires sociales sur une proposition de loi dont je suis l’auteure et qui a reçu un grand nombre de cosignatures issues de nombreuses travées de notre assemblée.

Cette proposition de loi a fait l’objet de la procédure de législation en commission prévue par notre règlement. Le droit d’amendement s’est donc exercé en commission la semaine dernière, et il revient aujourd’hui au Sénat d’approuver le texte dans son ensemble.

Le recours à cette procédure se justifie par le caractère consensuel de cette proposition de loi et par son objet circonscrit.

En effet, il s’agit de faire évoluer le nom d’un établissement public que nous connaissons tous pour son action déclinée dans nos départements, à savoir l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONACVG.

Je souhaite revenir sur les raisons qui m’ont conduite à rédiger cette proposition de loi.

Tout d’abord, il me faut définir la notion d’« anciens combattants », qui correspond de fait aux titulaires de la carte du combattant, parfois appelée à tort carte d’« ancien combattant ».

Cette carte est décernée à tous les militaires qui justifient d’au moins quatre mois de présence sur un théâtre d’opérations. Dans les faits, compte tenu de la durée des missions dans lesquelles nos soldats sont engagés, la plupart des militaires peuvent se voir reconnaître la qualité de combattant dès lors qu’ils ont fait un séjour opérationnel, et ce même s’ils continuent leur carrière au sein de l’armée. On peut donc être ancien combattant à 20 ans, comme on peut être ancien combattant et néanmoins continuer à servir et à combattre pour la France.

Il y a aujourd’hui près de 2 millions d’anciens combattants dans notre pays. Il s’agit essentiellement d’anciens de la guerre d’Algérie, qui sont aujourd’hui au moins octogénaires. Cette troisième génération du feu va, comme les deux précédentes, s’éteindre naturellement dans les années à venir.

On voit aujourd’hui se développer une quatrième génération, composée de ceux et, de moins en moins rarement, de celles qui ont été engagés en opérations extérieures, les OPEX.

Ces opérations extérieures se sont intensifiées depuis le début des années 1990 et, surtout, depuis les années 2000. Pour autant, les ordres de grandeur ne sont plus les mêmes. Alors que près de 2 millions de soldats ont servi en Afrique du Nord, environ 200 000 cartes du combattant ont été décernées au titre des opérations extérieures depuis les années 1970.

Ainsi, comme nous le soulignons chaque année à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, le remplacement progressif de la génération des conflits d’Afrique du Nord par celle des OPEX s’accompagnera d’une décroissance rapide et extrêmement forte du nombre d’anciens combattants.

En outre, nous devons nous attendre à une évolution sociologique de cette population. Alors que les anciens d’Algérie et des conflits antérieurs sont, pour la plupart, d’anciens appelés, parfois incorporés contre leur gré, les militaires des OPEX sont tous des soldats de métier. Le rapport qu’ils entretiennent à l’égard de leur service sous les drapeaux n’est donc pas le même.

Plus jeune et plus féminisée, la population des combattants compte également davantage d’actifs, que ce soit au sein des armées ou dans le civil.

Le monde combattant ne se limite pas aux militaires. L’ONAVG accompagne également les veuves et les pupilles de la Nation, qui pourraient être, à l’avenir, plus nombreux en valeur relative. L’Office doit également, de plus en plus souvent, accompagner les parents de soldats morts pour la France.

Cette évolution sociologique entraînera une évolution des attentes et des besoins des ressortissants de l’ONACVG. En effet, les questions liées à la perte d’autonomie et aux invalides de guerre seront certainement moins prégnantes, alors que les enjeux de formation et de reconversion professionnelle deviendront plus importants.

L’ONACVG devra donc faire évoluer son action. Je sais que sa directrice générale est pleinement engagée dans cette évolution.

Or les termes « anciens combattants » renvoient souvent à une image dans laquelle les jeunes militaires ne se reconnaissent pas. Nous constatons, sur nos territoires, que les associations qui entretiennent la mémoire peinent, même si les choses évoluent lentement, à fédérer la génération des OPEX.

C’est d’autant plus problématique que ces associations voient le nombre de leurs membres décliner et qu’elles ont de plus en plus de difficultés à animer les cérémonies patriotiques et à faire vivre le souvenir.

Pour la même raison, le nom même de l’Office national peut dissuader certains jeunes anciens combattants de solliciter l’ONACVG, alors qu’ils en auraient besoin. Sa directrice estime à environ 30 000 le nombre de personnes éligibles à la carte du combattant, mais qui, pour une raison ou une autre, n’en ont pas fait la demande.

La proposition de loi vise donc à modifier le nom de cet établissement public, afin de faire disparaître le mot « ancien ».

Dans le texte initial figurait le nom « Office national du monde combattant ». Sur ma proposition, et avec l’accord du Gouvernement, la commission des affaires sociales a adopté un amendement permettant de retenir le nom « Office national des combattants et des victimes de guerre ». Cette appellation permet de rassurer les acteurs associatifs quant à la continuité des missions de l’Office. Elle autorise en outre le maintien du sigle ONACVG – le « A » de « ancien » devenant le « a » de « national » – et sa sonorité. L’ensemble des associations que j’ai auditionnées m’a fait part de son accord avec cette proposition.

Ce changement de nom n’aura bien entendu pas d’impact sur les missions de l’Office national, qui continuera notamment à entretenir la mémoire des conflits du passé.

Par ailleurs, la commission a décidé, également sur ma proposition, de fixer l’entrée en vigueur de ce texte au 1er janvier 2023. Cela permettra à l’Office de mettre en œuvre sereinement ce changement et d’effectuer un travail de pédagogie auprès de ses ressortissants.

Je connais, madame la ministre, votre engagement en faveur du monde combattant et l’attention que vous portez aux demandes qui en émanent. Cette proposition de loi constitue une étape dans l’adaptation de l’action de l’ONACVG aux évolutions du monde combattant. Il nous appartiendra collectivement de poursuivre ce travail.

Au bénéfice de ces explications, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter le texte élaboré par la commission des affaires sociales.

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