Dans cette optique, nous défendrons, par exemple, un amendement visant à ce que le projet de loi prenne en compte l’accord déjà intervenu en matière de portage salarial, quitte à l’étendre.
En effet, dans l’état actuel du texte, il est prévu que le portage sera encadré sur le fondement de l’ANI. Or une convention visant à couvrir les principales entreprises organisant le portage est déjà intervenue. Elle ne doit pas être passée sous silence et, partant, courir le risque de passer par pertes et profits !
Donc, malgré toutes les imperfections mentionnées, le premier pilier d’une véritable modernisation du marché du travail, celui du dialogue social, se consolide. Réjouissons-nous-en ! Sa consolidation doit se faire en partenariat avec un Parlement constructif, dont les prérogatives seront accrues par la réforme des institutions.
À notre avis, je l’ai dit, l’autre pilier d’une modernisation du marché du travail digne de ce nom est la mise en place d’un modèle français de flexsécurité. De quoi parle-t-on ? Pour qu’il y ait flexsécurité, il faut que les facteurs de flexibilité soient contrebalancés par de réels éléments de sécurisation du parcours professionnel des salariés.
C’est la raison pour laquelle, dès le début, nous avons été très opposés au contrat « nouvelles embauches ». Créer le CNE, c’était précariser le marché du travail, au lieu de le dynamiser ; c’était opter pour un modèle ultralibéral anglo-saxon, mais non pour la flexsécurité danoise. Le CNE traduisait, selon nous, une grave erreur de cap, et nous l’avons dénoncée !
À cet égard, je ne peux que rappeler les propos tenus par Michel Mercier le 7 juillet 2005, lors de l’examen par le Sénat du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d’urgence pour l’emploi, dont est sorti le CNE : « Nous devons mener une réforme équilibrée : à l’entreprise plus de liberté et plus de souplesse dans la gestion de ses effectifs, à la nation le soin de renforcer à due concurrence la solidarité collective... ». Le CNE ne respectait pas ces équilibres. Notre collègue Michel Mercier précisait encore : « Il faut fluidifier le marché du travail, mais pas au prix d’une précarisation généralisée des salariés. »
Aujourd’hui, j’ajoute que le fait de permettre des licenciements sans cause « réelle et sérieuse » pendant les deux ans de la « période de consolidation », revenait à s’asseoir sur les droits fondamentaux sous-tendant le code du travail.
Il aura fallu deux ans, une masse de contentieux ahurissante et des requalifications jurisprudentielles pour que le Gouvernement entende raison.
L’ANI est peut-être un accord défensif, mais les partenaires sociaux ont pu y inscrire leur souhait de voir tous les contrats de travail régis par les mêmes modes de rupture. Ce souhait a conduit, dans le présent projet de loi, à l’abrogation du CNE et à la requalification des contrats ainsi signés en CDI. C’est donc une excellente chose.