Les travaux de cette table ronde nous intéressent particulièrement : les impayés de loyers sont au centre de l'actualité depuis la crise sanitaire, mais ce n'est pas un sujet nouveau pour nous ; la prévention et la lutte contre les impayés sont un enjeu majeur pour les bailleurs sociaux, car les locataires sont plus pauvres qu'avant.
En 2018, avant même la crise sanitaire et sociale, le taux d'impayés atteignait déjà 8 % sur 20 milliards d'euros de loyers annuels, soit un pourcentage assez important. La gestion locative, notamment la relation avec les locataires, prend donc des proportions énormes. Des services entiers ont pour mission soit de prévenir les impayés, soit de tenter de résoudre les difficultés qui s'ensuivent et d'accompagner les locataires, la solution extrême étant l'expulsion.
Depuis mars 2020, en raison de la situation liée à la covid-19, nous avons été sollicités pour prêter une attention particulière aux impayés. En toute franchise, nous avons évidemment noté durant la première partie du confinement une très forte augmentation des impayés. Mais nous avions dû fermer l'ensemble de nos agences locatives, sachant que nombre de locataires se déplacent encore dans les agences pour payer. Cette montée en flèche des impayés est redescendue assez vite, avec des situations très contrastées. Pour la moitié des organismes, la situation est stable, voire s'est améliorée, du fait de l'automaticité du paiement des loyers. Entre février et décembre 2020, 12 % des organismes d'HLM ont enregistré une vraie hausse, laquelle dépasse 10 % pour 40 % de bailleurs. Pourquoi ? Près de 56 % des locataires perçoivent des revenus du travail, les autres étant à la retraite ou recevant les minima sociaux. Donc, la plupart d'entre eux n'ont pas subi une véritable aggravation de leur sort.
Il en est autrement pour ceux qui sont passé au chômage partiel. Qu'en sera-t-il lorsqu'il prendra fin ? Il est très difficile d'établir des prévisions, mais on sait d'ores et déjà que le secteur de la culture a été très affecté par la crise, avec une forte chute de l'activité, même si de nombreux acteurs culturels touchent des aides. Que se passera-t-il demain ? Je suis extrêmement prudente, car certains sont allés trop vite en demandant immédiatement du soutien de la part de l'État, et il est possible que nous nous trouvions confrontés à de très fortes difficultés après la crise.
Les organismes d'HLM sont engagés depuis longtemps dans la lutte contre la prévention des impayés, mais nous pouvons encore améliorer les choses, d'autant qu'une partie des expulsions sont dues non à des impayés, mais à des troubles de jouissance. Nous avons instauré des conventions entre les bailleurs sociaux et les associations de locataires pour obliger les bailleurs à renforcer la prévention et à réagir au plus vite en cas d'impayé, sans attendre que les arriérés s'accumulent. Cela est très important dans la période actuelle, car les ménages qui vont connaître des difficultés ne perçoivent pas l'aide personnalisée au logement (APL). Ils sont actifs et n'ont pas l'habitude de faire l'objet d'un suivi social. Ce travail fondamental est plutôt suivi d'effets dans beaucoup de territoires. Mais la crise dure, et l'incertitude demeure quant à la réussite de nos missions.
La bataille que nous menons avec de nombreux parlementaires pour garantir des loyers très maîtrisés, c'est précisément ce qui nous permet de lutter contre les impayés. Et cela est d'autant plus vrai que les revenus moyens de la population active ne sont pas très élevés. Construire plus, mieux et moins cher est la vraie solution aux impayés.