Mes chers collègues, nous commençons notre programme de ce mardi par une table ronde sur les impayés de loyers et de charges et sur la prévention des expulsions.
Nous avons le plaisir d'accueillir quatre intervenants de haut niveau et particulièrement qualifiés pour aborder ces sujets : Mme Emmanuelle Cosse, ancienne ministre du logement et aujourd'hui présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH) qui regroupe et fédère le mouvement HLM ; notre collègue Nicolas Démoulin, député de l'Hérault, ancien parlementaire en mission auprès de la ministre de la transition écologique et de la ministre chargée du logement, et auteur d'un rapport remarqué intitulé Prévenir les expulsions locatives tout en protégeant les propriétaires et anticiper les conséquences de la crise sanitaire ; Mme Nathalie Sarrabezolles, présidente de l'Agence nationale pour l'information sur le logement (ANIL), organisme au service des locataires comme des bailleurs qui maille le territoire à travers les agences départementales pour l'information sur le logement (ADIL), ses « antennes » départementales, et Mme Roselyne Conan, directrice générale, qui sont en visioconférence ; enfin, M. Jean-Marc Torrollion, président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), qui est un acteur et un observateur averti du monde du logement et plus largement de l'immobilier, y compris commercial et professionnel.
Comme vous le savez, la mission d'information que nous animons avec Frédérique Puissat, rapporteur, s'intéresse à l'évolution de la « précarisation » et de la « paupérisation », c'est-à-dire plus au mouvement de fragilisation qui frappe certains de nos concitoyens qu'à des situations déjà installées.
La question des impayés de loyers et de charges, ainsi que l'expulsion qui peut en résulter, nous paraît centrale. En effet, les impayés peuvent être le signe d'une fragilité nouvelle et peuvent conduire, par la perte du logement, à un véritable basculement de ménages qui pouvaient se croire à l'abri d'une issue aussi dramatique. M. Torrollion nous donnera peut-être aussi un aperçu du volet commercial, car les difficultés actuelles peuvent pousser à la faillite des entrepreneurs qui n'auraient jamais pensé tomber dans la précarité.
Je vous propose de débuter cette audition par un propos liminaire de cinq à sept minutes chacun, qui permettra de bien identifier vos différentes contributions. Nous ouvrirons ensuite une phase d'échanges, en commençant par les questions de notre rapporteur et en continuant avec les questions des sénateurs membres de notre mission d'information présents ou en visioconférence.
Je vous rappelle que cette audition fera l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site internet du Sénat et sera consultable à la demande.
Les travaux de cette table ronde nous intéressent particulièrement : les impayés de loyers sont au centre de l'actualité depuis la crise sanitaire, mais ce n'est pas un sujet nouveau pour nous ; la prévention et la lutte contre les impayés sont un enjeu majeur pour les bailleurs sociaux, car les locataires sont plus pauvres qu'avant.
En 2018, avant même la crise sanitaire et sociale, le taux d'impayés atteignait déjà 8 % sur 20 milliards d'euros de loyers annuels, soit un pourcentage assez important. La gestion locative, notamment la relation avec les locataires, prend donc des proportions énormes. Des services entiers ont pour mission soit de prévenir les impayés, soit de tenter de résoudre les difficultés qui s'ensuivent et d'accompagner les locataires, la solution extrême étant l'expulsion.
Depuis mars 2020, en raison de la situation liée à la covid-19, nous avons été sollicités pour prêter une attention particulière aux impayés. En toute franchise, nous avons évidemment noté durant la première partie du confinement une très forte augmentation des impayés. Mais nous avions dû fermer l'ensemble de nos agences locatives, sachant que nombre de locataires se déplacent encore dans les agences pour payer. Cette montée en flèche des impayés est redescendue assez vite, avec des situations très contrastées. Pour la moitié des organismes, la situation est stable, voire s'est améliorée, du fait de l'automaticité du paiement des loyers. Entre février et décembre 2020, 12 % des organismes d'HLM ont enregistré une vraie hausse, laquelle dépasse 10 % pour 40 % de bailleurs. Pourquoi ? Près de 56 % des locataires perçoivent des revenus du travail, les autres étant à la retraite ou recevant les minima sociaux. Donc, la plupart d'entre eux n'ont pas subi une véritable aggravation de leur sort.
