Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 11 mars 2021 à 10h30
Droit à mourir dans la dignité — Article 1er

Photo de Patrick KannerPatrick Kanner :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, Paulette Guinchard-Kunstler nous a quittés à l’âge de 71 ans, en nous adressant un dernier message.

La première fois que l’on croisait Paulette, on était enveloppé par sa gentillesse, sa bonté, sa bienveillance, sa gouaille, son regard franc et rieur que ne venaient pas troubler les longues mèches grises qui lui couvraient la moitié du visage.

Fille de paysan, issue d’une fratrie de huit enfants, elle s’engage dans sa ville professionnelle comme infirmière en psychiatrie auprès d’enfants autistes. Elle s’engage aussi en politique, dès ses 20 ans, d’abord par la voie du syndicalisme agricole catholique, puis au PSU de Michel Rocard et, enfin, au PS de François Mitterrand, auquel elle restera fidèle jusqu’à la fin de sa vie.

Maire, députée, secrétaire d’État, auteure de la grande loi sur l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), Paulette Guinchard-Kunstler était malade depuis près de quinze ans. Elle savait, par son expérience familiale, à quoi la conduirait cette maladie dégénérative incurable. Je m’en étais entretenu avec elle alors que j’étais encore ministre.

À cette femme qui a tant souffert et tant fait pour son pays, qu’avons-nous répondu ? Rien. Va mourir en Suisse. Ici, ton corps ne t’appartient pas !

Ce scandale que constitue la situation d’abandon d’une immense majorité des personnes en fin de vie dans des conditions insupportables nous concerne tous, mes chers collègues. Le temps s’écoule sans faire de bruit.

La décision de Paulette Guinchard-Kunstler doit nous conduire à voter cet article 1er. Nous permettrions ainsi à chacun de vivre avec un sentiment de dignité jusqu’à la fin de ses jours.

Nous parlons d’un droit fondamental de la personne humaine, d’une nouvelle liberté : la liberté de choisir. Mes chers collègues, qui sommes-nous pour vouloir entraver cette liberté ?

« Les grandes peurs périssent d’être reconnues », dit Camus. Et que cette peur-là est grande, je vous le concède ! Commençons par pouvoir décider en conscience des conditions de notre propre fin de vie et méditons cette belle phrase de Marie-Guite Dufay, présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté : « Paulette avait pris sa décision. L’aimer, c’était la respecter. L’aimer, c’était la laisser partir. »

Mes chers collègues, je voterai en conscience l’article 1er de la proposition de loi de Mme de La Gontrie.

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