Il en est autrement pour ceux qui sont passé au chômage partiel. Qu'en sera-t-il lorsqu'il prendra fin ? Il est très difficile d'établir des prévisions, mais on sait d'ores et déjà que le secteur de la culture a été très affecté par la crise, avec une forte chute de l'activité, même si de nombreux acteurs culturels touchent des aides. Que se passera-t-il demain ? Je suis extrêmement prudente, car certains sont allés trop vite en demandant immédiatement du soutien de la part de l'État, et il est possible que nous nous trouvions confrontés à de très fortes difficultés après la crise.
Les organismes d'HLM sont engagés depuis longtemps dans la lutte contre la prévention des impayés, mais nous pouvons encore améliorer les choses, d'autant qu'une partie des expulsions sont dues non à des impayés, mais à des troubles de jouissance. Nous avons instauré des conventions entre les bailleurs sociaux et les associations de locataires pour obliger les bailleurs à renforcer la prévention et à réagir au plus vite en cas d'impayé, sans attendre que les arriérés s'accumulent. Cela est très important dans la période actuelle, car les ménages qui vont connaître des difficultés ne perçoivent pas l'aide personnalisée au logement (APL). Ils sont actifs et n'ont pas l'habitude de faire l'objet d'un suivi social. Ce travail fondamental est plutôt suivi d'effets dans beaucoup de territoires. Mais la crise dure, et l'incertitude demeure quant à la réussite de nos missions.
La bataille que nous menons avec de nombreux parlementaires pour garantir des loyers très maîtrisés, c'est précisément ce qui nous permet de lutter contre les impayés. Et cela est d'autant plus vrai que les revenus moyens de la population active ne sont pas très élevés. Construire plus, mieux et moins cher est la vraie solution aux impayés.
Je suis aujourd'hui parmi vous au nom de l'ANIL et des ADIL pour apporter notre regard sur la précarisation et la paupérisation concernant le logement. Je rejoins les propos de Mme Cosse : on parle beaucoup d'impayés et d'expulsions, mais nombre de ménages qui connaissent des difficultés majeures paient leur loyer, ce qui ne doit pas nous empêcher de tout faire pour proposer des loyers à des prix les plus modérés possible.
Globalement, les consultations sur le traitement des impayés et des expulsions ont augmenté au fil du temps. Il faut examiner l'ensemble des facteurs pour connaître les raisons de cette augmentation. Néanmoins, l'observation sociale sur le terrain fait apparaître la précarité financière des ménages. Les ADIL remplissent leur rôle d'accompagnement sur ces sujets, et nous essayons de développer les outils nécessaires à leur mission.
Nous avons réussi à améliorer la situation de nombre de ménages grâce à des actions en phase précontentieuse. Nous avons déployé des moyens au niveau national et effectué des campagnes d'information par le biais des ADIL. Nous avons par ailleurs créé un numéro téléphonique « SOS loyers impayés », des rubriques spécifiques sur le site de notre agence, afin de répondre aux difficultés exprimées, par exemple les limitations de déplacement.
La question de l'identification de nouveaux publics est importante, mais celle des publics connus se pose également : comment toucher ceux qui n'ont pas facilement accès aux aides ? Nous avons vu arriver beaucoup de jeunes, des artisans, des commerçants et des travailleurs en activité partielle, saisonniers ou intermittents, qui n'étaient pas habitués des services sociaux. Nous devons les accompagner au mieux. Au travers de nos échanges avec la Banque de France, on se rend compte que la question du surendettement n'est pas forcément le résultat d'une mauvaise gestion ; elle est plutôt liée à des revenus insuffisants pour faire face aux dépenses quotidiennes. La tendance déjà perceptible au cours de ces dernières années s'est amplifiée lors de la crise sanitaire.
Le nouveau mode de calcul des APL va-t-il entraîner un pic de consultations ? Une forte sollicitation a effectivement été constatée à partir du mois d'août, mais il faut patienter pour pouvoir en tirer des conclusions fiables. Les caisses d'allocations familiales seraient certainement mieux à même de répondre à cette question.
Je rappellerai tout d'abord le cadre de ma mission et préciserai le profil des ménages concernés. La France enregistre 11,7 millions de locataires, et le parc social compte 4,7 millions de logements. Dans le parc privé, 2 millions de baux sont gérés par des intermédiaires, et 5 millions directement par les propriétaires bailleurs - j'insiste sur cette dernière catégorie, qui est assez rarement représentée.
La procédure d'expulsion est extrêmement longue, violente, avec l'arrivée d'un huissier à domicile, l'assignation au tribunal, l'audience, le commandement de quitter les lieux et le recours éventuel à la force publique pour l'expulsion. Ces différentes étapes s'échelonnent en réalité au moins sur vingt-quatre mois.
Ces procédures judiciaires ont diminué depuis quelques années : en 2019, on a recensé 153 000 décisions, dont 16 700 ont été assorties du recours à la force publique - ce chiffre a été multiplié par trois en trente ans.
Compte tenu de la très forte inquiétude des bailleurs lors du confinement, a été mis en place l'Observatoire des impayés, qui s'est réuni par deux fois. Il n'a pas constaté à ce stade de forte augmentation des impayés, mais il a tout de même noté une hausse des retards de paiement. Nous sommes très inquiets pour la suite, car les amortisseurs ont été nombreux : État, bailleurs sociaux, etc. Dans les mois et les années à venir, les impayés risquent de toucher des ménages que l'on ne connaît pas : auto-entrepreneurs, restaurateurs, commerçants, qui n'ont pas l'habitude de demander de l'aide, par fierté ou par réflexe. Nous avons la responsabilité d'aller les voir le plus tôt possible, via des associations comme le Secours populaire ou les Restos du coeur - fin 2020, 40 % de nouveaux ménages s'adressaient à des associations pour obtenir de la nourriture.
Il y a consensus, il est temps de passer à l'action. Il va falloir s'adresser aux centres communaux d'action sociale (CCAS), qui font un travail remarquable, mais n'ont pas pour habitude de se tourner vers ces ménages. Il convient de frapper à leur porte, d'échanger avec eux, de créer un climat de confiance, car le non-recours à ces aides est malheureusement monnaie courante.
Sur la trêve hivernale, j'ai formulé des préconisations assez précises dans mon rapport. Il faudra absolument échelonner les futures expulsions pour des raisons humanistes et de logistique. Les services déconcentrés de l'État, les acteurs sociaux ne pourront pas gérer 30 000 expulsions sans un risque majeur de remise à la rue. Il faut réaliser un travail de dentelle à destination de ces ménages, y compris les propriétaires privés. J'ai souhaité que l'on puisse accélérer les indemnisations et les rendre automatiques. Malheureusement, en France, peu de propriétaires les demandent. Je souhaite aussi que ce budget, géré par le ministère de l'intérieur, soit confié au ministère du logement.
63 % des locataires du secteur privé locatif ont un revenu par unité de consommation inférieur au revenu médian : 62 % d'entre eux sont actifs, 13 % chômeurs, 6 % retraités et 14 % étudiants. Un tiers des actifs et 35 % des chômeurs de ce pays sont logés dans le parc privé.
C'est un parc qui tourne vite - les deux tiers des locataires sont là depuis moins de quatre ans - et qui loge beaucoup de jeunes - 25 % des locataires ont moins de 30 ans, contre 8 % dans le parc social.
Nous ne constatons pas de hausse des impayés, mais en revanche beaucoup de résiliations de baux depuis le début de l'année, en particulier pour les petits appartements. Concrètement, beaucoup de jeunes, en particulier des étudiants, sont rentrés à la maison. Les petits boulots qui permettaient de faire l'appoint n'existent plus, et la nécessité d'un hébergement à proximité de l'université est moindre avec l'augmentation des cours à distance.
C'est donc une solution défensive, d'abandon du logement et de recohabitation qui est mise en oeuvre par les plus jeunes, dans un contexte où en France la décohabitation est plus précoce que dans les autres pays d'Europe.
Nous constatons aussi que le taux d'effort des locataires du parc privé a augmenté de 5 points entre 2001 et 2013, en dépit d'une hausse modérée des loyers. Ce phénomène est en partie lié à la hausse des charges, mais surtout à la baisse des revenus des locataires, sachant que la plupart des personnes qui en avaient les moyens ont accédé à la propriété au cours des six dernières années. Nous avons tout de même 1,1 million de retraités dans le parc privé, et 21 % de nos locataires bénéficient d'une APL.
L'addition des moratoires engendre une problématique de cumul des expulsions qui rend leur gestion extrêmement délicate. L'État essaie légitimement de faire en sorte que les schémas d'expulsion soient gérés le plus humainement possible, mais l'enjeu financier pour les bailleurs ne doit pas non plus être négligé. Aujourd'hui, l'indemnisation des propriétaires via les fonds détenus par les préfectures n'est pas acceptable ; elle est difficilement compréhensible et fondamentalement frustrante.
Les délais de procédure et d'expulsion en France figurent parmi les plus longs des pays occidentaux : je ne porte pas de jugement en faisant ce constat, mais cela a forcément un coût et pèse sur la perception des bailleurs.
D'un point de vue opérationnel, nous constatons que 10 % de nos loyers donnent lieu à un rappel mensuel. La notion de retard de loyers est déterminante pour un administrateur de biens : c'est dès le premier terme échu et l'appel du deuxième loyer que nous pouvons analyser un problème passager de trésorerie et élaborer un plan d'apurement. Quand on doit engager une procédure, tout devient extrêmement compliqué.
La FNAIM participe à l'Observatoire des loyers impayés. Nos 63 présidents de chambres départementales me font remonter les informations qu'ils ont recueillies auprès de leur liste d'administrateurs. Notre caisse de garantie, Galian, nous donne aussi la température sur le niveau des impayés.
Nos interrogations pour le futur portent essentiellement sur la fin des aides à l'activité économique et sa conséquence sur la situation des actifs. Nous sommes plutôt optimistes, sauf pour certains jeunes, qui devront peut-être continuer à se priver de logement.
Vous avez tous souligné l'importance de la chronologie dans la gestion des impayés et la nécessité d'intervenir tôt. Des progrès sont-ils envisageables, notamment à travers le développement des points-conseils budgétaires ?
Les listes d'attente pour les logements sociaux s'allongent-elles ? Voyez-vous arriver de nouvelles populations, indice d'une éventuelle précarisation ?
Avez-vous des données objectives permettant de distinguer les expulsions pour raisons financières des expulsions pour troubles à l'ordre public ?
On entend parler de nouvelles populations qui basculeraient dans la précarité avec la crise sanitaire : les jeunes, les libéraux... Avez-vous des chiffres précis à nous communiquer à ce sujet ?
Quel est votre sentiment à propos des travaux sur le revenu universel d'activité (RUA) et les APL ?
Enfin, monsieur Démoulin, quelles suites le Gouvernement entend-il apporter à vos 53 recommandations, dont certaines sont très techniques ?
Chaque expulsion pour cause d'impayés est un drame, même si elle est parfois nécessaire. La lenteur des procédures judiciaires ne profite à personne.
Dans le parc social, c'est rarement lors des premiers retards de loyers que l'on établit un contact avec les locataires, mais plutôt lors de l'envoi des commandements de payer. On insiste auprès des bailleurs pour qu'ils essaient de renouer le contact plus en amont. Je dis souvent qu'il faut commencer à discuter dès 10 euros d'impayés.
Toutefois, de manière générale, quand nos locataires commencent à ne plus payer leur loyer, alors qu'ils se sont souvent battus pour avoir un HLM, c'est vraiment que ça va mal. Certains continuent d'honorer leur loyer alors qu'ils se fournissent auprès des banques alimentaires.
Globalement, la population des HLM s'appauvrit d'année en année, et cela nous inquiète beaucoup. Les nouveaux entrants sont toujours plus pauvres que les locataires qu'ils remplacent.
L'ascenseur social par le travail ne fonctionne plus. Aujourd'hui, même nos locataires actifs, souvent à temps partiel, n'y arrivent plus.
En outre, nos obligations de relogement des publics prioritaires nous conduisent à accueillir beaucoup de personnes fragiles, qui n'ont aucun autre revenu que les minima sociaux et les allocations familiales.
Les listes d'attente pour un logement HLM comprennent toujours 2,1 millions de demandeurs, dont 700 000 en attente d'une mutation au sein du parc. De mémoire, 70 % d'entre eux sont sous le plafond des PLAI, à savoir les logements les moins chers. Je ne pourrai pas vous dire précisément aujourd'hui si nous avons une évolution de la demande et de nouveaux profils, mais je compte procéder à cette analyse pour le prochain congrès HLM de septembre.
Si un ménage est expulsé pour cause d'impayés, il ne pourra pas se reloger en HLM. C'est pourquoi il faut vraiment prévenir ces situations. Je m'interroge aussi beaucoup actuellement sur les impayés dans les résidences étudiantes : on n'en parle pas beaucoup, mais a priori ces étudiants n'auront pas le droit d'y retourner l'année prochaine.
Les expulsions pour troubles à l'ordre public, certes très sensibles, et qui peuvent poser d'énormes problèmes au niveau d'une résidence, ne sont pas si fréquentes. En 2018, nous avons eu 220 expulsions pour des troubles de jouissance. En comparaison, nous avons environ 800 000 ménages qui rencontrent chaque année des problèmes d'impayés, ce qui se solde par environ 8 000 expulsions prononcées et exécutées chaque année. On voit donc aussi que la plupart des situations d'impayés se règlent avant d'en arriver à l'expulsion.
En 2018, 20 000 concours de la force publique avaient été sollicités, 12 000 accordés et 7 600 in fine exécutés. Les demandes de concours ne représentent que 0,5 % des locataires.
Je ne sais pas trop où en sont les travaux sur le RUA, mais nous avons toujours été opposés à l'intégration des allocations logement en son sein. En effet, l'APL n'est pas un revenu de substitution comme l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou d'autres allocations, mais une aide à la solvabilisation des ménages face à un marché locatif trop onéreux.
Quelles seraient par ailleurs les conséquences financières de cette intégration sur la trajectoire des APL ? Nous n'avons jamais eu communication des travaux économiques sur le sujet. Depuis quatre ans, nous avons des dissensions assez fortes avec le Gouvernement sur les APL, qui sont moins solvabilisatrices que par le passé. C'est pourtant l'allocation la plus redistributrice. Nous ne souhaitons pas non plus traiter trois publics : ceux qui n'ont pas l'APL, ceux qui ont l'APL sans le RUA et ceux qui ont une allocation logement intégrée au RUA.
Je ne sais pas aujourd'hui si la situation économique des personnes touchant les APL s'est aggravée. Nous avons tous lu des articles sur le sujet, mais nous n'avons pas de données plus précises pour l'instant.
Le travail de médiation et d'information effectué au sein des ADIL a un impact notable sur la résolution des impayés et la sécurisation des bailleurs. Quatre bailleurs sur cinq ont trouvé une solution amiable à la suite de leurs échanges avec les ADIL ; deux locataires sur trois ont résolu leur problème d'impayé et, une fois sur deux, ils ont vu le montant de leur dette recalculé.
De leur côté, les bailleurs sociaux accomplissent également un important travail d'accompagnement des locataires. Les centres communaux et départementaux d'action sociale informent aussi leur public sur les questions de logement.
La tendance générale à la hausse des demandes de logements sociaux existe déjà depuis plusieurs années. Elle sera peut-être renforcée par la crise économique, mais nous n'avons pas encore assez de recul pour disposer de chiffres consolidés. Les enveloppes du Fonds de solidarité pour le logement (FSL) ont été étendues pour faire face à la hausse des demandes sociales, qui concernent plus des problèmes de précarité énergétique que de logement.
Sur les impayés, les diagnostics socio-juridiques doivent être suffisamment précoces pour nous permettre d'engager des actions auprès des ménages, à travers les équipes mobiles. Les outils d'information doivent être développés.
Sur le RUA, nous rejoignons plutôt l'avis exprimé par Mme Cosse.
L'ancienne attestation d'APL d'un locataire lorsqu'il candidatait à un logement faisait ressortir le revenu pris en considération. La nouvelle attestation ne mentionne plus le revenu. C'est dommage, car cela fait perdre du temps et rend l'APL moins efficace. Voilà une idée d'amélioration toute simple !
Dans l'Isère, nous avons expérimenté avec intérêt la jonction de nos systèmes d'information avec l'administration fiscale pour traiter automatiquement le déménagement des locataires. Nous sommes très ouverts à l'idée de pratiquer cette même jonction pour faciliter au maximum la gestion des APL en tiers payant, ce que nous savons faire.
Bien évidemment, nous pouvons diminuer le nombre de procédures judiciaires, de 30 % selon moi. Nous devons anticiper dès maintenant les expulsions qui pourraient découler de la crise d'ici un ou deux ans, en nous appuyant sur les acteurs de terrain, à commencer par l'huissier de justice.
Le commandement de payer qu'il délivre constitue le premier contact présentiel avec le locataire, et il peut être décisif. Selon moi, nous devons avoir à cet instant une exigence d'information du locataire et du propriétaire.
Il faut impérativement clarifier le rôle des différents acteurs, en utilisant les ADIL comme porte d'entrée.
La loi 4D et le texte de la Chancellerie à venir peuvent nous permettre d'avancer. À l'heure actuelle, les huissiers ne peuvent pas accéder à certains logements, et certains locataires reçoivent des commandements de payer sans voir personne.
Aujourd'hui, le diagnostic social et financier est déclenché à partir de l'assignation par les préfectures, soit après plus de quatre mois de procédure, ce qui est trop tardif. Par ailleurs, un tiers seulement de ces diagnostics sont réalisés, le juge prenant souvent une décision en l'absence de ce document, ce qui conduit généralement à l'expulsion. Seuls 30 % des locataires sont par ailleurs présents aux audiences.
Enfin, il me semble que les « petits propriétaires » du parc privé ont tendance à être trop bienveillants dans un premier temps. Ils doivent réagir très vite, dans leur intérêt, celui du locataire et de la puissance publique. Un euro investi dans la politique de prévention des impayés peut faire économiser plus de 10 euros à l'ensemble des partenaires.
Dans le secteur public, très peu de jugements d'expulsion sont mis à exécution, une solution sociale étant trouvée le plus souvent, même si la participation des locataires au loyer est souvent assez minime.
Dans le secteur privé, on a souvent des « petits propriétaires » qui louent un ou deux logements pour avoir un complément de revenus. En cas d'impayés, ça se passe souvent mal, car les procédures sont extrêmement longues, entre le commandement de payer, l'assignation, le jugement, un éventuel appel et son exécution. Certains locataires de mauvaise foi vont même jusqu'à saisir la commission de surendettement pour les bloquer.
Les locataires sont désormais bien protégés par la loi, mais ces petits propriétaires rencontrent souvent des difficultés importantes en cas d'impayés. Ils ont perdu deux ans de loyer et doivent en plus assurer la remise en état de leur bien.
Les organismes d'HLM sont régulièrement contrôlés par l'Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) et peuvent être sanctionnés s'ils ne donnent pas des gages sur le travail effectué pour la réduction des impayés.
Certaines associations nous reprochent parfois de ne pas laisser suffisamment « filer » certains dossiers, mais, dans certaines zones, si l'on commence à desserrer la bride sur la question des impayés, la situation peut très vite se dégrader. Si les organismes n'agissent pas sur les impayés, ils ont aussi moins d'argent à investir dans les réhabilitations.
Enfin, dès lors que nous recevons des aides publiques et que nous avons des obligations de relogement, il est normal que l'État demande des comptes et des résultats sur la prévention et la réduction du taux d'impayés.
On dénombre autant d'expulsions avec le concours de la force publique dans le parc privé que dans le parc social.
La transmission du commandement de payer permet aussi au locataire d'accéder à certaines aides, mais cela ne ressort pas toujours très clairement du document.
Il serait intéressant de clarifier la répartition des aides et d'abonder le FSL pour mieux assurer le maintien dans le logement.
L'incitation à passer au prélèvement automatique permettrait-elle de mieux prévenir les impayés dans le logement social ? Ne faudrait-il pas également renforcer les équipes de conseillers en économie sociale et familiale au sein des bailleurs sociaux ?
Action logement n'est pas représenté aujourd'hui, mais un projet de réforme est en cours. Cet organisme a mis en place des dispositifs d'accompagnement des salariés, comme l'extension de la garantie Visale, les aides à la mobilité ou la « prime covid ». Ces mesures vont dans le bon sens, mais sont-elles soutenables financièrement pour Action logement ?
Plus vite on propose le prélèvement automatique aux nouveaux locataires, mieux c'est. La plupart ont désormais des comptes bancaires.
Mais la question, c'est surtout de savoir comment suivre des ménages qui rencontrent déjà de grandes difficultés lorsqu'ils intègrent le parc HLM. Cette année, 18 % de nos attributions concernent des personnes bénéficiant du plan Logement d'abord, en grande précarité. Prélèvement ou pas, il faut pouvoir accompagner ces locataires.
Je suis favorable au renforcement des équipes de proximité, qu'il s'agisse des conseillers ou des gardiens. Mais l'Ancols reproche à certains bailleurs de trop dépenser sur l'action de proximité...
S'agissant d'Action logement, j'avais beaucoup oeuvré à l'élargissement de Visale en 2016. Le système est intéressant. Nous n'avons pas encore vraiment de retours sur l'efficacité de ces aides mises à disposition par Action logement. La soutenabilité globale des dépenses de cet organisme se pose également aujourd'hui.
Au-delà, le problème central est celui de la cherté du loyer par rapport à la rémunération du travail, mais aussi de la pauvreté, avec parfois un décrochage après le départ en retraite. On voit dorénavant des premières demandes de logement social déposées à 64 ans. C'est une nouvelle tendance qui risque de s'accentuer à l'avenir.
De 2005 à 2020, de nombreuses opérations mixtes - accession à la propriété et logements sociaux - ont été livrées. Je leur reproche de ne pas avoir prévu de gardiens-concierges. La réhabilitation de cette fonction permettrait de gagner à tous points de vue, y compris en sécurité.
La logique d'un bailleur privé est avant tout de récupérer son logement, et ensuite de récupérer éventuellement son loyer. Il préférera souvent renoncer à six ou sept mois de loyers plutôt que d'engager une longue procédure. Dans les cas d'impayés, on sous-estime trop les abandons de créance assumées par les bailleurs privés.
Quel est le rôle des CCAS dans ces situations d'impayés ?
Un revenu universel de base pourrait-il donner un nouvel élan à ces familles en difficulté ?
Les CCAS, comme d'autres acteurs, sont en lien avec les bailleurs. Ils peuvent jouer un rôle déterminant dans la recherche d'une solution.
La réflexion sur un revenu universel de base est intéressante. Mais quel serait son but : diminuer la dépense sociale ou assurer à tout ménage un socle commun lui assurant une certaine stabilité ?
Toutefois, ce qui nous inquiète le plus dans le logement social, c'est la diminution et le fractionnement croissant des revenus du travail, ce dernier assurant de moins en moins son rôle de solvabilisation des ménages.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 16 h 55.